Nous avons rencontré Robin Recht chez BD Fugue Annecy le samedi 29 avril 2017.
Désintégration est tiré de l’expérience que Matthieu Angotti a réellement vécue comme conseiller à Matignon lorsque Jean-Marc Ayrault était Premier Ministre.
Votre livre démarre en Savoie
Oui, à ce moment-là Mathieu vient passer des vacances en Savoie.
Le hasard fait bien les choses puisqu’on vous voit à Annecy… Vous jouez avec la disposition des dessins, sur une case, sur plusieurs. On dirait que vous jouez de l’intégration et de la désintégration par l’intermédiaire de cette disposition
C’est davantage pour moi le moyen de faire un jeu de mise en scène, mais certains lecteurs me disent que ça donne l’impression d’être lu à travers les grilles de barreaux ou d’une fenêtre. Une forme de distanciation. C’est possible. J’avoue que je cherchais surtout à m’amuser. Je voulais avoir un gaufrier fixe.
Un gaufrier ? C’est un terme technique ?
Oui, c’est la disposition des cases dans la page.
Et la chantilly ?
La chantilly, c’est le talent de l’artiste (rires). Cette disposition m’a permis de jouer du dispositif de mise en scène un peu éclaté et spectaculaire.
Ça explose parfois
C’est ce que je voulais.
Vous restituez ce qui a été vécu ou bien il y a une part d’interprétation personnelle dans l’approche politique du récit ?
On a essayé d’être le plus exact possible dans la réalité de ce qui s’est passé, mais c’est une réalité subjective, celle qu’a vécue Matthieu. On n’est pas dans un travail journalistique. Matthieu assume son côté acteur de la situation mais se garde de manipuler le lecteur. Il ne voulait pas de propos à charge ou à décharge ; mais c’est son point de vue. Manuel Valls en aurait eu un autre, mais ça ne veut pas dire que l’un ou l’autre ait tort.
Désintégration est tiré de l’expérience que Matthieu Angotti a réellement vécue comme conseiller à Matignon lorsque Jean-Marc Ayrault était Premier Ministre.
Votre livre démarre en Savoie
Oui, à ce moment-là Mathieu vient passer des vacances en Savoie.
Le hasard fait bien les choses puisqu’on vous voit à Annecy… Vous jouez avec la disposition des dessins, sur une case, sur plusieurs. On dirait que vous jouez de l’intégration et de la désintégration par l’intermédiaire de cette disposition
C’est davantage pour moi le moyen de faire un jeu de mise en scène, mais certains lecteurs me disent que ça donne l’impression d’être lu à travers les grilles de barreaux ou d’une fenêtre. Une forme de distanciation. C’est possible. J’avoue que je cherchais surtout à m’amuser. Je voulais avoir un gaufrier fixe.
Un gaufrier ? C’est un terme technique ?
Oui, c’est la disposition des cases dans la page.
Et la chantilly ?
La chantilly, c’est le talent de l’artiste (rires). Cette disposition m’a permis de jouer du dispositif de mise en scène un peu éclaté et spectaculaire.
Ça explose parfois
C’est ce que je voulais.
Vous restituez ce qui a été vécu ou bien il y a une part d’interprétation personnelle dans l’approche politique du récit ?
On a essayé d’être le plus exact possible dans la réalité de ce qui s’est passé, mais c’est une réalité subjective, celle qu’a vécue Matthieu. On n’est pas dans un travail journalistique. Matthieu assume son côté acteur de la situation mais se garde de manipuler le lecteur. Il ne voulait pas de propos à charge ou à décharge ; mais c’est son point de vue. Manuel Valls en aurait eu un autre, mais ça ne veut pas dire que l’un ou l’autre ait tort.
Votre livre donne un regard différent sur le premier ministre de l’époque Jean-Marc Ayrault.
Mon propre point de vue a changé. Avant, j’avais le point de vue d’un citoyen lambda qui considérait Jean-Marc Ayrault comme quelqu’un tout en rondeur, qui manquait de relief. À travers les notes de Mathieu j’ai découvert quelqu’un de différent, avec des convictions, des combats qu’il perdait ou gagnait mais qui essayait de traduire une vraie pensée de gauche. Quand on découvre vraiment les gens, on remarque qu’ils ne correspondent pas à leur apparence médiatique. Pareil pour Valls. Je voyais une personne dans les calculs de billard à huit bandes, dans un itinéraire personnel et en faisant le livre j’ai découvert une personne qui est bien plus dans l’idéologie que je le croyais. Quelqu’un qui a des convictions très fortes sur la laïcité, la République, le vivre-ensemble, la France. Ces gens ne se battent pas seulement pour des ego -ce qui est indéniable- mais principalement pour des idées. Tout ça cohabite et il y a moins de cynisme que je le pensais.
Il faut y ajouter des pesanteurs. Le poids administratif, par exemple.
C’est compliqué. Beaucoup de choses s’entrechoquent et fabriquent à la fin une réalité politique faite de rapports de forces politiques, du poids de chacun, un mélange d’idéologie, d’ambitions personnelles, de moments dans la vie des gens qui fabriquent une réalité que les médias transforment en conflits de personnes, en une dramatisation. Les médias en font un peu de la série télé avec des héros qui s’aiment, qui s’opposent, qui se déchirent. Cette vision, qui n’est pas le réel mais seulement une partie de celui-ci, dégrade notre vivre-ensemble. Tous ne sont pas pourris.
Il est intéressant d’entendre cette analyse entre les deux tours des élections présidentielles.
La préparation de ce livre a vraiment changé ma manière de voir les choses. Je ne me dis pas que les gens avec lesquels je ne suis pas d’accord idéologiquement sont des méchants et que les autres sont des gentils. Ils représentent des courants d’idées qui doivent vivre dans notre démocratie. Le combat ne doit pas être une caricature.
On peut avoir l’impression que, au-delà de l’intégration de telle ou telle catégorie de la population, le véritable enjeu est l’intégration de tout le monde.
Oui, on manque cruellement d’une ventilation de la société civile. On reste dans une société verticale qui ne fait pas assez confiance aux gens. Les responsables politiques nous considèrent trop comme des enfants turbulents qui sont ou ne sont pas d’accord avec eux. Ils se considèrent comme les maîtres d’école qui doivent faire arriver à bon port l’autobus plein d’enfants turbulents. Et je pense que ce n’est pas vrai. Les gens sont cultivés, intéressants, intelligents, ils ont des problèmes spécifiques. La réalité est différente pour chacun. Il n’y a pas de votes de gens fous. Il nous manque cette discussion horizontale dont les médias devraient faire partie en donnant des clés qui permettent au débat d’exister et en ne se limitant pas à la dramatisation.
Mon propre point de vue a changé. Avant, j’avais le point de vue d’un citoyen lambda qui considérait Jean-Marc Ayrault comme quelqu’un tout en rondeur, qui manquait de relief. À travers les notes de Mathieu j’ai découvert quelqu’un de différent, avec des convictions, des combats qu’il perdait ou gagnait mais qui essayait de traduire une vraie pensée de gauche. Quand on découvre vraiment les gens, on remarque qu’ils ne correspondent pas à leur apparence médiatique. Pareil pour Valls. Je voyais une personne dans les calculs de billard à huit bandes, dans un itinéraire personnel et en faisant le livre j’ai découvert une personne qui est bien plus dans l’idéologie que je le croyais. Quelqu’un qui a des convictions très fortes sur la laïcité, la République, le vivre-ensemble, la France. Ces gens ne se battent pas seulement pour des ego -ce qui est indéniable- mais principalement pour des idées. Tout ça cohabite et il y a moins de cynisme que je le pensais.
Il faut y ajouter des pesanteurs. Le poids administratif, par exemple.
C’est compliqué. Beaucoup de choses s’entrechoquent et fabriquent à la fin une réalité politique faite de rapports de forces politiques, du poids de chacun, un mélange d’idéologie, d’ambitions personnelles, de moments dans la vie des gens qui fabriquent une réalité que les médias transforment en conflits de personnes, en une dramatisation. Les médias en font un peu de la série télé avec des héros qui s’aiment, qui s’opposent, qui se déchirent. Cette vision, qui n’est pas le réel mais seulement une partie de celui-ci, dégrade notre vivre-ensemble. Tous ne sont pas pourris.
Il est intéressant d’entendre cette analyse entre les deux tours des élections présidentielles.
La préparation de ce livre a vraiment changé ma manière de voir les choses. Je ne me dis pas que les gens avec lesquels je ne suis pas d’accord idéologiquement sont des méchants et que les autres sont des gentils. Ils représentent des courants d’idées qui doivent vivre dans notre démocratie. Le combat ne doit pas être une caricature.
On peut avoir l’impression que, au-delà de l’intégration de telle ou telle catégorie de la population, le véritable enjeu est l’intégration de tout le monde.
Oui, on manque cruellement d’une ventilation de la société civile. On reste dans une société verticale qui ne fait pas assez confiance aux gens. Les responsables politiques nous considèrent trop comme des enfants turbulents qui sont ou ne sont pas d’accord avec eux. Ils se considèrent comme les maîtres d’école qui doivent faire arriver à bon port l’autobus plein d’enfants turbulents. Et je pense que ce n’est pas vrai. Les gens sont cultivés, intéressants, intelligents, ils ont des problèmes spécifiques. La réalité est différente pour chacun. Il n’y a pas de votes de gens fous. Il nous manque cette discussion horizontale dont les médias devraient faire partie en donnant des clés qui permettent au débat d’exister et en ne se limitant pas à la dramatisation.
Votre livre permet justement de réfléchir et d’engager des discussions comme nous le faisons en ce moment. Les personnes qui attendent votre dédicace vous écoutent avec un intérêt évident.
C’est tout l’objectif du livre, à sa modeste place. Matthieu est vraiment attaché à la chose politique dans sa dimension la plus noble : ça nous concerne tous, c’est la place publique. Il ne fait pas carrière dans la politique. Il pense que les gens doivent entrer dans cette maison de la politique qui ne peut pas fonctionner sans eux.
Est-ce que le livre est la continuation d’une expérience qui comporte des échecs et des réussites ?
Désintégration raconte effectivement des réussites comme le plan sur la pauvreté mais le métier politique est par nature décevant. Il faut transiger, lisser, à l’inverse de ce que je vis comme auteur. Être auteur, c’est être dans une radicalité, c’est porter une vision subjective et radicale. La politique est l’inverse. Ça consiste à dire « On est tous ensemble, il faut trouver un équilibre pour que le bateau avance. » Les conseillers que j’ai rencontrés ont une énergie et une foi dans la politique incroyables. Ce sont des esclaves de la République, dévoués corps et âme et, en même temps, ils ont une vie très facile .Ils sont cocoonés et protégés dans une forteresse dorée. C’est nécessaire parce qu’ils prennent tellement de coups de toutes parts. La forteresse est nécessaire mais elle les coupe de la « vie », les rend lointains mais plus solides. C’est pourquoi je pense que les gens de la société civile doivent participer à la vie politique pour équilibrer les arbitrages.[et Robin Recht de raconter comment un responsable de la société civile avait été très fier de pouvoir suivre jusqu’au bout le plan pauvreté, participer à son élaboration jusqu’au moment où Matthieu l’a remis officiellement.]
Votre livre pose la question « Qui gagne à la fin ? »
La fin du livre montre des enfants. Notre responsabilité est de les préparer, de préparer le monde dans lequel ils vont vivre pour que les choses leurs soient meilleures au lieu de s’écharper pour notre génération actuelle.
Vous compter continuer dans cette veine-là ?
Uniquement s’il y a des occasions et de bons bouquins à faire. Je ne suis pas militant mais j’ai envie de comprendre le monde dans lequel je vis. Matthieu est plus militant, c’est pourquoi son parcours l’a amené vers la politique. Il est plus acteur que moi qui suis passionné par les acteurs.
Un artiste est un peu seul mais a besoin d’être relié.
Exactement !
C’est tout l’objectif du livre, à sa modeste place. Matthieu est vraiment attaché à la chose politique dans sa dimension la plus noble : ça nous concerne tous, c’est la place publique. Il ne fait pas carrière dans la politique. Il pense que les gens doivent entrer dans cette maison de la politique qui ne peut pas fonctionner sans eux.
Est-ce que le livre est la continuation d’une expérience qui comporte des échecs et des réussites ?
Désintégration raconte effectivement des réussites comme le plan sur la pauvreté mais le métier politique est par nature décevant. Il faut transiger, lisser, à l’inverse de ce que je vis comme auteur. Être auteur, c’est être dans une radicalité, c’est porter une vision subjective et radicale. La politique est l’inverse. Ça consiste à dire « On est tous ensemble, il faut trouver un équilibre pour que le bateau avance. » Les conseillers que j’ai rencontrés ont une énergie et une foi dans la politique incroyables. Ce sont des esclaves de la République, dévoués corps et âme et, en même temps, ils ont une vie très facile .Ils sont cocoonés et protégés dans une forteresse dorée. C’est nécessaire parce qu’ils prennent tellement de coups de toutes parts. La forteresse est nécessaire mais elle les coupe de la « vie », les rend lointains mais plus solides. C’est pourquoi je pense que les gens de la société civile doivent participer à la vie politique pour équilibrer les arbitrages.[et Robin Recht de raconter comment un responsable de la société civile avait été très fier de pouvoir suivre jusqu’au bout le plan pauvreté, participer à son élaboration jusqu’au moment où Matthieu l’a remis officiellement.]
Votre livre pose la question « Qui gagne à la fin ? »
La fin du livre montre des enfants. Notre responsabilité est de les préparer, de préparer le monde dans lequel ils vont vivre pour que les choses leurs soient meilleures au lieu de s’écharper pour notre génération actuelle.
Vous compter continuer dans cette veine-là ?
Uniquement s’il y a des occasions et de bons bouquins à faire. Je ne suis pas militant mais j’ai envie de comprendre le monde dans lequel je vis. Matthieu est plus militant, c’est pourquoi son parcours l’a amené vers la politique. Il est plus acteur que moi qui suis passionné par les acteurs.
Un artiste est un peu seul mais a besoin d’être relié.
Exactement !
Articles similaires...
-
Demain la lune sera rouge de Nelly Sanoussi : une dystopie féministe puissante
-
C'était Juste Une Blague de Caroline Peiffer : un roman coup de poing sur le harcèlement scolaire
-
Saint-Cyr-sur-Mer, Vue avec le cœur - Un livre qui capture l’essence de la Provence
-
Le Monde de Gigi de William Maurer : un conte moderne plein de magie
-
Marguerite Laleyé sonde les méandres de « L’Autre Terre »
Retrouvez ces bandes dessinées chez notre partenaire BD Fugue :