Henri Texier Hope Quartet à l’Auditorium de Seynod

_ T’as remarqué que, souvent, quand tu fermes les yeux, tu ressens mieux la musique ?
_ Pourquoi tu n’écoutes pas tout simplement des enregistrements chez toi alors ?
_ Parce que pendant un concert tu sais que tu peux ouvrir les yeux quand tu veux voir les musiciens, leur façon de bouger, d’être tendus en toute décontraction. A leurs regards tu vois qu’il se passe quelque chose entre eux… et donc avec toi.

De ce concert on repart mouillé d’une musique rafraîchissante, spatiale, géographique qui résonne dans les zones profondes de la poésie, de l’émotion. On passe de la pluie fine à l’orage, du reflet dans une flaque d’eau au ruissellement. Cette musique vibre en arborescence comme la véritable intelligence  et non de manière linéaire comme le pré mâché scolaire.
A propos de poésie, de scolaire, Henri Texier a dédié l’un des morceaux à Jacques Prévert, il s’agit de Dakota Mab, Dakota étant aussi l’un des noms des Sioux et « mab » signifiant « fils » en breton. Beau métissage dédié à celui qui aimait métisser les idées, les genres, les gens et les émotions.
 

Nous avons posé la question à Henri Texier juste après le concert à l’Auditorium
 
Pourquoi Prévert ?
C’est une longue histoire ! J’ai fait un spectacle sur Prévert, un spectacle qui existe toujours..si on me le demande, dont le titre est Prévert Blues. Depuis très longtemps j’avais envie de faire quelque chose avec des textes et un comédien. J’ai redécouvert par hasard un triple DVD qui s’appelle Mon frère Jacques réalisé par Pierre Prévert en 61. C’est une sorte de rencontre avec tous les « mecs » de l’époque, Gabin, Arletti…des interviews croisées complètement détendues et je me suis dit « C’est avec les textes de Prévert que je dois faire quelque chose ». J’ai contacté Frédéric Pierrot avec qui j’avais travaillé quand j’ai fait la musique du film de Bertrand Tavernier Holy Lola. C’est un acteur formidable qu’on voit souvent au cinéma. Il a joué dans Chocolat récemment. Quand j’ai eu son accord j’ai bâti un spectacle que j’ai appelé du « jazz théâtre », un quintet avec quatre musiciens et un comédien avec la même intensité et la même dramaturgie qu’un concert de jazz. Chacun devait se sentir libre, prendre des solos, le comédien avec des textes. Pour ce spectacle qui durait deux heures, j’ai lu tout Prévert.
On fait souvent passer Prévert pour un poète destiné aux enfants ; il est aussi très profond.
Et parfois très noir. Prévert a été une révélation avec beaucoup de moments de tension.