BD Fugue Annecy recevait ce samedi 23 juin 2018 Camille Benyamina, dessinatrice de l’album « Les Petites distances » dont le scénario est de Véro Cazot.
« Les Petites Distances » nous plonge avec une grande délicatesse dans les replis intimes, dans les peurs, dans le non dit, dans ce monde inconscient qui nourrit chacun de nous et tisse des liens invisibles avec la réalité mais aussi consistants qu’elle.
Camille, d’habitude on raconte une histoire d’amour en commençant par la passion, qui se défait ensuite. « Les petites distances « prend plutôt le contrepied.
Il fallait voir Max dépérir petit à petit, adopter son état, vivre avec, et renaître progressivement, sauf que dans le même temps il disparaît de plus en plus, ce qui constitue une véritable opposition.
On pourrait dire presque naïvement, en guise de conclusion, que c’est l’amour qui fait naître, qui sauve. Mais en fait l’histoire est plus profonde.
Ça va beaucoup plus loin. Bon, certains lecteurs pensent que Léo voit Max depuis le début ou presque…mais on se demande jusqu’au bout s’il va être sauvé ou s’il va finir comme son père. Non, ce n’est pas une histoire naïve, d’autant plus que le rythme et les dialogues permettent d’échapper à un éventuel côté à l’eau de rose.
Il y a une véritable dimension psychologique ou psychanalytique, la recherche d’identité, vivre avec ses peurs et les surmonter, les secrets familiaux…
Que Max, fou amoureux de Léo accepte de la voir vivre une histoire d’amour. Il dit bien « Je ne peux pas t’en vouloir ».Il en rit et il découvre ainsi beaucoup de choses sur lui-même, sur sa famille. Bien qu’il n’est plus de contact concret avec la vie réelle, il continue à se développer , à s’enrichir.
C’est peut-être en acceptant l’indépendance de l’autre qu’on crée un couple. De nombreux détails sont très bien vus : la dispute pour un tube de dentifrice mal fermé, qui renvoie à quelque chose de plus intime et profond : il est difficile de dire aux autres qui on est vraiment.
C’est ce que j’adore dans le scénario de Véro, elle arrive à y mettre de scènes du quotidien, des réactions que tout le monde pourrait avoir qui font que tout lecteur peut s’y retrouver.
« Les Petites Distances » nous plonge avec une grande délicatesse dans les replis intimes, dans les peurs, dans le non dit, dans ce monde inconscient qui nourrit chacun de nous et tisse des liens invisibles avec la réalité mais aussi consistants qu’elle.
Camille, d’habitude on raconte une histoire d’amour en commençant par la passion, qui se défait ensuite. « Les petites distances « prend plutôt le contrepied.
Il fallait voir Max dépérir petit à petit, adopter son état, vivre avec, et renaître progressivement, sauf que dans le même temps il disparaît de plus en plus, ce qui constitue une véritable opposition.
On pourrait dire presque naïvement, en guise de conclusion, que c’est l’amour qui fait naître, qui sauve. Mais en fait l’histoire est plus profonde.
Ça va beaucoup plus loin. Bon, certains lecteurs pensent que Léo voit Max depuis le début ou presque…mais on se demande jusqu’au bout s’il va être sauvé ou s’il va finir comme son père. Non, ce n’est pas une histoire naïve, d’autant plus que le rythme et les dialogues permettent d’échapper à un éventuel côté à l’eau de rose.
Il y a une véritable dimension psychologique ou psychanalytique, la recherche d’identité, vivre avec ses peurs et les surmonter, les secrets familiaux…
Que Max, fou amoureux de Léo accepte de la voir vivre une histoire d’amour. Il dit bien « Je ne peux pas t’en vouloir ».Il en rit et il découvre ainsi beaucoup de choses sur lui-même, sur sa famille. Bien qu’il n’est plus de contact concret avec la vie réelle, il continue à se développer , à s’enrichir.
C’est peut-être en acceptant l’indépendance de l’autre qu’on crée un couple. De nombreux détails sont très bien vus : la dispute pour un tube de dentifrice mal fermé, qui renvoie à quelque chose de plus intime et profond : il est difficile de dire aux autres qui on est vraiment.
C’est ce que j’adore dans le scénario de Véro, elle arrive à y mettre de scènes du quotidien, des réactions que tout le monde pourrait avoir qui font que tout lecteur peut s’y retrouver.
Camille Benyamina
Bien qu’il y ait quelque chose de très féminin dans le livre, il s’adresse à tous.
Véro a énormément travaillé et retravaillé cet album. Lorsque j’ai pu le lire pour la première fois, je l’ai trouvé très fluide.
Vous réalisez les dessins ; comment ça se passe ? Comment décidez-vous ensemble ?
Je pars d’une petite description très sommaire qu’on me donne et à partir de laquelle je crée l’univers qui me plaît. Il faut que l’illustratrice ait sa place à part entière dans le livre. Je propose et j’ai des retours de Véro ou de Casterman. J’ai vraiment décidé de l’intérieur des appartements, de la déco…C’est un peu plus délicat pour les deux personnages principaux qui exigeaient qu’on soit tous d’accord, ce qui a exigé beaucoup plus de recherches.
D’où vient le fait que Léo est rouquine ?
Dans le scénario de Véro, Léo était brune au départ. Un illustrateur lui avait fait une proposition en rousse…et comme Véro est rousse, avec les cheveux bouclés.
Ça éclaire toute l’histoire.
Ça la rend pétillante.
Dans l’histoire, Max passe du visible à l’invisible, on passe du conscient à l’inconscient au point de douter parfois d’où on est, mais ce n’est pas une gêne, au contraire. La douceur du dessin est des couleurs crée une forme de continuité.
C’est exactement ce que j’ai voulu faire et c’est ce qui change beaucoup de mes deux premiers albums qui mettaient plus en valeur le crayon, le trait noir plus poussé. Pour « Les Petites distances », le dessin pastel aquarellé était plus logique et plus en accord avec un univers poétique et léger.
J’ai lu votre livre comme un roman. Le dessin n’empêche pas d’imaginer, il invite au contraire à enrichir soi-même l’histoire.
Votre remarque me fait plaisir parce que je n’ai pas de code préétabli, j’essaie de coller le mieux possible à l’histoire. Je ne me dis pas « En BD on ne fait pas ça… »
Est-ce que le fait d’illustrer, de mettre en scène cette histoire vous a appris quelque chose ?
J’ai travaillé et vécu avec les personnages pendant deux ans et demi. Je ne me suis jamais lassée de retranscrire cet univers. Les scènes se déroulent dans des milieux différents, il y a de nombreux personnages secondaires très agréables à dessiner…
La psy est pas mal…
J’ai adoré la faire.
On se demande parfois quand Max la consulte s’il est visible ou non, ce qui nous oblige à réfléchir autrement, ou à ne pas réfléchir !
Beaucoup de lecteurs réagissent comme vous. Il est préférable que ce ne soit pas trop clair. Paradoxalement, comme je connaissais parfaitement l’histoire, j’avais peur qu’elle apparaisse comme trop logique, mais les retours me rassurent.
Un philosophe, René Girard, a écrit qu’on vit toujours avec une « dimension » en plus, Don Quichotte avec Dulcinée et la chevalerie, par exemple. Ici il y a une 3° dimension qui enrichit les personnages principaux.
Même si Max n’est pas visible, il apporte quelque chose à Léo. Elle revient de vacances qui ont été une catastrophe parce que Max n’était pas là pour lui apporter cette paix qui lui donne sans le savoir. Il ne la touche pas, ils ne peuvent pas se parler mais sa présence la réconforte.
C’est le monde du fantasme, du rêve, de l’inconscient que nous portons tous en nous.
Il arrive que certaines personnes très solaires nous apportent de choses essentielles sans qu’il y ait de contact direct.
[La conversation porte encore sur la pertinence du titre, pour la conservation duquel Camille Benyamina s’est battue ; ces petites distances, ces minuscules décalages dans lesquels vivent la poésie, le rêve..mais aussi les peurs qui nous habitent. A noter aussi la délicatesse de l’image de couverture qui traduit à la fois la distance entre les deux héros mais aussi le mouvement qui les réunit.]
Véro a énormément travaillé et retravaillé cet album. Lorsque j’ai pu le lire pour la première fois, je l’ai trouvé très fluide.
Vous réalisez les dessins ; comment ça se passe ? Comment décidez-vous ensemble ?
Je pars d’une petite description très sommaire qu’on me donne et à partir de laquelle je crée l’univers qui me plaît. Il faut que l’illustratrice ait sa place à part entière dans le livre. Je propose et j’ai des retours de Véro ou de Casterman. J’ai vraiment décidé de l’intérieur des appartements, de la déco…C’est un peu plus délicat pour les deux personnages principaux qui exigeaient qu’on soit tous d’accord, ce qui a exigé beaucoup plus de recherches.
D’où vient le fait que Léo est rouquine ?
Dans le scénario de Véro, Léo était brune au départ. Un illustrateur lui avait fait une proposition en rousse…et comme Véro est rousse, avec les cheveux bouclés.
Ça éclaire toute l’histoire.
Ça la rend pétillante.
Dans l’histoire, Max passe du visible à l’invisible, on passe du conscient à l’inconscient au point de douter parfois d’où on est, mais ce n’est pas une gêne, au contraire. La douceur du dessin est des couleurs crée une forme de continuité.
C’est exactement ce que j’ai voulu faire et c’est ce qui change beaucoup de mes deux premiers albums qui mettaient plus en valeur le crayon, le trait noir plus poussé. Pour « Les Petites distances », le dessin pastel aquarellé était plus logique et plus en accord avec un univers poétique et léger.
J’ai lu votre livre comme un roman. Le dessin n’empêche pas d’imaginer, il invite au contraire à enrichir soi-même l’histoire.
Votre remarque me fait plaisir parce que je n’ai pas de code préétabli, j’essaie de coller le mieux possible à l’histoire. Je ne me dis pas « En BD on ne fait pas ça… »
Est-ce que le fait d’illustrer, de mettre en scène cette histoire vous a appris quelque chose ?
J’ai travaillé et vécu avec les personnages pendant deux ans et demi. Je ne me suis jamais lassée de retranscrire cet univers. Les scènes se déroulent dans des milieux différents, il y a de nombreux personnages secondaires très agréables à dessiner…
La psy est pas mal…
J’ai adoré la faire.
On se demande parfois quand Max la consulte s’il est visible ou non, ce qui nous oblige à réfléchir autrement, ou à ne pas réfléchir !
Beaucoup de lecteurs réagissent comme vous. Il est préférable que ce ne soit pas trop clair. Paradoxalement, comme je connaissais parfaitement l’histoire, j’avais peur qu’elle apparaisse comme trop logique, mais les retours me rassurent.
Un philosophe, René Girard, a écrit qu’on vit toujours avec une « dimension » en plus, Don Quichotte avec Dulcinée et la chevalerie, par exemple. Ici il y a une 3° dimension qui enrichit les personnages principaux.
Même si Max n’est pas visible, il apporte quelque chose à Léo. Elle revient de vacances qui ont été une catastrophe parce que Max n’était pas là pour lui apporter cette paix qui lui donne sans le savoir. Il ne la touche pas, ils ne peuvent pas se parler mais sa présence la réconforte.
C’est le monde du fantasme, du rêve, de l’inconscient que nous portons tous en nous.
Il arrive que certaines personnes très solaires nous apportent de choses essentielles sans qu’il y ait de contact direct.
[La conversation porte encore sur la pertinence du titre, pour la conservation duquel Camille Benyamina s’est battue ; ces petites distances, ces minuscules décalages dans lesquels vivent la poésie, le rêve..mais aussi les peurs qui nous habitent. A noter aussi la délicatesse de l’image de couverture qui traduit à la fois la distance entre les deux héros mais aussi le mouvement qui les réunit.]
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