Eric Prowalsi, vous êtes le chef des Trésoms depuis plusieurs années ; c’est que vous y êtes bien, mais quel est votre parcours ?
J’ai suivi un apprentissage chez Jean-Marie Amat qui avait deux étoiles à Bouliac. J’ai travaillé ensuite avec Philippe Etchebest pendant deux ans et demi au Château Grand Barrail, à l’époque où il préparait de concours du Meilleur Ouvrier de France. C’est ce qui m’a donné le goût des concours. Et comme il faut bien bouger pour progresser, Philippe Etchebest m’a envoyé chez Alain Solivérès qui n’était pas encore chez Taillevent. Je me sentais prêt pour « tout casser » en cuisine… et je me retrouve en pâtisserie. J’étais à Paris, un peu désorienté par la proposition d’Alain Solivérès, mais je ne voulais pas décevoir Philippe Etchebest. Alors en dix mois je suis passé de sous-chef en pâtisserie au Vernet à sous-chef en cuisine au Taillevent, par un concours de circonstances. J’y suis resté dix ans, toujours en contact avec les chefs qui m’avaient formé. C’est ce qui m’a permis d’aller ensuite à Arcachon, en partenariat avec Philippe Etchebest. Je redescendais chez moi, ce qui était exceptionnel ! Le restaurant s’appelait « La Corniche », sur la dune du Pilat. Nous comptions servir une centaine de couverts et le succès nous a amenés à en faire cinq cents et plus alors que ma prédilection va vers la restauration gastronomique.
J’ai suivi un apprentissage chez Jean-Marie Amat qui avait deux étoiles à Bouliac. J’ai travaillé ensuite avec Philippe Etchebest pendant deux ans et demi au Château Grand Barrail, à l’époque où il préparait de concours du Meilleur Ouvrier de France. C’est ce qui m’a donné le goût des concours. Et comme il faut bien bouger pour progresser, Philippe Etchebest m’a envoyé chez Alain Solivérès qui n’était pas encore chez Taillevent. Je me sentais prêt pour « tout casser » en cuisine… et je me retrouve en pâtisserie. J’étais à Paris, un peu désorienté par la proposition d’Alain Solivérès, mais je ne voulais pas décevoir Philippe Etchebest. Alors en dix mois je suis passé de sous-chef en pâtisserie au Vernet à sous-chef en cuisine au Taillevent, par un concours de circonstances. J’y suis resté dix ans, toujours en contact avec les chefs qui m’avaient formé. C’est ce qui m’a permis d’aller ensuite à Arcachon, en partenariat avec Philippe Etchebest. Je redescendais chez moi, ce qui était exceptionnel ! Le restaurant s’appelait « La Corniche », sur la dune du Pilat. Nous comptions servir une centaine de couverts et le succès nous a amenés à en faire cinq cents et plus alors que ma prédilection va vers la restauration gastronomique.
Ce format ne vous convenait pas.
Il faut des restaurants de ce type mais ce n’était pas dans mon éducation personnelle. Le lieu était magique, majestueux, réalisé par Philippe Stark. Mais au bout d’un an je me suis remis sur le marché du travail et j’ai traversé une époque compliquée.
Les problèmes font parfois avancer.
Cette remise en question m’a permis de prendre du recul, de rebondir pour atterrir en Haute-Savoie.
Comme j’étais arrivé une heure en avance pour mon rendez-vous d’embauche (Il faisait beau comme aujourd’hui et j’admirais le paysage depuis la terrasse), j’ai eu le temps d’appeler papa et maman, qui me demandent où je suis. A Annecy, bien sûr et, anecdote, mes parents ont tenu pendant vingt-deux ans sur Bordeaux un restaurant appelé « La petite Savoie », avec spécialité de raclette !Ils venaient régulièrement en Haute-Savoie puisqu’il s’approvisionnaient en fromage chez Verdannet et en charcuterie chez Bozon à La Clusaz. Mme et M. Droux m’ont engagé en juin 2011.
Un peu plus de six ans dans le même établissement. C’est que vous y êtes bien.
J’y suis très heureux. Mes deux derniers enfants sont Hauts-Savoyards.
Vous avez eu une liberté d’action dès le départ aux Trésoms ?
Si je vous parle de bonheur à être ici, c’est justement parce que j’ai cette liberté qui me permet de gérer cet établissement comme si c’était le mien sans prendre les risques de mes collègues restaurateurs. J’ai carte blanche à condition de répondre aux contraintes économiques, ce qui est normal.
Vous disiez « carte blanche », ce qui nous amène à votre carte. Les plats y sont présentés de manière très simple. Les appellations sont sans tralala et mettent chaque fois en valeur un produit. L’écrevisse ou la féra du lac d’Annecy, les crozets au sarrasin, la caille fermière…
J’ai changé, j’ai mûri dans la région. Ma cuisine a évolué ; c’était pour moi une évidence de l’axer sur les produits locaux. D’ailleurs ma formation avec Alain Solivérès ou Alain Etchebest allait dans ce sens. Cependant, avec mon passage en palace, j’avais une empreinte d’assiettes volubiles, pompeuses, de superflu. En acquérant une forme de sérénité j’ai épuré mes assiettes, je vais à l’essentiel avec des produits locaux.
Comme dans bien des domaines, le véritable raffinement est la simplicité.
C’est vrai ! Ça fait sourire quand on entend dire ceci, dans n’importe quel corps de métier, mais quand on y arrive on constate que c’est ce qui procure le plus de satisfaction aux gens qui repartent en nous disant « Qu’est-ce que c’était bon la mousseline de pomme de terre ! ».
Il faut des restaurants de ce type mais ce n’était pas dans mon éducation personnelle. Le lieu était magique, majestueux, réalisé par Philippe Stark. Mais au bout d’un an je me suis remis sur le marché du travail et j’ai traversé une époque compliquée.
Les problèmes font parfois avancer.
Cette remise en question m’a permis de prendre du recul, de rebondir pour atterrir en Haute-Savoie.
Comme j’étais arrivé une heure en avance pour mon rendez-vous d’embauche (Il faisait beau comme aujourd’hui et j’admirais le paysage depuis la terrasse), j’ai eu le temps d’appeler papa et maman, qui me demandent où je suis. A Annecy, bien sûr et, anecdote, mes parents ont tenu pendant vingt-deux ans sur Bordeaux un restaurant appelé « La petite Savoie », avec spécialité de raclette !Ils venaient régulièrement en Haute-Savoie puisqu’il s’approvisionnaient en fromage chez Verdannet et en charcuterie chez Bozon à La Clusaz. Mme et M. Droux m’ont engagé en juin 2011.
Un peu plus de six ans dans le même établissement. C’est que vous y êtes bien.
J’y suis très heureux. Mes deux derniers enfants sont Hauts-Savoyards.
Vous avez eu une liberté d’action dès le départ aux Trésoms ?
Si je vous parle de bonheur à être ici, c’est justement parce que j’ai cette liberté qui me permet de gérer cet établissement comme si c’était le mien sans prendre les risques de mes collègues restaurateurs. J’ai carte blanche à condition de répondre aux contraintes économiques, ce qui est normal.
Vous disiez « carte blanche », ce qui nous amène à votre carte. Les plats y sont présentés de manière très simple. Les appellations sont sans tralala et mettent chaque fois en valeur un produit. L’écrevisse ou la féra du lac d’Annecy, les crozets au sarrasin, la caille fermière…
J’ai changé, j’ai mûri dans la région. Ma cuisine a évolué ; c’était pour moi une évidence de l’axer sur les produits locaux. D’ailleurs ma formation avec Alain Solivérès ou Alain Etchebest allait dans ce sens. Cependant, avec mon passage en palace, j’avais une empreinte d’assiettes volubiles, pompeuses, de superflu. En acquérant une forme de sérénité j’ai épuré mes assiettes, je vais à l’essentiel avec des produits locaux.
Comme dans bien des domaines, le véritable raffinement est la simplicité.
C’est vrai ! Ça fait sourire quand on entend dire ceci, dans n’importe quel corps de métier, mais quand on y arrive on constate que c’est ce qui procure le plus de satisfaction aux gens qui repartent en nous disant « Qu’est-ce que c’était bon la mousseline de pomme de terre ! ».
Les Trésoms est un établissement de luxe. Vous devez satisfaire une clientèle particulière.
J’ai toujours travaillé dans des hôtels, je suis habitué à cette clientèle. C’est d’ailleurs ce qui a dû compter lorsque Mme et M. Droux m’ont embauché. L’exigence est supérieure à celle d’un restaurant qui fonctionne seul, mais pour moi c’est davantage une motivation supplémentaire qu’un handicap.
La société évolue, nos clients évoluent et mon objectif n’est pas de faire « ma cuisine » égoïstement mais de remplir le restaurant, pas uniquement pour le chiffre d’affaire mais pour satisfaire un maximum de clients.
Si je suis libre, si j’avance en créativité, c’est que je n’ai pas la pression financière au quotidien. Il y a celle du résultat d’abord, de la satisfaction du client. Ma contrainte principale est là, au-delà des étoiles, des récompenses des guides.
On revient à cette idée de simplicité. Nous évoquions votre manière de présenter vos plats sur la carte ; votre discours est en accord total et votre personne aussi. Comment faites-vous évoluer votre carte ?
Au gré des rencontres avec des artisans, des producteurs. Aujourd’hui, j’ai mon réseau et je suis un peu moins à la recherche qu’il y a quatre ou cinq ans. La région est très riche en produits de qualité, même plus que celle de Bordeaux à mon avis. N’étant pas d’ici, je découvre les produits, les saisons. Mes yeux pétillent quand je rencontre quelqu’un. Je suis à la découverte de tout.
A la liberté, il faut ajouter l’enthousiasme ?
Oui, bien sûr ; c’est ce qui m’a permis de m’épanouir, ainsi que la bienveillance. Cette dernière doit faire partie de notre métier, elle est indispensable.
J’ai toujours travaillé dans des hôtels, je suis habitué à cette clientèle. C’est d’ailleurs ce qui a dû compter lorsque Mme et M. Droux m’ont embauché. L’exigence est supérieure à celle d’un restaurant qui fonctionne seul, mais pour moi c’est davantage une motivation supplémentaire qu’un handicap.
La société évolue, nos clients évoluent et mon objectif n’est pas de faire « ma cuisine » égoïstement mais de remplir le restaurant, pas uniquement pour le chiffre d’affaire mais pour satisfaire un maximum de clients.
Si je suis libre, si j’avance en créativité, c’est que je n’ai pas la pression financière au quotidien. Il y a celle du résultat d’abord, de la satisfaction du client. Ma contrainte principale est là, au-delà des étoiles, des récompenses des guides.
On revient à cette idée de simplicité. Nous évoquions votre manière de présenter vos plats sur la carte ; votre discours est en accord total et votre personne aussi. Comment faites-vous évoluer votre carte ?
Au gré des rencontres avec des artisans, des producteurs. Aujourd’hui, j’ai mon réseau et je suis un peu moins à la recherche qu’il y a quatre ou cinq ans. La région est très riche en produits de qualité, même plus que celle de Bordeaux à mon avis. N’étant pas d’ici, je découvre les produits, les saisons. Mes yeux pétillent quand je rencontre quelqu’un. Je suis à la découverte de tout.
A la liberté, il faut ajouter l’enthousiasme ?
Oui, bien sûr ; c’est ce qui m’a permis de m’épanouir, ainsi que la bienveillance. Cette dernière doit faire partie de notre métier, elle est indispensable.
Patrick Timsit était là pendant qu’il préparait Le livre de ma mère. Il doit y avoir des moments très agréables, des rencontres qui sortent de l’ordinaire en plus de la gastronomie.
L’hôtel nous amène un panel de clients très varié, de l’artiste au couple qui vient pour fêter un anniversaire de mariage. Pour moi, le petit couple est presque plus important que la star. Ceci dit, j’ai eu la chance de rencontrer des personnalités dans le monde de l’industrie, du spectacle… c’est ce qui m’a toujours plu dans un hôtel même si je ne suis pas à la recherche de ce type de rencontres. Je suis heureux qu’ils viennent chez nous, mais j’ai du mal à me mettre en avant.
J’ai eu l’occasion de rencontrer Jamiroquai qui était pour moi une star internationale il y a une quinzaine d’années. Pendant trois ou quatre jours, j’ai été le gamin qui voit son idole. Il était là incognito, accessible… et pour moi qui ne parle pas anglais, ça a été assez rigolo d’échanger avec lui !
On a eu les footballeurs islandais, des sportifs de Haute-Savoie viennent régulièrement, des riders du groupe Salomon, des boxeurs comme Akim Tafer. Un film qui sortira en février prochain a été tourné ici…
On est toujours dans l’idée de rencontres.
C’est bon pour la culture générale ! (rires). Et maintenant que je suis chef, j’en profite pour transmettre la satisfaction des clients à toute l’équipe… mais je ne suis pas encore prêt à entrer en salle, même si je me fais un peu tirer les oreilles pour ça.
L’hôtel nous amène un panel de clients très varié, de l’artiste au couple qui vient pour fêter un anniversaire de mariage. Pour moi, le petit couple est presque plus important que la star. Ceci dit, j’ai eu la chance de rencontrer des personnalités dans le monde de l’industrie, du spectacle… c’est ce qui m’a toujours plu dans un hôtel même si je ne suis pas à la recherche de ce type de rencontres. Je suis heureux qu’ils viennent chez nous, mais j’ai du mal à me mettre en avant.
J’ai eu l’occasion de rencontrer Jamiroquai qui était pour moi une star internationale il y a une quinzaine d’années. Pendant trois ou quatre jours, j’ai été le gamin qui voit son idole. Il était là incognito, accessible… et pour moi qui ne parle pas anglais, ça a été assez rigolo d’échanger avec lui !
On a eu les footballeurs islandais, des sportifs de Haute-Savoie viennent régulièrement, des riders du groupe Salomon, des boxeurs comme Akim Tafer. Un film qui sortira en février prochain a été tourné ici…
On est toujours dans l’idée de rencontres.
C’est bon pour la culture générale ! (rires). Et maintenant que je suis chef, j’en profite pour transmettre la satisfaction des clients à toute l’équipe… mais je ne suis pas encore prêt à entrer en salle, même si je me fais un peu tirer les oreilles pour ça.
C’est votre cuisine qui parle pour vous.
Oui, et le directeur de salle, Nathan, s’occupe tellement bien de la relation avec les clients !
La priorité est donnée au service, qui serait impossible sans la sommelière, sans le petit commis. Il faut promouvoir l’esprit d’équipe où chacun a sa place, en cuisine ou en salle. Il faut valoriser chacun ; c’est pourquoi j’essaie de faire renaître en salle le travail de découpe qui nécessite des compétences particulières. La cuisine est liée à la culture, à la notion de temps.
Oui, et le directeur de salle, Nathan, s’occupe tellement bien de la relation avec les clients !
La priorité est donnée au service, qui serait impossible sans la sommelière, sans le petit commis. Il faut promouvoir l’esprit d’équipe où chacun a sa place, en cuisine ou en salle. Il faut valoriser chacun ; c’est pourquoi j’essaie de faire renaître en salle le travail de découpe qui nécessite des compétences particulières. La cuisine est liée à la culture, à la notion de temps.
Articles similaires...
-
Le Buffet des Merveilles à Paris : La Pause Gourmande
-
Sortez les planches à fromage ! La Fête des Fromages de Savoie est de retour pour une 18ème édition
-
Challenge des Chefs étoilés à Tignes : quand gastronomie et ski se rencontrent
-
Conversation entre Stéphane Tourreau, Eric Prowalski et Véronique Droux aux Trésoms
-
La famille Bouvier à Tignes, une gastronomie généreuse et authentique
La philosophie d’Eric Prowalski est en accord parfait avec l’établissement tout entier des Trésoms qui offre un confort chaleureux et discret et qui s’inscrit si bien dans le paysage annécien, s’effaçant presque pour le mettre en valeur comme le chef devant ses produits.
Le Marché des Trésoms, le choix de l’énergie solaire, les ruchers installés à proximité confirment cette démarche cohérente de tout l’établissement, ainsi que la visite des cuisines et la rencontre avec le personnel.
Lire la vidéo sur Youtube
Lire une autre interview de Move-On Magazine : Eric Prowalski, un mix de passion, d’exigence, de recherche