Les Alpes, peuvent-elles se doter d’une stratégie de tourisme durable ?

Le Bhoutan est une petite royauté de 800’000 habitants, situé dans l’Est de la chaîne de l’Himalaya, enclavé entre l’Inde au Sud, à l’Est et à l’Ouest-Sud-Ouest et la Chine. Ce Royaume a la particularité d’avoir promu une mesure du bien être de sa population : le Bonheur National Brut ou BNB et de recevoir 274’097 visiteurs en 2018. Cette vision stratégique du développement du pays et en particulier du tourisme est soutenue par une jeune (29 ans) reine charismatique. Jetsun Pema fascine le monde. Moderne et cultivée, celle que l’on appelle la « reine dragon » montre en même temps un très grand attachement à son pays et à ses traditions. Diplômée en relations internationales, en psychologie et en histoire de l’art du Regent College de Londres, Jetsun Pema a passé une partie de sa vie au Royaume-Uni, avant de régner sur le pays. C’est avant tout une personnalité avec une vision stratégique qui s’impose à ses sujets et enviée par de nombreux pays.
 

Le leadership de la Reine de ce petit pays est sans doute une des raisons pour laquelle l’Organisation mondiale du tourisme (UNWTO) a tenu une conférence dans ce pays en juin 2019 afin de faire le point du développement touristique de la région asiatique, le Royaume du Bhoutan étant particulièrement soucieux de conserver ses valeurs et son attrait, la reine étant également ambassadrice à l’ONU pour « OzonAction », une branche du programme des Nations unies pour l’environnement.

Le thème des échanges de cette conférence régionale était la définition d’une stratégie de tourisme durable. Ou pour conserver l’esprit anglophone de la conférence : « integration of Sustainable Consumption and Production patterns (SCP) Into tourism policies ». Les conclusions m’apparaissent intéressantes à plus d’un titre pour devenir une source d’inspiration pour la définition de stratégies touristiques dans nos environnements alpins si fragiles et j’écris ces lignes en pensant particulièrement aux Pays de Savoie et ma ville d’Annecy dont j’ignore si une stratégie touristique est déclinée en dehors des plans marketing cherchant à attirer toujours plus de monde.
 

Dans un premier temps, les participants ont tenu à rappeler, sous l’égide du Dr Dirk Glaesser, UNWTO Director, Sustainable Development of Tourism une définition du tourisme en insistant sur le fait que cette industrie concerne avant tout les habitants et les territoires ainsi que les interactions qui peuvent exister entre les deux. Une stratégie de tourisme durable suppose donc que les interactions entre les acteurs (touristes et locaux) ne reposent pas uniquement sur une production de services et d’argent, mais également sur un respect mutuel et un partage de la responsabilité de la protection des us et coutumes des locaux, de la destination et de son environnement.

Au Bhoutan comme dans les pays de Savoie, le tourisme est une source de revenus non négligeable et, dans le cas du Bhoutan, il est en pleine expansion. Les participants, pour la plupart des dirigeants du tourisme des pays de la région, ont recommandé en conclusion de leurs réflexions que des mesures d’impacts, positifs et négatifs, soient régulièrement entreprises ; l’objectif étant d’adapter les stratégies afin d’assurer à la population locale les principaux bénéfices.
 

Seule une liste candidate aux élections municipales d’Annecy envisage qu’une « charte d’excellence pour un tourisme responsable » soit proposée aux socioprofessionnels du secteur, c’est un peu timide et cela n’a rien d’une stratégie. Pour les autres, le tourisme semble être absent des préoccupations malgré un apport estimé à 5 % du PIB de l’agglomération et environ 5000 emplois. On est loin des idées développées à Helsinki ou à Lyon capitales européennes du tourisme durable en 2019. Il serait pourtant aisé de s’inspirer des recommandations de l’Organisation mondiale du tourisme (UNWTO) et de l’expérience du Bhoutan. La stratégie de ce petit pays a été mise en œuvre et documentée dès 2012.

Un véritable plan stratégie doit être élaboré et faire l’objet d’une publication mise à disposition de tous les habitants qu’ils soient membres de l’écosystème touristique ou pas. Si le plan stratégique du tourisme durable reste une responsabilité politique, sa mise en œuvre doit être confiée aux Offices du tourisme mandatés pour cela ; charge à eux de produire un rapport annuel des actions entreprises et des résultats obtenus. L’approche préconisée par l’UNWTO, plus particulièrement les objectifs N°12 « Responsible Consumption and Production » (RCP), pourrait être un excellent point de départ. Ces objectifs comprennent l’analyse des effets en matière de consommation d’énergie, d’eau, de production de déchets, de gestion de la biodiversité et des effets sur l’emploi et la qualité de vie de la population locale ; ce dernier élément contribuant à améliorer l’indice du « Bonheur national brut » utilisé au Bhoutan.