Le capitalisme expliqué à ma petite-fille, de Jean Ziegler. Au Seuil
« L’ordre cannibale »
De l’art du sous-titre. Tout est dans ces huit mots « en espérant qu’elle en verra la fin ». Et dans une première et une quatrième de couverture frappantes comme des uppercuts.
En cette fin août 2018, on annonce que Wall Street bat son record de longévité à la hausse presque dix ans après la fameuse dernière crise financière.
La couverture du livre de Jean Ziegler affiche un beau globe terrestre avec, en guirlande de noël, graphiques, pourcentages qui séparent nord et sud : technologie en haut, exploitation en bas ; un habitant du nord monopolisant autant de ressources et de richesses que dix au sud.
Quelques extraits de la quatrième de couverture ? « ..piétinent le bien commun…enfants esclaves….broyés par la misère…La planète s’épuise…les replis identitaires…l’ordre cannibale ».
Alors, si tout est dit entre ces deux pages, pourquoi lire ce livre ? Pour la simplicité et l’évidence de sa démonstration que nourrissent l’expérience et l’engagement de Jean Ziegler ; pour un passage comme celui-ci, qui rappelle les cahiers de doléances et l’une d’elle, datée du 4 octobre 1789 :
« Nos seigneurs…Les pauvres et les mendiants du royaume de France, entièrement séparés de vos Seigneuries, auraient le droit de prétendre former un quatrième ordre dans l’Etat. Nul n’aurait comme lui autant de sujets de se plaindre et des redressements de griefs aussi nombreux à demander. Tous les droits qu’ils tiennent de la Providence suprême ont été violés. Mais l’admission de notre ordre aux Etats Généraux, tout équitable qu’elle serait, ne ferait qu’embarrasser la marche de ses délibérations…Vos seigneuries, choquées de voir réunis ensemble les deux extrêmes et les intermédiaires de la société, trouveraient notre nudité révoltante, nos haillons ignobles et dégoûtants et craindraient la contagion de la vermine qui nous couvre…Mais lorsque nous renonçons en votre faveur aux droits le plus naturel et le plus légitime, daignez au moins vous charger de la défense de nos droits ».
Ainsi, « Aquarius » renvoie pour beaucoup davantage à la chanson d’une comédie musicale qu’à un bateau sauvant des migrants à la « nudité révoltante ».
Vous n’êtes pas encore convaincu ? Parcourez les quelques pages édifiantes du texte de John Kenneth Galbraith « L’art d’ignorer les pauvres » qui commence ainsi « Je voudrais livrer ici quelques réflexions sur l’un des plus anciens exercices humains : le processus par lequel, au fil des années, et même au cours des siècles, nous avons entrepris de nous épargner toute mauvaise conscience au sujet des pauvres. »
De l’art du sous-titre. Tout est dans ces huit mots « en espérant qu’elle en verra la fin ». Et dans une première et une quatrième de couverture frappantes comme des uppercuts.
En cette fin août 2018, on annonce que Wall Street bat son record de longévité à la hausse presque dix ans après la fameuse dernière crise financière.
La couverture du livre de Jean Ziegler affiche un beau globe terrestre avec, en guirlande de noël, graphiques, pourcentages qui séparent nord et sud : technologie en haut, exploitation en bas ; un habitant du nord monopolisant autant de ressources et de richesses que dix au sud.
Quelques extraits de la quatrième de couverture ? « ..piétinent le bien commun…enfants esclaves….broyés par la misère…La planète s’épuise…les replis identitaires…l’ordre cannibale ».
Alors, si tout est dit entre ces deux pages, pourquoi lire ce livre ? Pour la simplicité et l’évidence de sa démonstration que nourrissent l’expérience et l’engagement de Jean Ziegler ; pour un passage comme celui-ci, qui rappelle les cahiers de doléances et l’une d’elle, datée du 4 octobre 1789 :
« Nos seigneurs…Les pauvres et les mendiants du royaume de France, entièrement séparés de vos Seigneuries, auraient le droit de prétendre former un quatrième ordre dans l’Etat. Nul n’aurait comme lui autant de sujets de se plaindre et des redressements de griefs aussi nombreux à demander. Tous les droits qu’ils tiennent de la Providence suprême ont été violés. Mais l’admission de notre ordre aux Etats Généraux, tout équitable qu’elle serait, ne ferait qu’embarrasser la marche de ses délibérations…Vos seigneuries, choquées de voir réunis ensemble les deux extrêmes et les intermédiaires de la société, trouveraient notre nudité révoltante, nos haillons ignobles et dégoûtants et craindraient la contagion de la vermine qui nous couvre…Mais lorsque nous renonçons en votre faveur aux droits le plus naturel et le plus légitime, daignez au moins vous charger de la défense de nos droits ».
Ainsi, « Aquarius » renvoie pour beaucoup davantage à la chanson d’une comédie musicale qu’à un bateau sauvant des migrants à la « nudité révoltante ».
Vous n’êtes pas encore convaincu ? Parcourez les quelques pages édifiantes du texte de John Kenneth Galbraith « L’art d’ignorer les pauvres » qui commence ainsi « Je voudrais livrer ici quelques réflexions sur l’un des plus anciens exercices humains : le processus par lequel, au fil des années, et même au cours des siècles, nous avons entrepris de nous épargner toute mauvaise conscience au sujet des pauvres. »
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Vous aurez soin de relever ces lectures avec un zeste de Jonathan Swift et « Du bon usage du cannibalisme » qui conseille avec ironie de confier les enfants des pauvres, incapables de les nourrir, aux riches qui sauraient les savourer après les avoir engraissés.
Car oui, le capitalisme dévore tout, la chair humaine, les ressources, la nature, et notre schizophrénie orchestrée par la propagande, la publicité, la manipulation mentale, nous pousse à nous dévorer nous-mêmes pour le profit de quelques uns.
Pessimiste, Jean Ziegler ?
A sa petite fille qui lui demande
_ Tu ne sais donc rien du système social et économique qui doit remplacer le capitalisme ?
Il répond
_ Rien du tout, du moins rien de précis. Mais cela ne m’empêche pas d’espérer que ce sera ta génération qui abattra le capitalisme. Et dans cette perspective, une évidence m’habite : l’action de chacun compte. Mon espérance se nourrit de la conviction du poète Pablo Neruda… « Ils pourront couper toutes les fleurs, mais jamais ils ne seront les maîtres du printemps. »
Faisons éclore de nombreux printemps !
Car oui, le capitalisme dévore tout, la chair humaine, les ressources, la nature, et notre schizophrénie orchestrée par la propagande, la publicité, la manipulation mentale, nous pousse à nous dévorer nous-mêmes pour le profit de quelques uns.
Pessimiste, Jean Ziegler ?
A sa petite fille qui lui demande
_ Tu ne sais donc rien du système social et économique qui doit remplacer le capitalisme ?
Il répond
_ Rien du tout, du moins rien de précis. Mais cela ne m’empêche pas d’espérer que ce sera ta génération qui abattra le capitalisme. Et dans cette perspective, une évidence m’habite : l’action de chacun compte. Mon espérance se nourrit de la conviction du poète Pablo Neruda… « Ils pourront couper toutes les fleurs, mais jamais ils ne seront les maîtres du printemps. »
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