« Carnaval noir » de Metin Arditi, Un roman policier bizarrement musical

Policier, vraiment ? Parce que social, historique, culturel, débordant d’érudition autant que policier. Qui fait rejaillir le passé pour lire le présent. Un éloge du latin dont on s’entête à vanter les mérites grammaticaux et étymologiques pour appâter les collégiens peu curieux d’une langue « morte » alors que la principale vertu de cette langue est l’agilité d’esprit qu’elle développe.

   Le suspens de Carnaval noir ne réside pas dans l’intrigue elle-même mais dans les échos qu’elle développe en nous entre passé et présent. Dans les liens qu’elle tisse avec le carnaval, période d’excès, de débauche, d’inversion des valeurs dans laquelle le haut se retrouve en bas, chacun portant un masque offrant toute liberté d’action. Les carnavals d’autrefois étaient violents, souvent accompagnés de morts.

   En ce sens, on pourrait dire que notre époque est un carnaval permanent.

Le véritable suspens de Carnaval noir réside dans le déchiffrage du latin, dans la recherche de documents, dans la lecture inversée d’un tableau caché pendant des siècles… l’art et la culture enrobent le polar.

Un roman musical ? Parce que chacun y joue sa partition, que les thèmes reviennent, se croisent, s’enrichissent jusqu’au final, chacun croyant détenir la ligne mélodique d’une vérité ou la recherchant.

Un roman à clés dont certains personnages croient qu’elles ouvrent les portes du paradis et dont la clé principale se trouve peut-être dans un autre roman de Metin Arditi,"Juliette dans son bain" : "La vérité a plus d'un visage. Elle s'amuse à nous échapper. Elle joue avec nous."