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Move-On Magazine

Conversation avec Laurent Gounelle à propos de « Et tu trouveras le trésor qui dort en toi »


Un trésor de sagesse, de sensibilité et d’humour


| Publié le Jeudi 14 Juin 2018 |

Laurent Gounelle. Photo de Zoé Gardeur pour les éditions Kero
Laurent Gounelle. Photo de Zoé Gardeur pour les éditions Kero
Laurent Gounelle, votre livre « Et tu trouveras le trésor qui dort en toi » a été publié il y a un an et demi. Est-ce que les personnages, Alice et Jérémie principalement, vous accompagnent encore ?
Oui d’une certaine manière. C’est quelque chose de classique pour les auteurs, les personnages existent dans mon esprit. Quand j’écris, j’ai une sorte de film mental, un peu comme si j’étais au cinéma ; les personnages sont très vivants, animés.

Votre livre est-il un roman, un conte... ?
C’est un roman initiatique.

Les personnages se quittent à la fin de votre livre, ils nous quittent quand on le referme mais ces distances apparentes permettent de les rapprocher, de les réunir.
Alice et Jérémie, vous n’avez pas pris au hasard les prénoms de vos héros.
Jérémie est un prophète dans la Bible. On lui reproche son pessimisme, d’où l’expression « jérémiades » bien connue en France. Mon Jérémie est animé par sa mission au service de Dieu et désespéré de ne pas pouvoir la mener à bien puisque qu’il ne réunit qu’un nombre extrêmement restreint de fidèles. Il doute de son utilité.
J’ai choisi Alice en référence à Lewis Caroll. Elle vit au début dans un monde d’illusions, un pays des merveilles dans lequel elle pense que seuls les mondes professionnels et matériel ont un sens. Pour elle, la vie n’est que matière, d’où la confrontation entre les deux personnages.
 

Notre époque nous propose beaucoup de livres qui offrent des recettes toutes faites, de bonheur, d’épanouissement personnel ; l’intérêt de votre livre et le plaisir à le lire résident dans le fait que le chemin parcouru par Alice n’est pas rectiligne. On la suit mieux à travers ses échecs que si la leçon était parfaite.
Oui, parce que son chemin peut ressembler à celui d’une vie normale. L’échec fait partie de la vie qui est tout sauf rectiligne. Mes personnages sont profondément inscrits dans la vie.

Ils le sont tellement qu’on se promène dans la ville de Cluny avec eux. Personne ne s’est reconnu, vous n’avez pas eu de plainte, de reproche d’inexactitude ? (rires partagés).
Mes personnages sont totalement fictifs. Mais je vais vous raconter quelque chose. Quand j’écris, je ne révèle jamais rien de mes livres avant publication. Alors que nous étions à Cluny, des amis très sympathiques me disent qu’ils organisent un dîner auquel ils invitent aussi le curé de Cluny. Panique à bord ! Ç’aurait été très gênant de le rencontrer à ce moment-là, même si c’est un homme très intéressant. J’aurais été très perturbé. J’ai donc trouvé une excuse pour esquiver ce repas.
 

Conversation avec Laurent Gounelle à propos de « Et tu trouveras le trésor qui dort en toi »
Conversation avec Laurent Gounelle à propos de « Et tu trouveras le trésor qui dort en toi »
Vous êtes dans la réalité mais une réalité que vous façonnez à votre manière.
Un peu, oui.

Votre livre est traversé par une grande réflexion sur la notion d’ego.
Oui. Quand j’ai décidé d’écrire sur le monde de la spiritualité je suis parti de deux intuitions. La première est qu’il y a quelque chose de commun à tous les mouvements spirituels et religieux au-delà des différences apparentes ; la seconde est que ce point commun n’apparaît qu’avec la libération de l’ego. Mes recherches ont alimenté cette vision, c’est ce qui m’a permis d’écrire.

C’est ce qui donne une lecture critique et comparée de différents textes. Il faut signaler au passage que la hiérarchie de l’Eglise en prend un coup.
Je l’ai fait délibérément. Même les tenues vestimentaires ne sont plus tout à fait actuelles. Il faut dire que les soutanes noires sont très cinématographiques.

Peut-être que les idées qu’ils portent sont plus importants que les personnages eux-mêmes ?
Oui, ils ont chacun une fonction, ils portent un message que j’ai envie de partager et je les conçois dans ce but.

Votre démarche donne à chacun la liberté de penser, de définir ce qu’il pense être Dieu.
Tout à fait. Je n’ai rien voulu affirmer. Il est difficile d’avoir des certitudes, on ne peut que faire des suppositions. On peut croire, mais croire n’est pas savoir. Il est important de laisser le lecteur libre, pas seulement pour ne pas heurter ses croyances préalables -s’il en a- mais aussi pour lui laisser se faire sa propre opinion.

D’une certaine manière votre personnage, Jérémie, est un peu le Christ : c’est en s’éloignant qu’il permet aux autres d’être réellement réunis et unis.
Bien sûr, et ce n’est pas un hasard s’il porte les initiales de Jésus. Son effacement final permet à chacun de laisser émerger quelque chose en soi, cet effacement est aussi celui de l’ego.

A propos d’ego, celui d’Alice disparaît paradoxalement quand elle prend la place de Jérémie pour célébrer l’office. L’ego disparaît parce qu’elle se met alors au service de quelque chose de plus grand qu’elle. C’est une affirmation, mais pas de soi.
C’est exactement ça. Je me suis d’ailleurs bien amusé à mettre une femme à la place du prêtre.
   Je voudrais préciser qu’après la rédaction de mon livre, j’ai rencontré le curé de Cluny, qui est un homme charmant. Le dîner a donc eu lieu, au cours duquel j’ai dévoilé le pitch de mon roman qui allait être publié. Le curé était juste en face de moi et j’ai cru qu’il allait laisser tomber sa fourchette lorsque j’ai annoncé que le héros de mon livre était, justement, le curé de Cluny.

On retient aussi de votre livre que les choses riches et profondes gagnent à être présentées avec une certaine fraîcheur, une forme de candeur.
C’est quelque chose que je revendique aussi dans ma vie. Et puis, lorsqu’on aborde des sujets profonds il faut aussi y apporter de l’humour. Certaines parties de mes livres peuvent amener à des remises en question, l’humour permet de les accompagner parce qu’il est aussi, à sa manière, une remise en question de soi et de la vie.

[Puisqu’il est question d’humour, la conversation se termine en jouant de l’ego, du Lego et du lego latin qui permet de relier et qui est, étymologiquement, la source de l’intelligence qui consiste à créer des liens, à relier.]
 
 

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