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Move-On Magazine

Lise Duclaux prend éphémèrement racine à l’Abbaye d’Annecy-le-Vieux


Exposition du 17 janvier au 05 Avril 2020 "A l'horizon profond"


| Publié le Samedi 18 Janvier 2020 |

L'exposition s'installe à même les murs ©Paul Rassat
L'exposition s'installe à même les murs ©Paul Rassat
Avec l’exposition
 
Rien
de ce qui est
n’est séparé
du reste
 
naissent de nouvelles racines entre l’Abbaye Espace d’Art contemporain et la Fondation Salomon
 
Lise Duclaux,votre exposition donne vraiment à lire puisqu’elle propose aussi bien des textes que des réalisations graphiques. On se rend compte que les secondes demandent elles aussi à être lues, interprétées.
Certaines choses peuvent être dites seulement en images, d’autres seulement avec des mots. Ceci répond à des nécessités de dire son regard, son étonnement sur le monde, d’en proposer des représentations par ces deux canaux qui en parlent chacun de manière différente.

Au lieu de voir que chaque mode d’expression aurait ses limites, il est possible d’apprécier comment ils se complètent, dialoguent tous les deux.
Oui, ils se prolongent l’un l’autre.

Nous avons devant les yeux ce texte qui parle du « goût de l’inachevé », qui peut être compris comme la volonté d’aller au-delà d’un inachevé, toujours dans une recherche.
Tout évolue en permanence, même lorsque l’on semble tourner en rond. Même dans la répétition, il y a de la différence. Et un artiste n’arrive jamais à exprimer exactement ce qu’il veut dire, il est aussi toujours plus loin que ce qu’il est en train de montrer. On est déjà au-delà, toujours. On peut dire cela d’un musicien, d’un écrivain, de tout artiste.

Comme lorsque l’on parle, notre pensée précède ce qu’on énonce. Les textes que vous avez écrits directement sur les murs sont en noir, en rouge. Pour créer un rythme ?
Oui, un rythme qui permet de lire les mots sans points ni virgules. La couleur ponctue et attire l’œil.

Vous associez au lieu d’opposer comme le fait la pensée habituelle .Vous associez texte et dessin, couleurs, sans la rupture que représenterait la ponctuation, par exemple. Vous utilisez l’oxymore en  écrivant « l’impalpable consistance de l’air ».
L’air est bien là, il entre en nous, il ressort et les mots se forment grâce à lui [Et l’on rejoint ainsi Valère Novarina.]

Nous faisons nous-mêmes partie de cet échange permanent.
Entre des choses visibles et invisibles, ce sont les secondes qui m’intéressent davantage. Elles font bien davantage le monde que les buildings.

Elles sont la continuité, la permanence… au-delà des accidents que nous percevons et que nous sommes.
Et  la transformation des choses. Certains biologistes pensent que nous ne sommes que des véhicules pour les microbes. Le microscopique, les microbes, les bactéries, les virus, les champignons nous utilisent comme véhicules, comme biotope. Ils passent d’un être vivant à un autre. Ils nous utilisent et nous transforment à notre insu.

D’où vous viennent cette vision des choses et votre intérêt pour ce sujet ?
C’est en 2010/2011 que, comme les enfants se demandent pourquoi il y a des nuages, de la pluie, je me suis demandé ce qui vit sous terre parce que cet espace nous est totalement inaccessible. L’art est peut-être aussi l’imaginaire, comme le sous terre, qui reste inaccessible parce qu’en creusant on détruit. On ne peut jamais voir réellement ce qui s’y passe.

D’où, affiché à l’entrée de l’exposition « Trous en formation. »
Cet espace imaginaire est un espace de création pour moi. Même si l’on part du concret, la pensée se développe dans cet imaginaire.

Et ce qui est invisible sous terre nous mène à la mort.
Qui est présente là-bas, dans le dernier texte bidouillé à partir de « Mort d’un jardinier » de Lucien Suel. « Tu es morte, le rouge gorge s’envole… » Ce texte signifie que la vie continue.

Et que, d’une certaine manière, nous sommes des taupes.
Les artistes, oui.

Nous sommes tous un peu aveugles et nous creusons pour trouver notre chemin ?
La taupe n’est pas aveugle, elle est myope. Elle sent avec tout son corps. Les artistes sont des taupes parce que celles-ci créent toute une architecture souterraine invisible ; ils créent eux aussi une œuvre dont on ne voit que des monticules. Ce qui relève de la conception des choses, de la pensée ne se voit pas. Même les mathématiciens peuvent être des artistes.

Dans les jardins, dans les cultures, on se débarrasse des taupes parce qu’elles ne servent pas  la productivité, de même que les artistes sont à la limite du système.
Il y a effectivement de ça. La taupe pose en plus un problème : on la classe comme un animal nuisible parce que ses taupinières sont considérées comme inesthétiques. Ça fiche en l’air la perfection de la pelouse qu’on tond le week end. De la même manière, la pensée et la création peuvent être considérées comme du désordre. C’est une réflexion sans fin, enrichie de mes lectures, une réflexion qui passe d’une pensée à une autre. C’est un travail infini, sans arrêt réel. Même si la production s’interrompt,je reprends des fils, je reprends des pistes. Repérer, c’est voir et revoir. On voit, on revoit, on commence à repérer et, là, il se passe quelque chose.

Exposition Lise Duclaux ©Paul Rassat
Exposition Lise Duclaux ©Paul Rassat
Et on revient au propos de tout à l’heure, une répétition n’est jamais identique.
La répétition à l’identique conduit à l’ennui….qui peut tout de même mener à la création ! La répétition n’apporte qu’ une satisfaction rapide, à court terme.
Les textes que j’écris partent de l’idée des racines qui sont celles des plantes mais qu’on utilise aussi pour signifier les racines humaines, nos origines, avec une connotation de stabilité, alors que les racines ne sont pas stables, jamais finies, elles se créent en permanence, avec les autres,  dans un foisonnement naturel opposé aux murs que crée notre époque, aux pensées qui se referment sur la notion d’identité.
L’être humain, le monde sont l’inverse de cette recherche des origines qui serait liée à une notion de stabilité.

On nous fait croire que la sécurité viendrait de la stabilité alors que nous sommes naturellement des êtres toujours en mouvement.
Il ne faut pas confondre croissance et stabilité. C’est absurde.

Et à regarder vos œuvres, on voit qu’elles invitent à être vues de différentes façons : on peut y voir des racines mais aussi des constellations ; plusieurs interprétations du même travail sont possibles. C’est une ouverture permanente.
C’est une histoire de regard, de point de vue. J’ai besoin de laisser cette ouverture et le public y voit ce qu’il veut. Je sais d’où vient ma démarche, d’où je l’ai tirée mais chacun s’y retrouve à sa façon, comme dans la lecture d’un livre, selon le moment, la sensibilité du lecteur.
Il y a des choses que je n’ai pas envie d’expliquer pour que mon travail reste ouvert. L’humour, les jeux de mots, le jeu en général contribuent à cette ouverture.

Exposition Lise Duclaux ©Paul Rassat
Exposition Lise Duclaux ©Paul Rassat
Le travail de Lise Duclaux sur les taupes hôtesses du parc royal de Bruxelles peut donner une idée de sa démarche dans son ensemble : un courrier adressé à « Leurs Majestés le Roi et la Reine des Belges » afin de rencontrer les jardiniers royaux (sans effet), une cartographie minutieuse des taupinières royales, une profession de foi artistique « L’imaginaire est infini », un jeu entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, entre nos racines terrestres ou bien royales… nous sommes racines nous-mêmes.

Détail... Exposition Lise Duclaux ©Paul Rassat
Détail... Exposition Lise Duclaux ©Paul Rassat
Quelques bouts de phrases qui guident la lecture de l’exposition à l’Abbaye :
Voyage des formes et évasion générale…
 
S’entrelacer au présent
 
Les racines sont des astres
 
Le mélange est le corps du monde
Nous habitons une galaxie
Spirale barrée
 
Il n’y a pas
D’espace stable

Exposition Lise Duclaux ©Paul Rassat
Exposition Lise Duclaux ©Paul Rassat
La véritable pensée est, elle aussi, arborescence, légère et solide comme la consistance impalpable de l’air. Indispensable.
L’approche de Lise Duclaux associe l’art à la science , à la philosophie à la politique écologique qui consiste à relier au lieu se séparer. On y côtoie Nietzsche, le clinamen du De Natura Rerum ainsi que « Le champignon de la fin du monde
(Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme) » d’Anna Lowenhaupt Tsing.
Et l’on avance ainsi dans la compréhension de l’art contemporain auquel on reproche parfois de s’appuyer sur des concepts alors que l’œuvre devrait parler d’elle-même. L’art religieux, l’art classique trouvaient leur justification dans une pensée déjà établie ; l’art contemporain crée sa propre pensée en évoluant avec la société.

Lise Duclaux ©Paul Rassat
Lise Duclaux ©Paul Rassat
L’Abbaye
15 bis chemin de l’abbaye
Annecy-le-Vieux
74940 Annecy - FRANCE

Horaires
Ouvert au public durant les périodes d'exposition les vendredi, samedi et dimanche de 14h à 19h.
Visite commentée gratuite samedi et dimanche à 15h.

Tarifs
Gratuit

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1.Posté par Cathy Harris le 13/11/2021 22:31 | Alerter
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Bonjour, y a t'il moyen de se procurer ce livret "A l'horizon profond "?

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