
« Gabacho » de Aura Xilonen chez Liana Levi éditions
Il ya des livres dont on est ravi d’avoir raté la sortie parce qu’on a le plaisir de les découvrir tout seul, hors battage médiatique. « Gabacho » en fait partie et repousse à des années lumière ce bon vieux Mallarmé et son fameux
« La chair est triste, et j’ai lu tous les livres. »
Il reste des pépites à découvrir !
« Quatre boules de cuir tournent dans la lumière
De ton œil électrique, Boxe, Boxe… » chantait Nougaro ; « Gabacho » boxe avec la vie, avec l’amour, avec les mots, fait passer le lecteur d’un monde à l’autre, toujours en apnée, en « mode survie », du Mexique aux USA.
« Les autres s’approchent et regardent ce qu’il vient de crever. Je sais pas ce que c’est mais je profite de ce qu’ils rechargent leurs fusils et vident leurs balles sur cette chose à terre qui bouge presque plus pour m’éclipser derrière les fourrés ; je finis par y trouver le terrier d’un animal. Il est pas bien grand, du coup, je dois tordre ma carcasse dans tous les sens pour m’y glisser. De la main droite, je me recouvre de terre histoire de refermer le trou sur moi. Je prends ma respiration et jette une dernière poignée de terre, cerise sur le gâteau de ma tombe improvisée, de cet utérus en terre où j’espère que ces salops de gringos partis à la chasse au migrant ne viendront pas m’avorter. »
….
« On arrive enfin devant ce putain de Mall Center… Des boutiques Cartier, Gucci, Tiffany, Louis Vuitton et Lazlwiu s’alignent devant une fontaine à l’eau multicolore…. Y a des bancs un peu partout pour s’asseoir ; ils sont occupés par des couples grillés de fatigue ou débordant d’amour, pris dans leurs étreintes et leurs baisers. Des gens se sont aussi installés sur des fauteuils pour lire des trucs en papier ou des machins lumineux sur leurs téléphones portables. Aireen se dirige vers le Super Center, juste derrière les tables hypoallergéniques où des familles de gringos sont cramponnées à leur bouffe, troglodytant de leurs dents aiguisées tout ce qui peut s’avaler… Y a tout dans ce super magasin… : des ailes de chauves-souris aux bouche-tourbillons océaniques, en passant par les trompes d’éléphants et les dents de dinosaures… Des jouets et des trousses à pharmacie. Des médicaments et des bifteks… Des fruits de toutes les saveurs… On pourrait passer deux cents ans dans les rayons de produits laitiers et de légumes… » À se demander ce que Zola écrirait aujourd’hui.
« La chair est triste, et j’ai lu tous les livres. »
Il reste des pépites à découvrir !
« Quatre boules de cuir tournent dans la lumière
De ton œil électrique, Boxe, Boxe… » chantait Nougaro ; « Gabacho » boxe avec la vie, avec l’amour, avec les mots, fait passer le lecteur d’un monde à l’autre, toujours en apnée, en « mode survie », du Mexique aux USA.
« Les autres s’approchent et regardent ce qu’il vient de crever. Je sais pas ce que c’est mais je profite de ce qu’ils rechargent leurs fusils et vident leurs balles sur cette chose à terre qui bouge presque plus pour m’éclipser derrière les fourrés ; je finis par y trouver le terrier d’un animal. Il est pas bien grand, du coup, je dois tordre ma carcasse dans tous les sens pour m’y glisser. De la main droite, je me recouvre de terre histoire de refermer le trou sur moi. Je prends ma respiration et jette une dernière poignée de terre, cerise sur le gâteau de ma tombe improvisée, de cet utérus en terre où j’espère que ces salops de gringos partis à la chasse au migrant ne viendront pas m’avorter. »
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« On arrive enfin devant ce putain de Mall Center… Des boutiques Cartier, Gucci, Tiffany, Louis Vuitton et Lazlwiu s’alignent devant une fontaine à l’eau multicolore…. Y a des bancs un peu partout pour s’asseoir ; ils sont occupés par des couples grillés de fatigue ou débordant d’amour, pris dans leurs étreintes et leurs baisers. Des gens se sont aussi installés sur des fauteuils pour lire des trucs en papier ou des machins lumineux sur leurs téléphones portables. Aireen se dirige vers le Super Center, juste derrière les tables hypoallergéniques où des familles de gringos sont cramponnées à leur bouffe, troglodytant de leurs dents aiguisées tout ce qui peut s’avaler… Y a tout dans ce super magasin… : des ailes de chauves-souris aux bouche-tourbillons océaniques, en passant par les trompes d’éléphants et les dents de dinosaures… Des jouets et des trousses à pharmacie. Des médicaments et des bifteks… Des fruits de toutes les saveurs… On pourrait passer deux cents ans dans les rayons de produits laitiers et de légumes… » À se demander ce que Zola écrirait aujourd’hui.
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Et entre ces deux mondes, pour vivre, le besoin de lire :
« Dis-moi, Liborio, m’a demandé Naomi[huit ans], deux jours après avoir pris Don Quichotte de la Manche, ça veut dire quoi rhabdomancien, en abondance, panoptique, cestui-là, yard, lépreux, abside et pourboire ?
_ Je veux bien t’expliquer, mais seulement si toi, tu me dis ce que ça veut dire googler, twitter, stalker, runner ; linker, instagramer, whatsapper, parce que je capte que dalle !
Lire « Gabacho », au moment où un « shutdown » pour cause de mésentente sur le financement du mur censé séparer Mexique et USA paralyse l’administration étatsunienne et où « un président ça Trump énormément », surtout en quelques dizaines de caractères qui réduisent le sien à une caricature, est un plaisir supplémentaire.
Dernier coup de poing : la force de l’écriture, « je suis tellement mort que j’ai l’impression que mes muscles tissent mon propre cercueil »
« Dis-moi, Liborio, m’a demandé Naomi[huit ans], deux jours après avoir pris Don Quichotte de la Manche, ça veut dire quoi rhabdomancien, en abondance, panoptique, cestui-là, yard, lépreux, abside et pourboire ?
_ Je veux bien t’expliquer, mais seulement si toi, tu me dis ce que ça veut dire googler, twitter, stalker, runner ; linker, instagramer, whatsapper, parce que je capte que dalle !
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