Les décisions absurdes III. Christian Morel (Gallimard)
Notre beau pays, la France, compte nombre de champions du monde de pâtisserie et serait aussi le champion du millefeuille administratif.
Pas étonnant à lire ce troisième livre de Christian Morel.
Parmi les causes qui poussent à édicter encore et toujours plus de règles, en voici quelques unes que cite l’auteur.
Une règle permet au responsable qui l’a mise en place de renvoyer sur les subordonnées le fait qu’elle n’est pas respectée. Elle devient un facteur de contrôle et de pouvoir.
Elle peut constituer un «doudou» rassurant qui évite de prendre initiatives et responsabilités.
Le respect des règles permet de mettre en place des évaluations. A se demander si on n’édite pas certaines règles uniquement pour pouvoir procéder à des évaluations, ce qui semble souvent être le cas dans le domaine de l’enseignement qui va de mal en Pisa.
A suivre les règles en place pour prendre le moins de risques possible, les intervenants renforcent ces mêmes règles, pertinentes ou non.
La règle est «un moyen d’exister»
«Fabriquer des règles permet de se montrer à soi-même et de montrer aux autres qu’on existe, qu’on est utile».
Cet univers de réglementation constitue aussi une source importante de revenus pour les experts, spécialistes, professionnels chargés d’en contrôler le respect, avec plus ou moins de succès et de pertinence comme le prouvent les scandales récents dans le monde de l’automobile.
Il est bien connu que tout système a d’abord pour but sa propre perpétuation, indépendamment de l’intérêt qu’il représente pour la communauté.
Pas étonnant à lire ce troisième livre de Christian Morel.
Parmi les causes qui poussent à édicter encore et toujours plus de règles, en voici quelques unes que cite l’auteur.
Une règle permet au responsable qui l’a mise en place de renvoyer sur les subordonnées le fait qu’elle n’est pas respectée. Elle devient un facteur de contrôle et de pouvoir.
Elle peut constituer un «doudou» rassurant qui évite de prendre initiatives et responsabilités.
Le respect des règles permet de mettre en place des évaluations. A se demander si on n’édite pas certaines règles uniquement pour pouvoir procéder à des évaluations, ce qui semble souvent être le cas dans le domaine de l’enseignement qui va de mal en Pisa.
A suivre les règles en place pour prendre le moins de risques possible, les intervenants renforcent ces mêmes règles, pertinentes ou non.
La règle est «un moyen d’exister»
«Fabriquer des règles permet de se montrer à soi-même et de montrer aux autres qu’on existe, qu’on est utile».
Cet univers de réglementation constitue aussi une source importante de revenus pour les experts, spécialistes, professionnels chargés d’en contrôler le respect, avec plus ou moins de succès et de pertinence comme le prouvent les scandales récents dans le monde de l’automobile.
Il est bien connu que tout système a d’abord pour but sa propre perpétuation, indépendamment de l’intérêt qu’il représente pour la communauté.
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Nous vivons au quotidien dans le monde d’Ubu, des Shadoks, de Pierre Dac, de Beckett, de Ionesco.
Christian Morel cite Boris Khazanov, «L’heure du roi», «L’absurde possède une capacité à s’intégrer à la réalité, à y acquérir une sorte de légitimité, de la même façon que, dans la cervelle d’un fou, le délire et les fantasmagories cohabitent avec un reste de bon sens suffisant pour lui permettre de vivre parmi les gens sains d’esprit».
Des solutions ?
La compétence augmentée, replacée au cœur des activités afin d’éviter la soumission aveugle aux règles. Promouvoir la capacité à gérer des situations non prévues en s’appuyant sur l’expérience, le partage des savoirs plutôt que sur une jungle parfois incompréhensible de textes dont certains se contredisent. L’ensemble des procédures du porte-avion Charles de Gaulle s’étale sur vingt mille pages ; le règlement des visites du Louvre compte au sein de ses onze pages et de ses trente-cinq articles un bijou qui notifie l’interdiction de visiter le musée en maillot de bains. (Bon, on en sourit, mais dans vingt ans, avec le réchauffement de la planète ?).
«Il faut accepter l’idée que la vie naturelle et sociale ne peut pas être totalement maîtrisée par des règles établies à l’avance.»… et «faire confiance aux gens, sinon à qui pourrait-on faire confiance ?» comme l’écrit Jacques-André Bertrand.
Un passage du livre de Christian Morel s’intitule « L’incertitude, une donnée incontournable».
A rapprocher de cette citation que l’on attribue à Kant «On mesure le degré d’intelligence d’un individu au degré d’incertitude qu’il est capable de supporter».
Le poids des règles sépare les individus, les coupe des vraies responsabilités. L'esprit d’équipe, la convivialité, l’échange, la discussion, la cohésion, la dynamique de groupe sont les réponses à un état de fait qu’accentue la propension de notre société à séparer, morceler, à enlever tout sens véritable entre l’individu et l’action qu’il accomplit comme un robot.
En conclusion, cette blague tirée de «Platon et son ornithorynque» de Thomas Cathart et Daniel Klein :
L’homme de quart sur un cuirassé aperçoit une lumière droit devant. Le capitaine lui dit d’entrer en contact avec l’autre bâtiment. «Ordre de dévier immédiatement de vingt degrés»
La réponse revient : «Ordre à vous de dévier immédiatement de vingt degrés !»
Le capitaine est furieux. Il envoie un message : «je suis capitaine. Nous sommes maintenant sur une voie de collision. Modifiez votre cap de vingt degrés sur-le-champ !»
La réponse revient : «Je suis un matelot de deuxième classe, et je vous sommes de modifier votre cap de vingt degrés.»
Sous l’effet de la colère, le capitaine est maintenant hors de lui. Il envoie un autre message : «Je suis un cuirassé !»
La réponse revient : «Je suis un phare».
Christian Morel cite Boris Khazanov, «L’heure du roi», «L’absurde possède une capacité à s’intégrer à la réalité, à y acquérir une sorte de légitimité, de la même façon que, dans la cervelle d’un fou, le délire et les fantasmagories cohabitent avec un reste de bon sens suffisant pour lui permettre de vivre parmi les gens sains d’esprit».
Des solutions ?
La compétence augmentée, replacée au cœur des activités afin d’éviter la soumission aveugle aux règles. Promouvoir la capacité à gérer des situations non prévues en s’appuyant sur l’expérience, le partage des savoirs plutôt que sur une jungle parfois incompréhensible de textes dont certains se contredisent. L’ensemble des procédures du porte-avion Charles de Gaulle s’étale sur vingt mille pages ; le règlement des visites du Louvre compte au sein de ses onze pages et de ses trente-cinq articles un bijou qui notifie l’interdiction de visiter le musée en maillot de bains. (Bon, on en sourit, mais dans vingt ans, avec le réchauffement de la planète ?).
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A rapprocher de cette citation que l’on attribue à Kant «On mesure le degré d’intelligence d’un individu au degré d’incertitude qu’il est capable de supporter».
Le poids des règles sépare les individus, les coupe des vraies responsabilités. L'esprit d’équipe, la convivialité, l’échange, la discussion, la cohésion, la dynamique de groupe sont les réponses à un état de fait qu’accentue la propension de notre société à séparer, morceler, à enlever tout sens véritable entre l’individu et l’action qu’il accomplit comme un robot.
En conclusion, cette blague tirée de «Platon et son ornithorynque» de Thomas Cathart et Daniel Klein :
L’homme de quart sur un cuirassé aperçoit une lumière droit devant. Le capitaine lui dit d’entrer en contact avec l’autre bâtiment. «Ordre de dévier immédiatement de vingt degrés»
La réponse revient : «Ordre à vous de dévier immédiatement de vingt degrés !»
Le capitaine est furieux. Il envoie un message : «je suis capitaine. Nous sommes maintenant sur une voie de collision. Modifiez votre cap de vingt degrés sur-le-champ !»
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Sous l’effet de la colère, le capitaine est maintenant hors de lui. Il envoie un autre message : «Je suis un cuirassé !»
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