Dans la continuité de son travail sur l’hybridation, la Fondation Salomon pour l’art contemporain expose à la Fabric, du 21/9 au 24//11/2017 une grand partie de l’œuvre de Tudi Deligne.
Un voyage poétique, doux, inquiétant, étonnant, totalement original dans le monde des images.
Rencontre avec Tudi Deligne
Pour réaliser un dessin, je pars de beaucoup d’images. Je travaille d’après photos et j’en utilise parfois quarante pour un seul dessin. Ce qu’il y avait à l’origine de l’image, de mon travail, n’a pas grande importance. Ce qui compte est ce que les gens peuvent y voir et qu’ils aient la possibilité de s’y projeter.
Ils peuvent parler de technique, de ce qu’ils voient, de leur sensibilité et même remarquer que le cadre n’est pas tout à fait droit sur le mur.
Vos œuvres invitent à une sorte de profondeur à travers une mise en scène particulière.
Depuis 2009 j’utilise tout ce qui fait partie du langage photographique comme une palette pour fabriquer des images, des dessins. J’utilise donc le flou photographique, la profondeur de champ, le piqué. Des photos de la 2° guerre mondiale n’ont pas la même texture que des affiches de cinéma contemporaines, j’aurai donc des textures différentes que j’utilise comme des éléments graphiques pour les dessins.
Vous êtes parfois surpris par des interprétations que le public vous propose ?
Oui, il y en a auxquelles je ne m’attendais pas du tout, tout comme à certaines réactions émotionnelles.
Vos dessins doivent réveiller presque inconsciemment des résonnances profondes.
Certains éléments reconnaissables doivent déclencher un imaginaire. Ce qui m’intéresse, d’ailleurs, c’est que cet imaginaire devienne une partie dynamique de l’œuvre.
Un voyage poétique, doux, inquiétant, étonnant, totalement original dans le monde des images.
Rencontre avec Tudi Deligne
Pour réaliser un dessin, je pars de beaucoup d’images. Je travaille d’après photos et j’en utilise parfois quarante pour un seul dessin. Ce qu’il y avait à l’origine de l’image, de mon travail, n’a pas grande importance. Ce qui compte est ce que les gens peuvent y voir et qu’ils aient la possibilité de s’y projeter.
Ils peuvent parler de technique, de ce qu’ils voient, de leur sensibilité et même remarquer que le cadre n’est pas tout à fait droit sur le mur.
Vos œuvres invitent à une sorte de profondeur à travers une mise en scène particulière.
Depuis 2009 j’utilise tout ce qui fait partie du langage photographique comme une palette pour fabriquer des images, des dessins. J’utilise donc le flou photographique, la profondeur de champ, le piqué. Des photos de la 2° guerre mondiale n’ont pas la même texture que des affiches de cinéma contemporaines, j’aurai donc des textures différentes que j’utilise comme des éléments graphiques pour les dessins.
Vous êtes parfois surpris par des interprétations que le public vous propose ?
Oui, il y en a auxquelles je ne m’attendais pas du tout, tout comme à certaines réactions émotionnelles.
Vos dessins doivent réveiller presque inconsciemment des résonnances profondes.
Certains éléments reconnaissables doivent déclencher un imaginaire. Ce qui m’intéresse, d’ailleurs, c’est que cet imaginaire devienne une partie dynamique de l’œuvre.
Malgré la richesse des compositions, la variété des éléments qui les composent, vos dessins ne sont pas "saturés", ils invitent le spectateur à entrer.
Tant mieux. Pendant la réalisation, je ne me rends pas très bien compte, parce que chaque dessin me prend tellement de temps ! Je les vois tellement qu’au bout d’un moment, je ne vois plus rien sinon un amas de gris.
Le jeu de la lumière assure aussi un rôle important. Ainsi que l’utilisation de gris uniquement, sans autre couleur.
Je travaille à partir de photos en noir et blanc…et j’ai vécu pendant des années dans un appartement minuscule et sans lumière naturelle, ce qui m’interdisait l’emploi de la couleur.
C’est donc la contrainte qui a participé…
Quelle que soit la contrainte, elle participe au travail. On n’est jamais complètement libre.
Il vous faut combien de temps pour réaliser une œuvre ?
Longtemps ! (rires).D’une dizaine de jours pour les plus petits dessins jusqu’à six mois pour les plus grands, tous les jours, sans vacances ni weekends.
On parle beaucoup d’addiction…
Il y a forcément quelque chose d’obsessionnel .On ne peut pas être artiste sans une dose d’obsession. Il faut aussi ajouter au temps consacré au dessin toute la préparation en amont, la recherche d’images.
Tant mieux. Pendant la réalisation, je ne me rends pas très bien compte, parce que chaque dessin me prend tellement de temps ! Je les vois tellement qu’au bout d’un moment, je ne vois plus rien sinon un amas de gris.
Le jeu de la lumière assure aussi un rôle important. Ainsi que l’utilisation de gris uniquement, sans autre couleur.
Je travaille à partir de photos en noir et blanc…et j’ai vécu pendant des années dans un appartement minuscule et sans lumière naturelle, ce qui m’interdisait l’emploi de la couleur.
C’est donc la contrainte qui a participé…
Quelle que soit la contrainte, elle participe au travail. On n’est jamais complètement libre.
Il vous faut combien de temps pour réaliser une œuvre ?
Longtemps ! (rires).D’une dizaine de jours pour les plus petits dessins jusqu’à six mois pour les plus grands, tous les jours, sans vacances ni weekends.
On parle beaucoup d’addiction…
Il y a forcément quelque chose d’obsessionnel .On ne peut pas être artiste sans une dose d’obsession. Il faut aussi ajouter au temps consacré au dessin toute la préparation en amont, la recherche d’images.
Il y a une telle richesse dans votre travail qu’on a du mal à imaginer sa préparation.
Justement, ça ne peut pas sortir comme ça, sans une préparation qui commence par la collecte d’images que je récupère ici et là, plus ou moins au hasard. Ensuite je fais des croquis, je travaille avec Photoshop et je me lance dans la réalisation quand j’ai obtenu un canevas précis. Vu la longueur de la réalisation, il faut que je sois sûr de mon coup avant de me lancer .
Le dessin devant lequel nous nous trouvons peut faire penser à la décomposition, à des lichens, des coquillages, des écorchés.
Pour ce travail, j’ai utilisé une très vieille photo d’un atelier de tanneur. On voit les peaux. Là effectivement on peut voir une sorte d’huître géante mais je ne me souviens plus de ce que c’était puisque j’utilise les formes pour qu’elles deviennent polysémiques. Il s’agit de tromper l’œil en faisant croire que c’est une photographie et que c’est donc figuratif ; mais c’est un dessin et les formes ne sont plus tellement signifiantes.
Vous ne donnez pas de titres, afin de laisser libre l’interprétation ?
Pendant des années je n’ai pas donné de titre pour ne pas conditionner l’imaginaire des spectateurs. Ceci dit, pour moi, j’ai mes titres, qui ne sont pas plus légitimes que d’autres. J’ai commencé à donner des titres pour m’y reconnaître.
Vos dessins valent une bonne psychanalyse.
Pour le spectateur peut-être, pour moi, je ne sais pas si ça marche. Je vois comment c’est construit, mais oui, ça peut fonctionner un peu comme les tests de Rorschach.
On pense aussi à certaines références comme Bosch, Brueghel…vos travaux invitent à créer des réseaux. Vous partager cet avis.
Oui, mais parfois, quand l’œuvre est là, j’ai besoin de ne plus la regarder, éventuellement pendant plusieurs années. C’est d’ailleurs la première fois que je vois dix années de mon travail exposées en une seule fois grâce à la Fondation Salomon.
Ça vous vieillit de dix ans d’un coup ? (rires).
Je ne sais pas. Je suis un peu assommé mais je me rends compte de choses que je ne voyais pas avant. On me parle souvent de Bosch. Ce n’est pas forcément une référence volontaire mais j’aime énormément Bosch. J’ai étudié cette capacité de l’école flamande, de Brueghel aussi mais surtout de Bosch à donner l’impression qu’une chose est gigantesque alors qu’en réalité c’est petit. Il y a quelque chose dans la manière dont l’espace est travaillé et dans la minutie du détail qui donne l’impression que c’est très grand. Comme je n’avais pas la place nécessaire pour réaliser de grands dessins, il a fallu que je trouve d’autres moyens.
Justement, ça ne peut pas sortir comme ça, sans une préparation qui commence par la collecte d’images que je récupère ici et là, plus ou moins au hasard. Ensuite je fais des croquis, je travaille avec Photoshop et je me lance dans la réalisation quand j’ai obtenu un canevas précis. Vu la longueur de la réalisation, il faut que je sois sûr de mon coup avant de me lancer .
Le dessin devant lequel nous nous trouvons peut faire penser à la décomposition, à des lichens, des coquillages, des écorchés.
Pour ce travail, j’ai utilisé une très vieille photo d’un atelier de tanneur. On voit les peaux. Là effectivement on peut voir une sorte d’huître géante mais je ne me souviens plus de ce que c’était puisque j’utilise les formes pour qu’elles deviennent polysémiques. Il s’agit de tromper l’œil en faisant croire que c’est une photographie et que c’est donc figuratif ; mais c’est un dessin et les formes ne sont plus tellement signifiantes.
Vous ne donnez pas de titres, afin de laisser libre l’interprétation ?
Pendant des années je n’ai pas donné de titre pour ne pas conditionner l’imaginaire des spectateurs. Ceci dit, pour moi, j’ai mes titres, qui ne sont pas plus légitimes que d’autres. J’ai commencé à donner des titres pour m’y reconnaître.
Vos dessins valent une bonne psychanalyse.
Pour le spectateur peut-être, pour moi, je ne sais pas si ça marche. Je vois comment c’est construit, mais oui, ça peut fonctionner un peu comme les tests de Rorschach.
On pense aussi à certaines références comme Bosch, Brueghel…vos travaux invitent à créer des réseaux. Vous partager cet avis.
Oui, mais parfois, quand l’œuvre est là, j’ai besoin de ne plus la regarder, éventuellement pendant plusieurs années. C’est d’ailleurs la première fois que je vois dix années de mon travail exposées en une seule fois grâce à la Fondation Salomon.
Ça vous vieillit de dix ans d’un coup ? (rires).
Je ne sais pas. Je suis un peu assommé mais je me rends compte de choses que je ne voyais pas avant. On me parle souvent de Bosch. Ce n’est pas forcément une référence volontaire mais j’aime énormément Bosch. J’ai étudié cette capacité de l’école flamande, de Brueghel aussi mais surtout de Bosch à donner l’impression qu’une chose est gigantesque alors qu’en réalité c’est petit. Il y a quelque chose dans la manière dont l’espace est travaillé et dans la minutie du détail qui donne l’impression que c’est très grand. Comme je n’avais pas la place nécessaire pour réaliser de grands dessins, il a fallu que je trouve d’autres moyens.
Effectivement, il y a plusieurs échelles de lecture, détail par détail, ou bien une partie de la composition ou celle-ci en entier. Vous remarquez une cohérence à voir toutes ces œuvres ensemble ? C’est une échelle de lecture supplémentaire ?
Les trois quarts de ma production depuis 2009 sont sur ces murs . Je vois le cheminement et je suis moi-même étonné, ou en tout cas frappé du fait que ça tient très bien ensemble. C’est cohérent même si mon travail a beaucoup évolué en huit ans.
Chaque œuvre est très dense. J’espère qu’on peut passer beaucoup de temps devant une seule d’entre elles parce qu’il y a beaucoup à voir.
On a envie de regarder un dessin, de jeter un coup d’œil à un autre, de revenir au premier.
Je découvre moi-même l’installation depuis une heure seulement ; c’est tout frais. Il y a par exemple plusieurs années d’écart entre ces deux dessins qui n’ont jamais été accrochés ensemble.
Dans vos réalisations les plus récentes, les jeux de lumière et les contrastes sont plus affirmés.
Les noirs sont plus francs et les contrastes plus durs.
Comme toute œuvre réussie, roman, pièce de théâtre, film, vos dessins sont des invitations au voyage.
Tant mieux. S’il y a l’espace pour le spectateur, pour qu’il vive un moment avec le dessin…
Il y a une sorte de paradoxe à constater que c’est un travail solitaire, de longue haleine, qui débouche sur une véritable ouverture, un foisonnement de possibilités, d’interprétations et de rencontres.
Je déstructure toute la structure figurative des images avec lesquelles je travaille, pour donner des images dont la structure n’a que l’air d’être figurative, mais qui ne l’est pas. J’entrouvre les formes pour qu’elles ne soient plus déterminées ni figuratives, c’est ce qui ouvre cette possibilité de projection et d’interprétation.
Au fil du temps vous avez appris à maîtriser de mieux en mieux votre technique pour servir votre inspiration.
Ça s’est affiné. La technique ainsi que ma compréhension visuelle des formes. La manière de casser les formes figuratives, tout s’est développé. Quand je regarde des photos pour mon travail de préparation, comme mes possibilités techniques sont plus grandes, je me permets maintenant de choisir des choses que je n’aurais pas su utiliser avant.
Quand vous quittez la réalisation de vos œuvres, quel regard portez-vous sur le quotidien ?
Je ne sais pas, je fais pas mal de choses différentes. Je suis aussi danseur, caporiste…Mon travail ne change pas le regard que je porte sur la réalité mais sur les images. Mes dessins ne parlent pas de la réalité, d’ailleurs ils sont en noir et blanc. Le noir et blanc, c’est la lumière à l’état de concept alors que la réalité est en couleur.
Les trois quarts de ma production depuis 2009 sont sur ces murs . Je vois le cheminement et je suis moi-même étonné, ou en tout cas frappé du fait que ça tient très bien ensemble. C’est cohérent même si mon travail a beaucoup évolué en huit ans.
Chaque œuvre est très dense. J’espère qu’on peut passer beaucoup de temps devant une seule d’entre elles parce qu’il y a beaucoup à voir.
On a envie de regarder un dessin, de jeter un coup d’œil à un autre, de revenir au premier.
Je découvre moi-même l’installation depuis une heure seulement ; c’est tout frais. Il y a par exemple plusieurs années d’écart entre ces deux dessins qui n’ont jamais été accrochés ensemble.
Dans vos réalisations les plus récentes, les jeux de lumière et les contrastes sont plus affirmés.
Les noirs sont plus francs et les contrastes plus durs.
Comme toute œuvre réussie, roman, pièce de théâtre, film, vos dessins sont des invitations au voyage.
Tant mieux. S’il y a l’espace pour le spectateur, pour qu’il vive un moment avec le dessin…
Il y a une sorte de paradoxe à constater que c’est un travail solitaire, de longue haleine, qui débouche sur une véritable ouverture, un foisonnement de possibilités, d’interprétations et de rencontres.
Je déstructure toute la structure figurative des images avec lesquelles je travaille, pour donner des images dont la structure n’a que l’air d’être figurative, mais qui ne l’est pas. J’entrouvre les formes pour qu’elles ne soient plus déterminées ni figuratives, c’est ce qui ouvre cette possibilité de projection et d’interprétation.
Au fil du temps vous avez appris à maîtriser de mieux en mieux votre technique pour servir votre inspiration.
Ça s’est affiné. La technique ainsi que ma compréhension visuelle des formes. La manière de casser les formes figuratives, tout s’est développé. Quand je regarde des photos pour mon travail de préparation, comme mes possibilités techniques sont plus grandes, je me permets maintenant de choisir des choses que je n’aurais pas su utiliser avant.
Quand vous quittez la réalisation de vos œuvres, quel regard portez-vous sur le quotidien ?
Je ne sais pas, je fais pas mal de choses différentes. Je suis aussi danseur, caporiste…Mon travail ne change pas le regard que je porte sur la réalité mais sur les images. Mes dessins ne parlent pas de la réalité, d’ailleurs ils sont en noir et blanc. Le noir et blanc, c’est la lumière à l’état de concept alors que la réalité est en couleur.
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[La discussion roule encore un bon moment sur de nombreux sujets suscités par les dessins exposés qui invitent à ouvrir, à interroger, à voyager. Mais le mieux est de visiter l’exposition proposée par la Fondation Salomon]