Jusqu’au 1er décembre 2019. Abbaye. Annecy-le-Vieux
La Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon pour l’Art Contemporain continue de tisser des liens. Après le baroque, le sport…le paysage est à l’honneur à L’Abbaye d’Annecy-le-Vieux.
Un thème que de nombreuses expositions mettent en avant actuellement pour des motifs très variés mais Jean-Marc Salomon nous précise qu’il était dans les cartons de la Fondation depuis plus de trois ans.
Le travail d’Alain Bublex repose sur la notion de conversation, de dialogue entre le paysage et l’homme. Le paysage, c’est nous qui venons combler par notre présence de spectateur, par notre sensibilité, le théâtre du monde installé par l’artiste.
Qui ou quoi regarde qui ?
Il paraît qu’on ne voit que ce qu’on connaît déjà ; avec cette exposition, nous participons au principe de construction de la réalité…et apprenons à nous connaître.
Au fond, le paysage pourrait bien être la partie essentielle de ce que nous nommons réalité, et l’homme la partie contingente, accidentelle.
Conversation avec Alain Bublex à L’Abbaye
« Choses immobiles qui se déplacent pourtant », « S’il y a lieu je pars avec vous », « Là où je suis n’existe pas »… étranges et intéressants titres d’expositions collectives ou monographiques ! Vous aimez jouer, avec les mots, revisiter avec les images….
Je ne suis pas un littéraire, j’aime davantage jouer avec les images qu’avec les mots. C’est une particularité qui s’impose : on se découvre une curiosité un étonnement des choses qui m’est venu très tôt. Très jeune enfant, je m’étonnais des formes des poignées de porte. Pourquoi cette forme d’interrupteur ? Pourquoi sa raison d’être précise ? Pourquoi des formes différentes pour le même objet ? C’est le point de départ de la curiosité qui ouvre sur le réel des objets et la manière de les faire. Le cheminement n’a pas été linéaire mais il m’a mené au design très naturellement. C’était une évidence pour moi. Je dois dire que, de manière tout aussi évidente, je me suis intéressé au paysage, à l’urbanisme, à l’architecture. Toutes ces disciplines mises en commun éveillent ma curiosité et l’entretiennent.
Ce qui frappe dans vos œuvres exposées ici, c’est que l’homme est partout alors qu’on ne le voit nulle part.
C’est exactement mon point de vue, le paysage est un portrait de l’homme sans que sa figure y soit présente. Cette volonté est encore plus forte dans ces œuvres puisque je l’en ai enlevée. Il y a une vingtaine d’années, je réalisais déjà des photos dont la figure humaine, spontanément, était absente. Je ne me l’explique pas. Ce n’est pas totalement délibéré mais j’ai très tôt remarqué qu’afficher une figure humaine dans un paysage en fait très vite un portrait. Inévitablement. Elle devient gênante pour l’intérêt que votre travail porte au paysage ou aux choses. Autour de la figure humaine tout devient décor et insignifiant.
J’ai donc pris l’habitude de ne pas représenter les gens dans mes photos, d’attendre qu’ils soient partis ; mais je m’intéresse aussi à des endroits où il y a peu de gens, pas aux plages l’été à 14 heures.
Je réalise des portraits en creux ; il n’y a pas pour moi de paysage sans l’homme comme il n’y a pas de paysage qui soit entièrement naturel désormais. En photographiant des paysages, je photographie l’activité humaine, les espoirs, les projets, les ambitions, les échecs…c’est à ces signes que je suis attentif.
La Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon pour l’Art Contemporain continue de tisser des liens. Après le baroque, le sport…le paysage est à l’honneur à L’Abbaye d’Annecy-le-Vieux.
Un thème que de nombreuses expositions mettent en avant actuellement pour des motifs très variés mais Jean-Marc Salomon nous précise qu’il était dans les cartons de la Fondation depuis plus de trois ans.
Le travail d’Alain Bublex repose sur la notion de conversation, de dialogue entre le paysage et l’homme. Le paysage, c’est nous qui venons combler par notre présence de spectateur, par notre sensibilité, le théâtre du monde installé par l’artiste.
Qui ou quoi regarde qui ?
Il paraît qu’on ne voit que ce qu’on connaît déjà ; avec cette exposition, nous participons au principe de construction de la réalité…et apprenons à nous connaître.
Au fond, le paysage pourrait bien être la partie essentielle de ce que nous nommons réalité, et l’homme la partie contingente, accidentelle.
Conversation avec Alain Bublex à L’Abbaye
« Choses immobiles qui se déplacent pourtant », « S’il y a lieu je pars avec vous », « Là où je suis n’existe pas »… étranges et intéressants titres d’expositions collectives ou monographiques ! Vous aimez jouer, avec les mots, revisiter avec les images….
Je ne suis pas un littéraire, j’aime davantage jouer avec les images qu’avec les mots. C’est une particularité qui s’impose : on se découvre une curiosité un étonnement des choses qui m’est venu très tôt. Très jeune enfant, je m’étonnais des formes des poignées de porte. Pourquoi cette forme d’interrupteur ? Pourquoi sa raison d’être précise ? Pourquoi des formes différentes pour le même objet ? C’est le point de départ de la curiosité qui ouvre sur le réel des objets et la manière de les faire. Le cheminement n’a pas été linéaire mais il m’a mené au design très naturellement. C’était une évidence pour moi. Je dois dire que, de manière tout aussi évidente, je me suis intéressé au paysage, à l’urbanisme, à l’architecture. Toutes ces disciplines mises en commun éveillent ma curiosité et l’entretiennent.
Ce qui frappe dans vos œuvres exposées ici, c’est que l’homme est partout alors qu’on ne le voit nulle part.
C’est exactement mon point de vue, le paysage est un portrait de l’homme sans que sa figure y soit présente. Cette volonté est encore plus forte dans ces œuvres puisque je l’en ai enlevée. Il y a une vingtaine d’années, je réalisais déjà des photos dont la figure humaine, spontanément, était absente. Je ne me l’explique pas. Ce n’est pas totalement délibéré mais j’ai très tôt remarqué qu’afficher une figure humaine dans un paysage en fait très vite un portrait. Inévitablement. Elle devient gênante pour l’intérêt que votre travail porte au paysage ou aux choses. Autour de la figure humaine tout devient décor et insignifiant.
J’ai donc pris l’habitude de ne pas représenter les gens dans mes photos, d’attendre qu’ils soient partis ; mais je m’intéresse aussi à des endroits où il y a peu de gens, pas aux plages l’été à 14 heures.
Je réalise des portraits en creux ; il n’y a pas pour moi de paysage sans l’homme comme il n’y a pas de paysage qui soit entièrement naturel désormais. En photographiant des paysages, je photographie l’activité humaine, les espoirs, les projets, les ambitions, les échecs…c’est à ces signes que je suis attentif.
Les réseaux sociaux, entre autres, encouragent à l’expression d’un moi permanent : on peut très bien parler de l’homme, parler de soi comme le font vos œuvres pour vous-même, de manière indirecte, suggérée.
Effectivement, en s’intéressant au résultat de la présence, à ce qui nous anime, aux constructions dans lesquelles on est tous impliqués d’une manière ou d’une autre.
En fait votre ego est surdimentionné parce que vous emmenez les autres dans votre propre regard ! (rires).
Oui, oui, non, je m’étonne aussi…c’est cette curiosité d’enfant que je mentionnais et que j’ai gardée : pourquoi cette route et pas une autre ? Pourquoi ce paysage qui me dépasse mais qui nous occupe tous collectivement ? [Formulation polysémique intéressante , nous occupons un paysage qui nous occupe].
Si vous rencontrez Dieu un jour, il va lui falloir un bon moment pour répondre à toutes vos questions !
Comme spectateur, je vis l’absence de personnes humaines dans vos œuvres comme une invitation à me raconter des histoires, à combler l’espace entre ce qui est montré et ce qui ne l’est pas.
A construire quelque chose. C’est propre à ce travail-là, même si ce n’était pas programmé. Il n’y a d’ailleurs pas grand-chose qui le soit ; c’est plutôt une intuition, plus ou moins fondée et très vite dépassée par le travail lui-même. Je suis souvent le public de mon propre travail. Je vois poindre des questions au fur et à mesure que j’avance. En supprimant les personnages du film « An American Landscape » inspiré du roman « Rambo » de David Morell, je suscite de multiples narrations qui peuvent se dérouler dans le même paysage, dans la même fiction et le même rythme.
Effectivement, en s’intéressant au résultat de la présence, à ce qui nous anime, aux constructions dans lesquelles on est tous impliqués d’une manière ou d’une autre.
En fait votre ego est surdimentionné parce que vous emmenez les autres dans votre propre regard ! (rires).
Oui, oui, non, je m’étonne aussi…c’est cette curiosité d’enfant que je mentionnais et que j’ai gardée : pourquoi cette route et pas une autre ? Pourquoi ce paysage qui me dépasse mais qui nous occupe tous collectivement ? [Formulation polysémique intéressante , nous occupons un paysage qui nous occupe].
Si vous rencontrez Dieu un jour, il va lui falloir un bon moment pour répondre à toutes vos questions !
Comme spectateur, je vis l’absence de personnes humaines dans vos œuvres comme une invitation à me raconter des histoires, à combler l’espace entre ce qui est montré et ce qui ne l’est pas.
A construire quelque chose. C’est propre à ce travail-là, même si ce n’était pas programmé. Il n’y a d’ailleurs pas grand-chose qui le soit ; c’est plutôt une intuition, plus ou moins fondée et très vite dépassée par le travail lui-même. Je suis souvent le public de mon propre travail. Je vois poindre des questions au fur et à mesure que j’avance. En supprimant les personnages du film « An American Landscape » inspiré du roman « Rambo » de David Morell, je suscite de multiples narrations qui peuvent se dérouler dans le même paysage, dans la même fiction et le même rythme.
Ce qui signifie que l’exposition est permanente, elle commence au début de votre travail puisque la narration est permanente.
L’exposition n’est pas que l’addition des œuvres. Si elles sont déplacées pour être montrées ailleurs, le résultat sera totalement différent. L’expérience vécue à L’Abbaye a été construite avec l’équipe de la Fondation Salomon par l’échange, par l’expérience, par les choix des pièces exposées et de l’accrochage. Le travail de création est continu et porté tout du long par la même intensité.
C’est sans doute cette richesse de création permanente qui nous pousse à ajouter notre propre narration à celle que vous proposez dans l’œuvre.
Et aussi parce que celle qui habite l’œuvre est ouverte, en cours d’avancement. Je reviens à ce que je disais : je m’étonne moi-même de ce que je produis ; je découvre l’exposition en même temps que vous et elle me fait avancer.
Le paysage est le résultat d’une conversation permanente entre la nature, l’homme, le temps…
Il n’est pas donné. Il est construit matériellement mais aussi dans un dialogue avec la nature qui passe par le regard. On le construit continuellement en échangeant des impressions et en corrigeant sans cesse sans même s’en rendre compte. On fait du paysage en améliorant la devanture d’une maison, en se garant ou non, en se mettant là ou ailleurs.
L’exposition n’est pas que l’addition des œuvres. Si elles sont déplacées pour être montrées ailleurs, le résultat sera totalement différent. L’expérience vécue à L’Abbaye a été construite avec l’équipe de la Fondation Salomon par l’échange, par l’expérience, par les choix des pièces exposées et de l’accrochage. Le travail de création est continu et porté tout du long par la même intensité.
C’est sans doute cette richesse de création permanente qui nous pousse à ajouter notre propre narration à celle que vous proposez dans l’œuvre.
Et aussi parce que celle qui habite l’œuvre est ouverte, en cours d’avancement. Je reviens à ce que je disais : je m’étonne moi-même de ce que je produis ; je découvre l’exposition en même temps que vous et elle me fait avancer.
Le paysage est le résultat d’une conversation permanente entre la nature, l’homme, le temps…
Il n’est pas donné. Il est construit matériellement mais aussi dans un dialogue avec la nature qui passe par le regard. On le construit continuellement en échangeant des impressions et en corrigeant sans cesse sans même s’en rendre compte. On fait du paysage en améliorant la devanture d’une maison, en se garant ou non, en se mettant là ou ailleurs.
Alain Bublex. Exposition "An American landscape"
La technologie la plus pointue nous permet des expositions en immersion, en interactivité…alors que notre relation avec la nature fonctionne depuis toujours sur ce modèle.
Oui, et une exposition peut permettre d’en prendre conscience. Tout se joue lorsque l’on quitte l’œuvre, l’exposition se poursuit dans le réel par une conversation avec ce qu’on a vu et avec soi-même.
Si ça marche, la prochaine fois que j’irai à Thônes, je vais me retrouver sur une route des USA !
Ce sont des correspondances entre le savoir et le réel…
Correspondances rendues possibles parce que votre travail n’est pas démonstratif, il laisse de la place au spectateur.
Je n’ai pas sur le paysage d’idée dont je voudrais faire la démonstration. J’active des situations qui correspondent à mon regard et je laisse une interprétation très libre de mon travail. Les critiques sont l’expression d’un point de vue sur le travail de l’artiste.
Oui, et une exposition peut permettre d’en prendre conscience. Tout se joue lorsque l’on quitte l’œuvre, l’exposition se poursuit dans le réel par une conversation avec ce qu’on a vu et avec soi-même.
Si ça marche, la prochaine fois que j’irai à Thônes, je vais me retrouver sur une route des USA !
Ce sont des correspondances entre le savoir et le réel…
Correspondances rendues possibles parce que votre travail n’est pas démonstratif, il laisse de la place au spectateur.
Je n’ai pas sur le paysage d’idée dont je voudrais faire la démonstration. J’active des situations qui correspondent à mon regard et je laisse une interprétation très libre de mon travail. Les critiques sont l’expression d’un point de vue sur le travail de l’artiste.
Alain Bublex. Exposition "An American landscape"
Vous acceptez d’être le prétexte à l’expression d’un point de vue ?
Dans ce cadre-là, oui…mais j’ai toujours la dernière main, même si on revient à la notion de discussion : nous sommes dans un grand banquet au cours duquel les points de vue se complètent, les choses s’échafaudent. L’artiste n’est pas propriétaire de son travail, il le met à disposition des autres, de leur regard. C’est pourquoi on peut penser qu’il est modeste, ou qu’il ne l’est pas !
A l’arrivée dans la salle d’exposition, on ressent l’impression de solitude, peut-être à cause de l’absence humaine, ou bien on se dit que l’ensemble est paisible.
C’est peut-être de la mélancolie parce que l’on se trouve dans un trompe l’œil, donc à distance puisque tout est dessiné.
Comme chez Hopper.
Effectivement. Sa peinture n’est pas vraiment réaliste, ses personnages sont figés. Si vous percevez cette influence, c’est qu’elle est parfaitement justifiée. Avant que mon activité d’artiste m’occupe à plein temps, je travaillais….
Parce que maintenant vous ne travaillez plus ?
J’étais salarié et à l’époque on a commencé à beaucoup parler de Hopper à travers des expositions, des livres qui m’ont marqué. Je pense aussi à un petit livre de Peter Handke « Essai sur la fatigue ». Il y écrit que la fatigue rend disponible au monde, l’intelligence se tait alors et on ne fait que recevoir. Je me sens à distance des choses et inclus en elles.
C’est une disponibilité au monde qu’on perçoit dans votre travail.
C’est ça .Une disponibilité à laquelle on s’exerce et qu’on s’exerce, qui s’entretient et qu’il faut laisser être là.
Dans ce cadre-là, oui…mais j’ai toujours la dernière main, même si on revient à la notion de discussion : nous sommes dans un grand banquet au cours duquel les points de vue se complètent, les choses s’échafaudent. L’artiste n’est pas propriétaire de son travail, il le met à disposition des autres, de leur regard. C’est pourquoi on peut penser qu’il est modeste, ou qu’il ne l’est pas !
A l’arrivée dans la salle d’exposition, on ressent l’impression de solitude, peut-être à cause de l’absence humaine, ou bien on se dit que l’ensemble est paisible.
C’est peut-être de la mélancolie parce que l’on se trouve dans un trompe l’œil, donc à distance puisque tout est dessiné.
Comme chez Hopper.
Effectivement. Sa peinture n’est pas vraiment réaliste, ses personnages sont figés. Si vous percevez cette influence, c’est qu’elle est parfaitement justifiée. Avant que mon activité d’artiste m’occupe à plein temps, je travaillais….
Parce que maintenant vous ne travaillez plus ?
J’étais salarié et à l’époque on a commencé à beaucoup parler de Hopper à travers des expositions, des livres qui m’ont marqué. Je pense aussi à un petit livre de Peter Handke « Essai sur la fatigue ». Il y écrit que la fatigue rend disponible au monde, l’intelligence se tait alors et on ne fait que recevoir. Je me sens à distance des choses et inclus en elles.
C’est une disponibilité au monde qu’on perçoit dans votre travail.
C’est ça .Une disponibilité à laquelle on s’exerce et qu’on s’exerce, qui s’entretient et qu’il faut laisser être là.
Alain Bublex. Exposition "An American landscape"
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L’Abbaye 04 50 33 45 43
Espace d’Art Contemporain
Entrée libre
Ouvert les vendredis, samedis, dimanches 14 à 19 heures
Espace d’Art Contemporain
Entrée libre
Ouvert les vendredis, samedis, dimanches 14 à 19 heures