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Move-On Magazine

Cinéma Le Parnal à Thorens-Glières, rencontre avec Hervé Clerbout


Le cinéma comme art de vivre.


| Publié le Samedi 5 Septembre 2015 |

Le Parnal, cinéma de Thorens-Glières classé Arts et Essai (sans faire trop d’effort, juste par ses choix ambitieux de programmation), est l’un des cinémas super actifs de la région. Après avoir pris part à quelques unes des nombreuses soirées spéciales organisées au Parnal, Move-On a eu envie d’aller à la rencontre d’Hervé Clerbout, le président de l’association qui s’occupe du cinéma, au même titre que ses 23 bénévoles.

Peux-tu nous raconter un peu l’histoire du cinéma Le Parnal?
Le cinéma en lui-même a eu 25 ans cette année. De ce que l’on m’a dit, avant, il n’y avait pas de salle à proprement parler, le cinéma était une activité de la MJC qui projetait un film de manière régulière derrière la mairie. L’activité prenant de l’ampleur, une association est créée en même temps qu’un cinéma. Celui-ci s’appellera La Trace. Est-ce que c’est parce que le parrain de la salle, Bernard Favre, a fait un long-métrage qui s’appelle La Trace, avec Richard Berry (un gros succès à l’époque) ? Je ne sais pas trop. Tout comme je ne sais pas trop non plus pourquoi peu de temps après le cinéma change de nom et devient Le Parnal, du nom de la Roche Parnal, un sommet situé pas loin de Thorens-Glières. Il y a toujours une part d’ombre en nous comme dirait Georges Lukas (Rires)
Ce qui est surtout intéressant, dans cette histoire-là, c’est de voir que depuis 25 ans, les bénévoles se succèdent au cinéma, il n’y a jamais eu de salarié-e-s. Il y a eu des appels de temps en temps, lorsque le cinéma manquait de personnel, mais généralement les gens se proposent d’eux-mêmes, ils sont curieux et ont envie de donner de leur temps et de leur énergie au Parnal.

Ce sont donc les bénévoles qui gèrent la caisse, les projections ?
Nous gérons absolument tout. On a un fonctionnement de cinéma « normal », sauf que c’est géré uniquement par des bénévoles. Actuellement, nous sommes 23 et l’équipe reste ouverte, on est généralement très preneurs de nouvelles propositions !

Tu es professeur d’informatique en BTS à St Michel, à l’école des Gobelins et en Licence Professionnelle, comment t’es-tu retrouvé Président de l’association du cinéma Le Parnal ?
(Rires) Comme dirait l’autre, je suis tombé dans la marmite de l’associatif quand j’étais petit. En fait, réellement c’est un peu par hasard. Il se trouve que j’étais Président de l’organisme de gestion de l’école primaire de mon fils à Thorens-Glières, qui se trouve à côté du cinéma. De plus j’avais un ami qui faisait parti du cinéma et qui m’encourageait à venir, à intégrer l’équipe lorsque mon fils quitterait l’école primaire. J’ai été bénévole un an, ça m’a plu, et l’année d’après j’étais Président de l’association. Bon, moi, à l’origine, je ne voulais pas être plus Président que ça, ce qui m’intéressait, c’était d’être projectionniste, donc j’ai passé mon CAP de projectionniste, mais je me suis retrouvé Président quand même (rires). C’est bizarre, j’ai su après que mon père rêvait d’être projectionniste, l’effet Cinéma Paradiso certainement, des fois je me dis que c’était écrit non ? Bref, tout ça me plait beaucoup, j’adore ce que je fais, mais après, la place est ouverte à quiconque comprend les tenants et les aboutissants du boulot et a envie d’y aller ! Il y a de la place pour chacun-e dans l’asso, et l’investissement est à hauteur variable ! C’est comme une maison, ça tient, c’est bien isolé parce qu’il y des pierres de toutes tailles qui la compose, on a besoin des petites autant que des grandes. Je défie quiconque de venir à une réunion et d’identifier qui est là depuis 10 ans ou depuis 2 mois, et ça, pour moi, c’est fondamental. Le Parnal c’est avant tout une belle aventure humaine, vraiment.

Allier l'utile à l'agréable : en route pour le Festival du film documentaire de Lussac (+ de 300km quand même!) ©D.R.
Allier l'utile à l'agréable : en route pour le Festival du film documentaire de Lussac (+ de 300km quand même!) ©D.R.
La programmation du Parnal est diverse et variée, vous passez autant de films indépendants (Une famille à louer de Jean-Pierre Améris à la rentrée) que de grosses productions (Les Minions cet été), comment est-ce que les choix se font ?
Tous les mois, on a une réunion qui concerne tous les aspects de la gestion du cinéma, dont la programmation. Chaque bénévole peut alors proposer deux films qu’il/elle défend. On fait le point sur l’ensemble des films proposés, on choisit le nombre voulu pour le mois en intégrant un film « jeune public » (choisi à part) et un film « grand public ». Et dans la mesure où autour de la table se trouvent un accompagnateur de montagne, des enseignants, des infirmières, un paysan, un comptable, une femme au foyer, bref, des profils extrêmement variés, ça donne une programmation relativement éclectique.

Est-ce que tu peux nous parler un peu de ce qui est communément appelé « séance de visio » dans le jargon des exploitants de cinéma ?
Oui, c’est assez simple. Dans la région, il y a trois associations, l’ACRIRA, le GRAC, Les Ecrans, qui sont en fait des groupements de cinémas. Ils organisent régulièrement des journées de projection (jusqu’à cinq proj. par jour !), un ou deux mois avant la sortie des films. Ces séances permettent aux exploitants (salariés ou bénévoles) de découvrir les films et de choisir ceux qu’ils vont vouloir programmer. Est-ce que ce film peut toucher tel public, est-ce que c’est un film qu’on a envie de défendre, est ce qu’il doit être accompagné ? C’est un moment important car il y a différents enjeux dans la programmation : il faut que le film plaise au public, mais il faut aussi penser aux idées qu’on a envie de défendre, à l’identité du cinéma. C’est un mélange de tout ça… L’avantage d’être un cinéma bénévole, c’est que je sais pertinemment que certains films vont nous amener 10-15 personnes, pas plus… mais c’est pas grave, parce que c’est ce qu’on a envie de défendre. C’est sûr que si on avait des salariés, on pourrait moins se permettre ce genre de chose.
Après, dans la mesure où on est un cinéma « mono-écran » (une seule salle de projection), il faut essayer de ne pas programmer les films un peu au hasard. La projection est une denrée rare, il ne faut pas la gâcher ! C’est pour ça que c’est important d’avoir vu (autant que faire se peut) les films avant, durant ces journées. Maintenant avec nos emplois du temps professionnels on ne peut pas se libérer à chaque fois …

Vous organisez aussi souvent des « soirées-événement », dans quel esprit se passent ces soirées ?
On essaie de faire de cette salle un espace convivial, ouvert et pour tous les publics. On mange et on boit souvent au Parnal ! C’est aussi pour ça que l’on organise des soirées débats, on fait venir des réalisateurs, on travaille avec d’autres associations par exemple Attac, CRHA, Plan Large, MJC, on organise avec La Turbine, la MJC Novel, l’Auditorium de Seynod, le CDPC un grand festival jeune public appelé Cinémino, on fait partie des circulations Cinémémoire, la tournée Festival Italien, la tournée Festival des images hispano-américaines… Bref, on essaie de mixer les intérêts culturels et sociétaux. Pour moi, la salle de cinéma doit être un espace social et humain dans lequel le spectateur a envie de revenir parce qu’il apprend des choses, parce qu’il veut revoir des gens, parce qu’il laisse libre court à ses émotions. Dans lequel il est aussi acteur, en fait.

Tu as évoqué Cinémémoire, tu peux nous expliquer le dispositif ?
C’est un dispositif organisé par le réseau des cinéma Arts et Essais 74, en partenariat avec la Direction des Affaires Culturelles. Ça a été crée il y a 7 ou 8 ans sous l’impulsion de Didier Renaud du Rouge et le Noir et Irène Forterre de La Roche-sur-Foron, qui avaient envie de défendre le film de patrimoine. Au niveau économique, c’est compliqué pour une salle de passer 3 ou 4 fois dans la semaine un film qui date des années 30-45-50 – qui n’est pas tout jeune, quoi. Donc l’idée, c’était d’envisager le réseau des salles Arts et Essai 74 comme un grand multiplexe qui se partage l’exploitation de ces films-là en les faisant circuler d’un cinéma à l’autre. Le département nous donne une subvention pour permettre le dispositif et aussi pour que le film soit accompagné par un-e intervenant-e qui met le film en contexte et organise une conférence-débat avec les spectateurs. Cette année, il y a 7 films qui circuleront.

Est-ce que Le Parnal y gagne, à faire partie d’un tel réseau ?
Alors, est-ce qu’on y gagne en espèce sonnante et trébuchante, non, en revanche est-ce qu’on veut continuer à défendre les films de patrimoine, oui ! J’ai découvert des films incroyables grâce à ce dispositif – comme par exemple  Charulata de  Satyajit Ray ou encore Seconds de John Frankenheimer, pour ne citer que les plus récents. Et puis les rencontres avec les intervenant-e-s sont toujours très riches, parce qu’ils ont souvent des approches très différentes – on a eu, entre autres, René Richoux ou Peggy Zejgman-Lecarme l’année dernière, et tu apprends vraiment des tas de choses. Et le principe est le même sur la circulation des films de festival (Italien ou Espagnol). On est vraiment dans le partage de connaissances et dans l’humain. Et si on se demande à quoi « tournent » les bénévoles, pourquoi ils font ça, et bien la réponse se trouve dans le fait de choisir les films, mais aussi dans les remerciements, les sourires qu’on récupère à la fin ! Que ce soit sur des séances avec des enfants ou des adultes, c’est extrêmement gratifiant.
 

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Pour finir, tu peux nous dire quelques mots sur la Médiation M’Ra que vous organisez cette année au Parnal ?
« Les Mots sur l’Ecran », c’est un dispositif subventionné par la Région Rhône-Alpes qui vise à sensibiliser un groupe d’une quinzaine de jeunes à la question de l’adaptation de romans ou de nouvelles au cinéma. Le but, c’est que le groupe se saisisse de cette problématique en organisant 3 séances publiques au Parnal sur l’année, avec différents invités, réalisateur, acteur et bien sur écrivain. Les objectifs sont de les faire venir au cinéma (les 15-25 ans ont surtout tendance à se rendre dans les multiplexes), qu’ils s’approprient la salle et son contenu, et enfin de les familiariser aux dimensions évènementielle et promotionnelle de la culture. La construction du groupe va se faire à la rentrée, à partir des lycées du bassin, et ce sont vraiment les jeunes qui seront en charge du projet. Il y aura 3 encadrant-e-s, mais ils seront là pour donner l’impulsion, l’envie ça c’est très important pour nous.
Pour terminer, je voulais dire qu’on se sent vraiment soutenus, à la fois par le public, mais aussi par les collectivités locales et les autres cinémas associatifs. Que ce soit au niveau de la Région ou du département, notamment avec le travail de Peggy Zejgman-Lecarme, il y a une vraie écoute et de vrais dispositifs de soutien qui sont mis en place, à la fois financièrement et humainement. C’est important de le dire.

Retrouvez le programme du Cinéma Le Parnal ici, et prenez le temps d'aller découvrir ce beau lieu de vie et d'échange, vous ne serez pas déçu-e-s de l'expérience :)
N.B. : cette interview est également dans le Mag #9 :)

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