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Jean-Marc Salomon, comment s’élabore une exposition ?
Aujourd’hui les commissaires d’exposition veulent faire sens dans le propos de l’exposition et dans le fait de jouer les pièces les unes avec les autres, de créer des correspondances formelles ou intellectuelles. Mais je pense qu’il faut laisser parler l’œuvre.
Le fil conducteur de votre cheminement est l’hybridation. Pourriez-vous nous en parler ?
L’hybridation, c’est comment une chose peut se greffer sur une autre pour donner un nouveau sens, une nouvelle signification. Dans mon esprit cette notion d’hybridation est très importante car elle représente une forme de réaction à…Elle a une portée, sinon politique, du moins sociale, ou sociétale pour reprendre un terme actuel. Aujourd’hui la tendance du public est de se recroqueviller sur des notions de territoire, l’art français, l’art savoyard, la Savoie… Cela donne l’impression qu’il existe un archétype assez pur du Français ou du Savoyard. On se rend compte que cette notion n’a finalement jamais existé. La Savoie est une terre de passage et il est intéressant de voir comment on réinterprète l’Histoire.
Il semble que vous ayez choisi l’hybridation car ce cheminement vous est tout à fait naturel. Vous aimez rencontrer les autres, partager et l’art vous permet aussi de vous rencontrer vous-même de manière différente.
J’ai toujours eu l’idée que l’art est universel. Dès qu’on essaie de le cantonner sous un titre, que ce soit art contemporain, classique ou de la Renaissance, je n’aime pas ces notions. J’ai autant de plaisir à aller voir une exposition de la Renaissance, Vermeer que j’aime beaucoup, Fra Angelico, les artistes contemporains…c’est de l’art. Je réclame donc une universalité de l’art au niveau géographique et historique. Ce qui m’intéresse tout particulièrement est la façon dont les artistes nous amènent à remettre en question notre perception du monde. Pour revenir à ce que vous disiez, j’ai l’impression d’être constamment en hybridation, d’être traversé. Je me méfie du dogmatisme et des idées bien arrêtées. J’ai eu une période comme ça, sur l’architecture urbaine à l’époque où je faisais des études d’architecture. Je me suis vite défait de cette manière de penser pour pouvoir être ouvert, pour cheminer, progresser. On peut appeler ça du papillonnage, mais j’aime cette façon de procéder.
Nous revenons aussi au rôle de l’art dans la société, au-delà des clivages de toutes sortes.
Historiquement, l’art n’a pas qu’un seul rôle. A la Renaissance, il s’agissait de propager l’image du catholicisme, du protestantisme, l’art a servi d’outil de propagande ; mais à l’intérieur même d’une œuvre de propagande, les artistes pouvaient trouver la liberté d’exprimer le contraire.
A notre époque – j’y suis très sensible- l’art doit être engagé. Il doit servir à quelque chose.
Oui mais à quoi ?
Il doit défendre des valeurs d’ouverture, de liberté, d’échange car nous sommes de plus en plus contraints. Il y avait beaucoup plus de liberté formelle, intellectuelle et sociétale dans les années 70. L’art d’aujourd’hui peut être un peu conformiste.
Il y a pourtant une profusion.
Une profusion qui est beaucoup moins incisive. Dans une exposition à Annecy, on ne peut plus montrer une paire de seins.
Il y a cependant une recherche de liberté à laquelle nous encourage la publicité.
Le message publicitaire est très codifié…le rôle de l’art est donc encore plus important aujourd’hui. L’émotion est importante, elle aussi, mais il faut exposer de l’art engagé tourné vers des valeurs communes, qui soit le fruit du progressisme, de luttes. La place de la femme dans le monde arabo musulman d’aujourd’hui pose des questions, des deux côtés, dans le monde arabe et chez nous. Ceux qui ont le plus souffert des printemps arabes sont, finalement, les progressistes arabes.
Est-ce que vous pouvez nous parler de tout le travail de préparation d’une exposition ? De la partie cachée de l’iceberg ?
Il y a une partie de réflexion sur ce que l’on veut transmettre, qui revient à notre propre système de valeurs. Je n’oublie jamais qu’une exposition doit être vue par le grand public. Une réflexion sur les thématiques, aussi. Des thématiques liées à la société, par exemple, comme pour la prochaine exposition de cet automne à l’Abbaye d’Annecy-le-Vieux, ou bien des thématiques liées à l’émotion, à la découverte, des thématiques ludiques ou de surprise comme la prochaine exposition aux Haras d’Annecy avec Lilian Bourgeat et ses objets hypertrophiés. Vient ensuite le choix des artistes et celui des œuvres, et commence la frustration parce que, budgétairement, il est impossible de montrer certaines œuvres, ou parce que c’est trop compliqué. Vient ensuite le travail avec les artistes, suivi, toujours avec eux, du travail de mise en espace de l’exposition. La phase de réception par le public m’intéresse aussi beaucoup. Je ne conçois pas une exposition pour quelques intellectuels. Nous apportons des clins d’œil, des mises en question de nos habitudes. Le travail de préparation est passionnant, il constitue un moteur qui nous force à nous questionner, à faire des recherches, à aller voir des expositions. Et comme je pense qu’une exposition doit servir à quelque chose, la médiation, la réception par le public est très importante.
Vous procédez en équipe.
Ceci pourrait s’effectuer en solitaire, mais j’aime bien opérer en équipe.
Pour l’exposition de l’automne prochain à l’Abbaye, vous partez d’un document sur les Savoyards.
C’est un document qui vient conforter mon idée de l’hybridation*. Dans certaines zones de Haute-Savoie, la vallée de l’Arve, par exemple, le taux de votes pour le Front National est très élevé. Il s’agit de voir comment le Savoyard est devenu xénophobe parce que l’Histoire nous apprend que nous étions dans la même situation,autrefois, que les immigrés d’aujourd’hui.. Ce document montre comment un préfet de Paris, je crois, indiquait pourquoi il faut se méfier du Savoyard qui est sale, qui vient prendre le travail des Français…* Il est intéressant de comprendre comment le Savoyard qui a subi cela reprend aujourd’hui les mêmes arguments contre les immigrés, sachant que beaucoup de Savoyards sont des émigrés eux-mêmes.
On comprend bien votre thématique, votre point de départ, mais comment arrive-t-on à en faire une exposition ?
En trouvant des artistes contemporains qui vivent partagés entre deux cultures. Le Savoyard a vécu sur une terre d’émigration qui est devenue une terre d’immigration. D’ailleurs nous venons tous d’Afrique, nous sommes tous cousins, très proches. L’exposition n’est pas encore figée actuellement, je cherche aussi à travailler avec des artistes qui ont joué avec l’Histoire. Et enfin,pour donner une touche universelle, nous voulons exposer des artistes de différents continents.
Si l’exposition n’est pas encore figée, je pense tenir le titre, D’un monde à l’autre. Le titre est important, celui-ci est très ouvert.
Aujourd’hui les commissaires d’exposition veulent faire sens dans le propos de l’exposition et dans le fait de jouer les pièces les unes avec les autres, de créer des correspondances formelles ou intellectuelles. Mais je pense qu’il faut laisser parler l’œuvre.
Le fil conducteur de votre cheminement est l’hybridation. Pourriez-vous nous en parler ?
L’hybridation, c’est comment une chose peut se greffer sur une autre pour donner un nouveau sens, une nouvelle signification. Dans mon esprit cette notion d’hybridation est très importante car elle représente une forme de réaction à…Elle a une portée, sinon politique, du moins sociale, ou sociétale pour reprendre un terme actuel. Aujourd’hui la tendance du public est de se recroqueviller sur des notions de territoire, l’art français, l’art savoyard, la Savoie… Cela donne l’impression qu’il existe un archétype assez pur du Français ou du Savoyard. On se rend compte que cette notion n’a finalement jamais existé. La Savoie est une terre de passage et il est intéressant de voir comment on réinterprète l’Histoire.
Il semble que vous ayez choisi l’hybridation car ce cheminement vous est tout à fait naturel. Vous aimez rencontrer les autres, partager et l’art vous permet aussi de vous rencontrer vous-même de manière différente.
J’ai toujours eu l’idée que l’art est universel. Dès qu’on essaie de le cantonner sous un titre, que ce soit art contemporain, classique ou de la Renaissance, je n’aime pas ces notions. J’ai autant de plaisir à aller voir une exposition de la Renaissance, Vermeer que j’aime beaucoup, Fra Angelico, les artistes contemporains…c’est de l’art. Je réclame donc une universalité de l’art au niveau géographique et historique. Ce qui m’intéresse tout particulièrement est la façon dont les artistes nous amènent à remettre en question notre perception du monde. Pour revenir à ce que vous disiez, j’ai l’impression d’être constamment en hybridation, d’être traversé. Je me méfie du dogmatisme et des idées bien arrêtées. J’ai eu une période comme ça, sur l’architecture urbaine à l’époque où je faisais des études d’architecture. Je me suis vite défait de cette manière de penser pour pouvoir être ouvert, pour cheminer, progresser. On peut appeler ça du papillonnage, mais j’aime cette façon de procéder.
Nous revenons aussi au rôle de l’art dans la société, au-delà des clivages de toutes sortes.
Historiquement, l’art n’a pas qu’un seul rôle. A la Renaissance, il s’agissait de propager l’image du catholicisme, du protestantisme, l’art a servi d’outil de propagande ; mais à l’intérieur même d’une œuvre de propagande, les artistes pouvaient trouver la liberté d’exprimer le contraire.
A notre époque – j’y suis très sensible- l’art doit être engagé. Il doit servir à quelque chose.
Oui mais à quoi ?
Il doit défendre des valeurs d’ouverture, de liberté, d’échange car nous sommes de plus en plus contraints. Il y avait beaucoup plus de liberté formelle, intellectuelle et sociétale dans les années 70. L’art d’aujourd’hui peut être un peu conformiste.
Il y a pourtant une profusion.
Une profusion qui est beaucoup moins incisive. Dans une exposition à Annecy, on ne peut plus montrer une paire de seins.
Il y a cependant une recherche de liberté à laquelle nous encourage la publicité.
Le message publicitaire est très codifié…le rôle de l’art est donc encore plus important aujourd’hui. L’émotion est importante, elle aussi, mais il faut exposer de l’art engagé tourné vers des valeurs communes, qui soit le fruit du progressisme, de luttes. La place de la femme dans le monde arabo musulman d’aujourd’hui pose des questions, des deux côtés, dans le monde arabe et chez nous. Ceux qui ont le plus souffert des printemps arabes sont, finalement, les progressistes arabes.
Est-ce que vous pouvez nous parler de tout le travail de préparation d’une exposition ? De la partie cachée de l’iceberg ?
Il y a une partie de réflexion sur ce que l’on veut transmettre, qui revient à notre propre système de valeurs. Je n’oublie jamais qu’une exposition doit être vue par le grand public. Une réflexion sur les thématiques, aussi. Des thématiques liées à la société, par exemple, comme pour la prochaine exposition de cet automne à l’Abbaye d’Annecy-le-Vieux, ou bien des thématiques liées à l’émotion, à la découverte, des thématiques ludiques ou de surprise comme la prochaine exposition aux Haras d’Annecy avec Lilian Bourgeat et ses objets hypertrophiés. Vient ensuite le choix des artistes et celui des œuvres, et commence la frustration parce que, budgétairement, il est impossible de montrer certaines œuvres, ou parce que c’est trop compliqué. Vient ensuite le travail avec les artistes, suivi, toujours avec eux, du travail de mise en espace de l’exposition. La phase de réception par le public m’intéresse aussi beaucoup. Je ne conçois pas une exposition pour quelques intellectuels. Nous apportons des clins d’œil, des mises en question de nos habitudes. Le travail de préparation est passionnant, il constitue un moteur qui nous force à nous questionner, à faire des recherches, à aller voir des expositions. Et comme je pense qu’une exposition doit servir à quelque chose, la médiation, la réception par le public est très importante.
Vous procédez en équipe.
Ceci pourrait s’effectuer en solitaire, mais j’aime bien opérer en équipe.
Pour l’exposition de l’automne prochain à l’Abbaye, vous partez d’un document sur les Savoyards.
C’est un document qui vient conforter mon idée de l’hybridation*. Dans certaines zones de Haute-Savoie, la vallée de l’Arve, par exemple, le taux de votes pour le Front National est très élevé. Il s’agit de voir comment le Savoyard est devenu xénophobe parce que l’Histoire nous apprend que nous étions dans la même situation,autrefois, que les immigrés d’aujourd’hui.. Ce document montre comment un préfet de Paris, je crois, indiquait pourquoi il faut se méfier du Savoyard qui est sale, qui vient prendre le travail des Français…* Il est intéressant de comprendre comment le Savoyard qui a subi cela reprend aujourd’hui les mêmes arguments contre les immigrés, sachant que beaucoup de Savoyards sont des émigrés eux-mêmes.
On comprend bien votre thématique, votre point de départ, mais comment arrive-t-on à en faire une exposition ?
En trouvant des artistes contemporains qui vivent partagés entre deux cultures. Le Savoyard a vécu sur une terre d’émigration qui est devenue une terre d’immigration. D’ailleurs nous venons tous d’Afrique, nous sommes tous cousins, très proches. L’exposition n’est pas encore figée actuellement, je cherche aussi à travailler avec des artistes qui ont joué avec l’Histoire. Et enfin,pour donner une touche universelle, nous voulons exposer des artistes de différents continents.
Si l’exposition n’est pas encore figée, je pense tenir le titre, D’un monde à l’autre. Le titre est important, celui-ci est très ouvert.