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Move-On Magazine

Exposition Daniel Schlier // Elmar Trenkwalder


L’Abbaye Espace d’Art Contemporain. Annecy-le-Vieux


| Publié le Mardi 22 Janvier 2019 |

Fantôme avec rhomboèdre aux lézards n°19. Daniel Schlier ©Fondation Salomon
Fantôme avec rhomboèdre aux lézards n°19. Daniel Schlier ©Fondation Salomon
Du 17 janvier au 31 mars 2019, la Fondation Salomon pour l’Art Contemporain nous propose un 2° volet sur le thème du baroque.
   Sous forme d’un dialogue, les œuvres de Daniel Schlier et celles d’Elmar Trenkwalder  font vivre les notions de mouvement, d’équilibre entre les tensions, de liens entre les mondes intérieur et extérieur, de construction ouverte .
  Songez que pour réaliser les peintures sous verre de Pierre Schlier, il faut les exécuter  sur verre et retourner celui-ci. Encore un mouvement de l’esprit, de la main et du regard. Que les œuvres massives d’Elmar Trenkwalder sont conçues comme des legos à assembler afin de les exposer. Mouvement encore !
   Mouvements auxquels répondent ceux du public qui se promène, lui-même mouvement parmi les autres.
   A y réfléchir, nous sommes déjà , d’une certaine manière, dans les rhomboèdres, ces formes qui défient les limites de nos possibilités conceptuelles avec lesquelles aime jouer Daniel Schlier.
 

Elmar Trenkwalder - Oeuvre intitulée WVZ 296 S ©Fondation Salomon
Elmar Trenkwalder - Oeuvre intitulée WVZ 296 S ©Fondation Salomon
Rencontres avec les deux artistes.
 
Daniel Schlier , comment vivez-vous cette exposition en dialogue avec Elmar Trenkwalder ?
Elmar est un ami de presque trente ans. Nous avons déjà exposé une ou deux fois ensemble dans des conditions moins généreuses, en galerie. Il m’a invité dans un centre d’art en Autriche et je l’ai invité dans un centre d’art en France. Nous nous connaissons bien et nous avions envie d’une exposition comme celle-ci.

Vos œuvres sont différentes mais l’exposition commune crée une sorte d’harmonie.
C'est-à-dire ? Ça vous paraît exotique ? Appréhendable ? Familier ?

Tous vos travaux invitent l’esprit à voyager réellement. Ce sont des constructions qui laissent une place au spectateur. Avec une dimension onirique…
C’est notre quotidien. Le sien et le mien. Ce que l’artiste fait, sculpte, c’est ce qu’il voit et fréquente tous les jours. C’est le cas pour ce que je peins.

  Elmar et moi sommes de culture alémanique. Je suis Alsacien, dialectophone .Avec Elmar originaire d’Innsbruck, nous parlons l’alémanique et nous nous comprenons très bien. Nous baignons dans le monde de l’image rhénane. Si ce n’est pas politique, on peut dire que linguistiquement et culturellement, pour peu qu’on ait le sens de l’histoire, il y a une cohérence.

Vous êtes Européens.
Oui, absolument. Je vous parle d’ailleurs en français ou en alsacien. Aux Beaux Arts de Paris, où j’enseigne, je passe pour le gars exotique parce que je viens d’une région. De mon côté, je mesure à quel point le centralisme parisien est une vraie histoire depuis la Révolution.

On voit ce que le centralisme donne en ce moment !
Quand je leur dis que c’est moi qui me trouve au centre et eux à la périphérie, ils me regardent avec un drôle d’air. Je leur explique que je suis à deux heures de route de Zurich, Berne où je vais voir des expositions, comme à Francfort, à Stuttgart .J’ai réellement le sentiment d’être au centre de quelque chose, ce n’est pas une formule.

Nous voilà dans le baroque et le mouvement, vous déplacez, vous réorganisez, vous reconstruisez aussi avec ces figures qui s’appellent des rhomboèdres. Ce sont des illusions d’optique ?
Ce sont de vraies formes géométriques. Vous retrouvez un rhomboèdre dans la « Melencolia » de Dürer. Ces figures sont les limites de vos capacités intellectuelles à formaliser les choses. Imaginez, par exemple, la forme que prend le croisement de deux tubes.

Elles nous transportent dans une autre dimension ?
Mes peintures ne sont pas symboliques. Ce qui m’intéresse est le phénomène visuel. Dans mes œuvres il y a beaucoup de brume, de flou et il est nécessaire d’y apporter quelque chose de construit, une sorte de référent visuel. Avec cette forme géométrique, on a l’impression qu’un espace commence à se dessiner et ceci me permet de juxtaposer des espaces différents qui commencent par la figure humaine et finissent sur des espaces géométriques.

Dès que vous passez une frontière, que ce soit celle de l’opéra, du roman, de la peinture, vous accélérez et vous faites cohabiter des mondes différents.

C’est le cas de la poésie et des mots qui ouvrent vers d’autre sens possibles. C’est ce qu’on retrouve dans votre démarche ?
Absolument. Le paradoxe, face à une œuvre abstraite, est que beaucoup de gens acceptent que la peinture est le lieu d’une expérimentation, d’une recherche et que ce qu’on voit n’est pas une chose pensée d’avance mais le champ de bataille de l’artiste.

   Dans mon cas, avec une peinture perçue comme figurative, pour aller vite, on pense qu’il s’agit de peinture allégorique, on se demande ce que ça signifie. Ce que vous avez sous les yeux n’est que ce que j’ai réussi à mettre en place du combat pour que ça existe. Je me bats avec les couleurs, je me bats avec les formes, avec les densités des matériaux, avec les espaces qui s’opposent. Tout ce qui est là vous donne vaguement une idée de ce qui se passe dans ma tête.

Elmar Trenkwalder - Oeuvre intitulée WVZ 325 S ©Fondation Salomon
Elmar Trenkwalder - Oeuvre intitulée WVZ 325 S ©Fondation Salomon
Parmi toutes les œuvres artistiques ou culturelles, dans toutes les disciplines, il serait possible de faire la différence entre celles qui sont animées de l’intérieur, qui ont une vie interne, peut-être due au combat que vous évoquez et les autres plus dans « l’illustration », même très réussies. Dans votre travail une tension est perceptible.
C’est le mot. Si je ne peux pas toujours vous dire le sens de mon travail, je peux vous dire qu’il résulte d’une tension des choses. Elle m’est essentielle pour peindre. Sinon un bon fauteuil de cuir et un cognac font l’affaire.
Et chacun peut participer à la construction de l’œuvre, à « la mise en tension ».
 
*****
 
Elmar, est-ce que ça vous convient si je vous dis que votre « WVZ 296 S » qui nous accueille à l’entrée de l’exposition fait penser au « Palais du facteur Cheval » ?
J’adore l’art brut et je connais, bien sûr le Palais du facteur Cheval. J’ai même participé à Hauterives à une exposition en hommage au facteur Cheval.

Dans vos œuvres en grès émaillé et à la mine de plomb, ce qui attire d’abord, ce sont les cadres en grès.
Mais je recherche un équilibre et parfois l’intérieur est même plus fort que le cadre. Le dessin est toujours le plus important pour moi afin de créer l’espace mais l’ensemble forme une unité.
   Je commence toujours avec une forme géométrique.

On retrouve des connotations sexuelles.
L’érotique est toujours une grande dimension de l’art.

Quand vous réalisez une œuvre comme WVZ 325 S, quelle est votre intention ?
Je veux toujours découvrir quelque chose. Le désir est la base de la démarche de presque tous les artistes. Je commence avec une forme géométrique, abstraite, impersonnelle  et je découvre au fur et à mesure des solutions et une expression plus personnelles. Chaque œuvre doit être une surprise,d’abord pour moi, un équilibre entre l’intérieur et l’extérieur.
Daniel Schlier parle de tension, d’équilibre. Pierre Soulages dit «  C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche ».
Oui. C’est vrai.
 

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