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Move-On Magazine

Exposition "Les couturiers de la danse" au CNCS de Moulins jusqu'au 3 mai 2020


De Chanel à Versace un ballet de mouvement, de grâce et de lumière


| Publié le Samedi 1 Février 2020 |

Philippe Noisette, le titre de l’exposition dont vous êtes le commissaire souligne une association très étroite puisqu’il est question des « Couturiers de la danse » et non des couturiers et de la danse.
Trouver un titre est toujours une gageure. Il s’agit de dévoiler sans prendre des chemins de traverse. Le titre doit résumer l’esprit de l’exposition. Celui-ci était le titre d’un de mes livres; nous l’avons repris parce que je pense qu’il fonctionne bien. Il met à égalité couture et danse, les présente main dans la main et j’espère que ceci apparaît au fur et à mesure de l’exposition.

C’est effectivement ce qui ressort de l’exposition mais aussi des mots que vous utilisez dans les premières phrases du catalogue, « osmose, cohabitation, rencontre, amour… »
Effectivement. Christian Lacroix dit un peu la même chose dans l’avant-propos. Il faut travailler main dans la main, quand ce n’est pas le cas, ça donne des collaborations sans suite ni profondeur réelle.

Ça ouvre sur l’idée de conversation, de rencontre, les choses se font réellement ensemble.
Oui, bien que les couturiers passent plus ou moins de temps dans les ateliers de danse. Chaque collaboration est unique. D’après les chorégraphes avec lesquels j’ai discuté, il y a de la part des couturiers un réel investissement, qui est sans retour. Ils ne créent pas des costumes de danse pour gagner de l’argent. C’est un plus artistique.

Sébastien Bertaud, que vous avez vu avec moi dans le cadre de l’exposition, est danseur à l’Opéra de Paris. Il ne s’attendait pas à des réponses positives lorsqu’il a demandé des costumes aux maisons Balmain ou Dior qui sont à New York, à Paris ; mais on lui a chaque fois répondu que cette forme de collaboration les intéresse, sans préoccupation de budget, de retour commercial, ni auprès de la presse, des people.

Les collaborations de Chopinot et Gauthier en témoignent, comme celle de Versace et Béjart. Si elles se sont renouvelées, c’est qu’il y avait réellement un dialogue entre les deux parties. Régine Chopinot dit très gentiment qu’à l’époque de sa rencontre avec Jean-Paul Gauthier elle hésitait avec Thierry Mugler, qu’en rencontrant Jean-Paul Gauthier elle a réalisé en cinq minutes que c’était la bonne personne.

Costumes d'Hervé Leroux pour Rythme de valses, chorégraphie de R. Petit
Costumes d'Hervé Leroux pour Rythme de valses, chorégraphie de R. Petit
Est-ce qu’on peut considérer que pour les couturiers il y a, avec la danse, la motivation d’entrer dans un réel mouvement, contrairement à un défilé de mode limité à un podium ? La danse apporte une liberté totale au mouvement des corps et des vêtements.
Bien sûr. Il faut préciser que ce qui est présenté sur un podium, haute couture ou prêt à porter, n’est pas toujours destiné à la vente, il s’agit plutôt d’une expérimentation. Pour mettre en valeur le costume, on demande aux mannequins de ne pas sourire pour ne pas attirer l’attention sur le visage. La danse est à l’opposé, vous allez bouger, tomber, il y a du mouvement, des rires, des pleurs, une dramaturgie particulière. On est pratiquement dans une antinomie avec la couture dont la présentation doit être neutre alors que le danseur est plus important que le costume, que la scénographie, que la musique, même si c’est l’ensemble qui concourt à faire un grand spectacle. La danse apporte une liberté physique, de la prouesse qu’on ne retrouve pas exactement dans la couture, même si certains défilés ont été mis en scène par des chorégraphes, comme Michael Clark pour Alexander Mc Queen, William Forsythe pour Issey Miyake.

Il y a actuellement une volonté de changer la mode, de passer des grands spectacles à des défilés-événements, conceptuels, avec l’intervention d’artistes plasticiens ou d’artistes de la danse. J’ai assisté il y a quinze jours à un défilé un peu confidentiel dont une partie avait été mise en scène par Damien Jalet qui travaille beaucoup avec Sidi Larbi Cherkaoui. Au milieu des mannequins qui présentaient des vêtements il y avait un vrai spectacle conçu par un chorégraphe.
La danse a tout ce que la mode n’a peut-être plus, la liberté, l’absence de contraintes, l’aspect éphémère, davantage que la mode qui produit des vêtements, des objets qui seront portés.
La liberté de la danse peut faire rêver d’autres domaines.

Lorsqu’on visite l’exposition, on voit les costumes, on leur tourne autour de l’extérieur. Est-ce qu’ils ont pour les danseurs la même importance que pour des acteurs de cinéma ou de théâtre qui affirment devenir pleinement leur personnage en entrant dans le costume ?
J’ai l’impression que le comédien est un peu à part. Le danseur travaille la plupart du temps sans le costume. On répète en jogging, en vêtements de danse. Le costume arrive assez tard.

Iris Van Herpen pour Clear,Loud,Bright,Forward de Benjamin Millepied
Iris Van Herpen pour Clear,Loud,Bright,Forward de Benjamin Millepied
Est-ce qu’il est une contrainte ?
Non, à l’exception de certains comme en montre l’exposition, de grosses masses de tulle. S’il y a contrainte, c’est quand la vision est réduite. Le vrai costume de danse réussi, réalisé par un costumier ou un couturier épouse le mouvement.

Au 20° siècle, le corps et le costume s’épousent pour donner liberté et mouvement.
Le costume épouse aussi les changements de mentalités, les changements physiques, on est plus grand aujourd’hui, la musculature a pu évoluer. On a gagné en liberté en 68 mais avec Coco Chanel dans les années 20 pour libérer le corps grâce au jersey, en enlevant le corset et la crinoline.
Le corps de la femme était plus contraint, plus rigide. Il y a eu des progrès dans les matières, même si elles ne sont pas toutes synthétiques. On peut les passer, les laver plus facilement, leur souplesse permet d’épouser le corps, elles sont plus légères.

Les fameux plissés mémoire de forme d’Issey Miyake sont une vraie libération. Les costumes ne se froissent jamais, ne se déplient jamais, gardent la même forme. Les deux cents costumes qui ont servi au ballet avec William Forsythe ont été une expérimentation qui est ensuite devenue une ligne appelée Pleats Please et a obtenu un grand succès auprès du public. La danse a permis de rendre visible ce travail technique qui puise dans la culture du Japon avec l’origami.

L’un des thèmes qui préside à l’exposition est « Pas si classique. » Comment définiriez-vous la danse contemporaine ? Un critique d’art affirme que l’art contemporain est l’art de son époque. Il en est de même pour la danse ?
On pourrait dire que la danse contemporaine est celle de la seconde moitié du 20° siècle. C’est un peu réducteur. Certains pays n’utilisent pas cette appellation. Aux USA on parle plutôt de modern danse, de post modern danse. Il vaut mieux utiliser le pluriel parce qu’il n’y a pas une seule danse contemporaine, ce sont des danses, conceptuelle, le hip hop, des danses traditionnelles qui deviennent des danses contemporaines ; le flamenco est peut-être l’une des danses les plus novatrices actuellement. C’est aussi toute une palette de jeux, de sentiments et de représentations.

Il est possible de lire dans l’exposition une citation de Pierre Bergé « La couture n’est pas un art mais elle a besoin d’artistes pour s’exprimer. » La couture n’est pas un art ? Votre exposition l’associe tellement bien à la danse qu’elle en devient un.
C’est un questionnement intéressant parce que la mode est aussi un commerce, une industrie : peut-elle se revendiquer comme un art ou un artisanat ? Des maisons prestigieuses comme Hermès ou Chanel utilisent le terme artisanat d’art, ce qui permet de mettre en avant les petites mains, les plumassiers, les brodeuses, tout ce qui sous tend la couture. On peut considérer que la haute couture est un art appliqué assez proche du travail d’un peintre puisqu’il est question de pièces uniques.
La couture n’a pas besoin de la danse mais il est justement intéressant de noter que celle-ci peut apporter un supplément de beauté, de créativité à la première alors qu’elle dispose de moyens bien plus modestes et qu’on parle assez peu de la danse dans les médias.
 

Costume de Viktor & Rolf pour Shape de Jorma Elo
Costume de Viktor & Rolf pour Shape de Jorma Elo

Ce n’est pas à l’exposition de trancher et de dire si la couture est un art mais il est évident que certains couturiers sont des artistes. Je pense à Yves Saint Laurent, à Iris van Herpen présente dans l’exposition et qui a commencé par la danse.
La danse, comme de nombreuses activités créatrices, repose sur le rythme. Le passage d’une salle de l’exposition à une autre crée justement un rythme.
L’idée était de faire de chaque salle un écrin différent, même si le papier utilisé est le même tout du long. Il s’agissait de recréer une petite scène pour chaque salle, mais dans une exposition  les rencontres se font au dernier moment. Les costumes étaient d’un côté, la scénographie de l’autre, il fallait attendre que la précédente exposition se termine pour que tout s’installe. On espérait le dialogue sans savoir jusqu’à quel point il se ferait, jusqu’où les costumes se répondraient les uns les autres parce qu’on a essayé de réunir dans une même salle parfois trois ou quatre créateurs. Je savais mentalement qui devait aller avec qui, les thèmes me permettaient d’unifier le parcours mais il a fallu vérifier salle après salle que ça fonctionne. Nous avons seulement enlevé ici ou là un costume pour garder un équilibre.

Avec Marco Mencacci, le scénographe, nous avons passé mentalement dix mois avec les costumes, même si beaucoup étaient déjà arrivés à Moulins deux mois avant l’exposition : il fallait passer à la réalisation et que la feuille blanche devienne une feuille en trois dimensions.
Nous avons choisi d’installer très peu de vidéos pour ne pas cannibaliser l’attention du public. Elles ont été installées dans les couloirs ou bien dans l’auditorium.
Il fallait laisser les gens être spectateurs plutôt que visiteurs, spectateurs de treize ou quatorze petits spectacles, un par salle.

Costumes de Jean-Paul Gauthier
Costumes de Jean-Paul Gauthier
Il est agréable d’avoir dans chaque salle une vision d’ensemble de costumes qui créent des liens entre eux, d’accommoder à un moment sur un costume, de repasser à un plan moyen, à des échelles différentes.
Je conseille toujours aux gens de régler la focale eux-mêmes, de passer d’une vue d’ensemble à un détail. Nous avions pensé d’abord d’installer des lumières qui pointeraient certains détails des costumes. L’idée a été abandonnée pour laisser au public la liberté de concevoir sa visite. L’éclairage franc et très doux de Valérie Bodier, qui travaille habituellement sur les défilés de mode, contribue à la réussite de cette exposition.

Vous avez habillé de lumière les costumes que vous présentez.
Jusqu’au dernier moment, comme en couture, nous avons retouché, ajouté, enlevé. Les lumières ont été réalisées à la dernière étape.



Exposition "Les couturiers de la danse" au CNCS de Moulins jusqu'au 3 mai 2020



Philippe Noisette, commissaire de l'exposition
Philippe Noisette, commissaire de l'exposition

Exposition "Les couturiers de la danse" au CNCS de Moulins jusqu'au 3 mai 2020

Exposition "Les couturiers de la danse" au CNCS de Moulins jusqu'au 3 mai 2020

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