Après le confinement, il faut tout aborder avec une vision globale. Il ne faut pas voir un film, un livre, une Fête du Livre, un restaurant…
Il faut se demander : « Qu’est-ce qu’on fait ? C’est quoi la vie ? De quoi avons-nous envie ? Qu’est-ce qui nous libère ? Qu’est-ce qui nous a vraiment manqué ? Quelles ont été les choses les plus dures à supporter pendant le confinement ? »
Tu m’as d’ailleurs dit que tu avais du mal à écrire pendant cette période.
Tout s’est arrêté. J’ai l’habitude d’être enfermé mais il faut que les gens soient dehors pour que j’écrive. Je ne suis pas malheureux, mais ça ne vient pas. Je fais de la cuisine, de la pâtisserie, de la mousse au chocolat. Je me suis régalé et j’ai vu à quel point la gourmandise est importante.
On n’a pas arrêté de parler de cuisine, de nourriture, de gastronomie.
On voit à quel point c’est important dans la vie sociale, pour ne pas s’ennuyer, pour faire plaisir, pour se rassurer. Dans les EHPAD, un bon repas, un joli petit gâteau et le moral des gens va mieux ! Ça correspond à une bise.
On s’est rendu compte pendant le confinement que la gourmandise est essentielle à la vie ; mettons de la gourmandise partout. Remettons-en dans le cinéma, dans le théâtre, dans la Fête du Livre.
Tu vas transformer la Fête du Livre en événement gastronomique.
Il faut que nos livres soient des gaufres.
Gaufrons-nous !
Il faut remettre de la légèreté, du sucre dans tout ça. Je vais ouvrir la Fête du Livre en la recentrant sur le mot fête : plus de lectures, plus de mouvement, plus de déplacements des auteurs, de la musique, de la poésie. Les auteurs ne vont pas rester assis, ils dédicacent, ils vont s’installer sur des bancs pour lire, ils vont au 3° chapiteau -une nouveauté- qui sera le chapiteau cabaret pour déclamer des poèmes avec Cali qui joue de la guitare ou Charles-Elie Couture au piano. Jusque-là, on avait des plats du jour, je vais mettre plein de choses à la carte, du mouvement.
On va te voir avec une toque sur la tête ?
Oui, chef écrivain ! Il faut remettre de la mobilité en supprimant toutes les salles intérieures. Toutes les rencontres se dérouleront en extérieur, le public et les auteurs seront toujours visibles et directement ensemble. Je supprime les journalistes et les débats.
Tu les supprimes… tu ne les flingues pas ?
Quelques uns, pourquoi pas ? Ceux qui ont soutenu Matzneff, le pédo-criminel. J’ai vu que le milieu parisien est infect, ce qui m’a aidé à prendre la décision à l’égard des journalistes.
Les crises permettent parfois de clarifier, de prendre les décisions.
De ne plus tergiverser. Je ne discute plus.
Je flingue, je disperse…
Façon puzzle. À Paris, tout le monde savait ce que faisait Matzneff, tout le monde bouffait avec lui, et ça continue. Il y a encore des journalistes qui disent « Oui, mais il écrit tellement bien ! »
C’est l’éternel débat, avec Céline et d’autres.
Heureusement qu’Hitler n’était pas un grand peintre ! Certains auraient dit « Bon, oui, les camps de concentration, mais quand on voit ses tableaux. Quelles touches de pinceau ! Ces couleurs magnifiques ! Il a révolutionné la peinture. »
Surtout dans le rouge.
Il a fait disparaître le jaune, il n’a gardé que le rouge.
Sans les journalistes, le contact entre le public et les auteurs sera direct et si les seconds sont un peu déstabilisés, c’est parfait.
Ce n’est pas un salon mais une fête, on n’est pas dans l’entre-soi littéraire, il faut que ça bouge.
On n’est pas non plus dans la promotion du livre – L’invitation d’un écrivain n’est pas directement liée à la parution d’un livre- mais dans celle de la lecture. Les auteurs peuvent parler de la lecture, de la difficulté ou du bonheur de l’écriture… C’est plus intéressant qu’un auteur qui vous dit « Page 14 je raconte ceci, je raconte cela… »
Vous racontez, d’accord ! Mais comment vous faites pour raconter ? La mécanique de l’imaginaire m’intéresse plus, le bonheur, la gourmandise d’écrire. Vous avez des enfants ? Ils viennent vous embêter quand vous écrivez ? Leur présence vous aide ?
On rejoint la gastronomie. Les critiques en ont souvent une approche très technique alors que c’est le processus de création qui est passionnant. La psychologie. Le Guide Michelin est destiné aux clients, pas aux restaurateurs. La Fête du Livre est destinée au public et elle inclut les auteurs.
Il faut que le bien-être des auteurs et celui du public se retrouvent. Je veux que la Fête du Livre continue d’être un laboratoire
Tu es dans une veine écologique, avec le circuit le plus court possible de l’auteur au lecteur.
Exactement. Directement de l’écrivain au lecteur, de la montagne au lac. À Talloires, tu as trois mètres de la montagne au lac. C’est le plus beau circuit court qui soit. On va rapprocher encore le rapprochement et même s’il y a quelques difficultés, des silences, ce sera intéressant. On n’est pas à la télévision.
Pas de formatage, on invente au fur et à mesure.
Ayons du culot, quitte à nous gourer, ce n’est pas grave.
Gourer, Gourio…
Je n’ai pas arrêté de me gourer donc j’ai tout le temps raison.
Comme les Shadoks « … plus ça rate plus on a de chances que ça marche. »
Voilà ! On va faire la Fête des Shadoks. J’aurais bien aimé les inventer à la place de Rouxel ! Et Piéplu, qui en faisait la voix, était dans Palace.
Le réceptionniste.
L’homme aux clés d’or.
Jarry, Ubu, les Shadoks, toute cette lignée extraordinaire de l’absurde, de la dérision.
Il faut rester dans cette voie des choses absurdes, déstabilisantes, un peu légères et enfantines.
C’est pour cette raison que j’invite Jean-Louis Fournier qui avait fait Monsieur Cyclopède, des trucs pour mômes aussi, un bouquin que j’avais beaucoup aimé, Il a jamais tué personne mon papa.
Je vais faire entrer l’enfance à la Fête du Livre. Normalement elle a dix ans ; elle en aura neuf pour la prochaine édition. Et puis huit ans. J’espère qu’on va aller jusqu’à sa première année.
Avec distribution de couches.
La première dent, la deuxième dent… On va se régaler. Tous ces projets, c’est pour la Fête du Livre 2021.
Il faut se demander : « Qu’est-ce qu’on fait ? C’est quoi la vie ? De quoi avons-nous envie ? Qu’est-ce qui nous libère ? Qu’est-ce qui nous a vraiment manqué ? Quelles ont été les choses les plus dures à supporter pendant le confinement ? »
Tu m’as d’ailleurs dit que tu avais du mal à écrire pendant cette période.
Tout s’est arrêté. J’ai l’habitude d’être enfermé mais il faut que les gens soient dehors pour que j’écrive. Je ne suis pas malheureux, mais ça ne vient pas. Je fais de la cuisine, de la pâtisserie, de la mousse au chocolat. Je me suis régalé et j’ai vu à quel point la gourmandise est importante.
On n’a pas arrêté de parler de cuisine, de nourriture, de gastronomie.
On voit à quel point c’est important dans la vie sociale, pour ne pas s’ennuyer, pour faire plaisir, pour se rassurer. Dans les EHPAD, un bon repas, un joli petit gâteau et le moral des gens va mieux ! Ça correspond à une bise.
On s’est rendu compte pendant le confinement que la gourmandise est essentielle à la vie ; mettons de la gourmandise partout. Remettons-en dans le cinéma, dans le théâtre, dans la Fête du Livre.
Tu vas transformer la Fête du Livre en événement gastronomique.
Il faut que nos livres soient des gaufres.
Gaufrons-nous !
Il faut remettre de la légèreté, du sucre dans tout ça. Je vais ouvrir la Fête du Livre en la recentrant sur le mot fête : plus de lectures, plus de mouvement, plus de déplacements des auteurs, de la musique, de la poésie. Les auteurs ne vont pas rester assis, ils dédicacent, ils vont s’installer sur des bancs pour lire, ils vont au 3° chapiteau -une nouveauté- qui sera le chapiteau cabaret pour déclamer des poèmes avec Cali qui joue de la guitare ou Charles-Elie Couture au piano. Jusque-là, on avait des plats du jour, je vais mettre plein de choses à la carte, du mouvement.
On va te voir avec une toque sur la tête ?
Oui, chef écrivain ! Il faut remettre de la mobilité en supprimant toutes les salles intérieures. Toutes les rencontres se dérouleront en extérieur, le public et les auteurs seront toujours visibles et directement ensemble. Je supprime les journalistes et les débats.
Tu les supprimes… tu ne les flingues pas ?
Quelques uns, pourquoi pas ? Ceux qui ont soutenu Matzneff, le pédo-criminel. J’ai vu que le milieu parisien est infect, ce qui m’a aidé à prendre la décision à l’égard des journalistes.
Les crises permettent parfois de clarifier, de prendre les décisions.
De ne plus tergiverser. Je ne discute plus.
Je flingue, je disperse…
Façon puzzle. À Paris, tout le monde savait ce que faisait Matzneff, tout le monde bouffait avec lui, et ça continue. Il y a encore des journalistes qui disent « Oui, mais il écrit tellement bien ! »
C’est l’éternel débat, avec Céline et d’autres.
Heureusement qu’Hitler n’était pas un grand peintre ! Certains auraient dit « Bon, oui, les camps de concentration, mais quand on voit ses tableaux. Quelles touches de pinceau ! Ces couleurs magnifiques ! Il a révolutionné la peinture. »
Surtout dans le rouge.
Il a fait disparaître le jaune, il n’a gardé que le rouge.
Sans les journalistes, le contact entre le public et les auteurs sera direct et si les seconds sont un peu déstabilisés, c’est parfait.
Ce n’est pas un salon mais une fête, on n’est pas dans l’entre-soi littéraire, il faut que ça bouge.
On n’est pas non plus dans la promotion du livre – L’invitation d’un écrivain n’est pas directement liée à la parution d’un livre- mais dans celle de la lecture. Les auteurs peuvent parler de la lecture, de la difficulté ou du bonheur de l’écriture… C’est plus intéressant qu’un auteur qui vous dit « Page 14 je raconte ceci, je raconte cela… »
Vous racontez, d’accord ! Mais comment vous faites pour raconter ? La mécanique de l’imaginaire m’intéresse plus, le bonheur, la gourmandise d’écrire. Vous avez des enfants ? Ils viennent vous embêter quand vous écrivez ? Leur présence vous aide ?
On rejoint la gastronomie. Les critiques en ont souvent une approche très technique alors que c’est le processus de création qui est passionnant. La psychologie. Le Guide Michelin est destiné aux clients, pas aux restaurateurs. La Fête du Livre est destinée au public et elle inclut les auteurs.
Il faut que le bien-être des auteurs et celui du public se retrouvent. Je veux que la Fête du Livre continue d’être un laboratoire
Tu es dans une veine écologique, avec le circuit le plus court possible de l’auteur au lecteur.
Exactement. Directement de l’écrivain au lecteur, de la montagne au lac. À Talloires, tu as trois mètres de la montagne au lac. C’est le plus beau circuit court qui soit. On va rapprocher encore le rapprochement et même s’il y a quelques difficultés, des silences, ce sera intéressant. On n’est pas à la télévision.
Pas de formatage, on invente au fur et à mesure.
Ayons du culot, quitte à nous gourer, ce n’est pas grave.
Gourer, Gourio…
Je n’ai pas arrêté de me gourer donc j’ai tout le temps raison.
Comme les Shadoks « … plus ça rate plus on a de chances que ça marche. »
Voilà ! On va faire la Fête des Shadoks. J’aurais bien aimé les inventer à la place de Rouxel ! Et Piéplu, qui en faisait la voix, était dans Palace.
Le réceptionniste.
L’homme aux clés d’or.
Jarry, Ubu, les Shadoks, toute cette lignée extraordinaire de l’absurde, de la dérision.
Il faut rester dans cette voie des choses absurdes, déstabilisantes, un peu légères et enfantines.
C’est pour cette raison que j’invite Jean-Louis Fournier qui avait fait Monsieur Cyclopède, des trucs pour mômes aussi, un bouquin que j’avais beaucoup aimé, Il a jamais tué personne mon papa.
Je vais faire entrer l’enfance à la Fête du Livre. Normalement elle a dix ans ; elle en aura neuf pour la prochaine édition. Et puis huit ans. J’espère qu’on va aller jusqu’à sa première année.
Avec distribution de couches.
La première dent, la deuxième dent… On va se régaler. Tous ces projets, c’est pour la Fête du Livre 2021.
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Ce que tu dis fait penser à ton livre « J’ai soif… » La Fête du Livre est à l’image de ton cerveau avec tous tes lectures, tous les auteurs que tu aimes à disposition, à part que là, ils sont vivants.
C’est un cerveau et une main. Dans le cerveau, la mémoire est proche de la vision, qui est proche de l’ouïe…tout voisine dans une petite boîte qui est le crâne. On fait de la baie de Talloires un cerveau magnifique, gigantesque et préhensible à la fois. Tout tient ensemble avec la possibilité d’inventer sans cesse des nouvelles fêtes en partant du prototype de base.
On a le crâne avec Talloires. Annecy, c’est les pieds ?
On a un corps de 35 kilomètres de tour et de 17 kilomètres de long. C’est Gulliver.
Quand j’ai eu Jean-Louis Fournier au téléphone, il m’a dit « Ah oui, c’est bien votre bins ! »
Là, il parle vraiment. C’est mieux que « Oui, je sais, c’est un grand moment d’échange… »
« C’est bien votre bins ! » T’as l’impression d’être sur un marché, ça me plaît.
Comme je suis désormais président de la Fête, les auteurs savent où ils mettent les pieds.
Tu prévois une photo officielle du président posant avec une écharpe tricolore ?
Je me cache toujours un peu sur les photos, ou bien je n’y vais pas. Chez Canal+, Chabat tenait à la main mon livre Brèves de comptoir parce que je n’allais jamais à la prise de photos. Je suis plutôt derrière à regarder que tout le monde y soit.
Tu as des noms pour la prochaine édition ?
On a parlé de Jean-Louis Fournier. Il y aura Pierre Michon, un immense poète, Isabelle Carré, Cantona, Pierre Perret, Jean Lassalle, le député qui chante en béarnais. J’imagine Jean Lassalle chanter avec Pierre Perret dans la baie de Talloires. Il y aura aussi Benoît Delépine et Gus Kervern, Olivia Ruiz, Josiane Balasko, Jean Rouault…
Le nouveau chapiteau devrait permettre des improvisations libres, festives mais il y a un parcours, un cadre assez strict qui va d’un banc de lecture situé devant l’Abbaye jusqu’au chapiteau cabaret à La Savoyarde [parcours littéraire et joyeux, parcours mental et géographique sont intimement mêlés] : de mon banc, je passe à la librairie, aux signatures dans la baie, chapiteau vert, chapiteau rouge, chapiteau cabaret, je trace le sentier des livres dans Talloires.
Il y a un immense problème qui apparaît : avec un tel programme sur deux jours, il va falloir dormir sur place.
Ce n’est pas dans l’esprit de Talloires de faire des concerts le soir. J’étais au téléphone avec Le Bolloc’h hier. Avec lui, c’est au moins trois guitares. Un vrai concert, c’est de la lumière, de la sono, une organisation. Si Le Bolloc’h vient avec sa gratte, c’est comme quelqu’un qui joue dans un bistrot.
À Talloires, tout doit être léger, à portée de main. Et donner l’impression qu’on sait tout faire. Quand on entend un écrivain, on doit avoir l’impression qu’on sait écrire des livres. Quand on entend un musicien, c’est tellement simple et sympa qu’on doit avoir l’impression de savoir jouer soi-même.
Quand tu vois un Président de la République, tu penses que tu pourrais être à sa place.
Avec ceux qu’on a, oui. Mitterrand, c’était plus difficile. De Gaulle, il fallait mesurer un mètre quatre-vingt-dix-huit.
[Pouvoir, instruction, instituteurs d’autrefois, certificat d’études, école buissonnière, temporalités imposées //rythmes naturels, écologie artificielle pour pallier ces décalages, vague verte sur le lac d’Annecy, arbres coupés pour ouvrir une piste cyclable, intelligence en arborescence… le plaisir de la conversation est tel, dans le crâne de Talloires que les sujets fusent].
Parmi tes projets, il faut parler d’une 2° phase festive à l’automne.
Au début de la Fête du Livre, c’est comme si j’avais planté un graine qui grandit, qui évolue. Au début, on était sur la place de Talloires, et puis je suis descendu et il y a eu un chapiteau, puis deux. C’est un être vivant qui se développe naturellement. Je n’essaye pas de le forcer, de le faire pousser plus vite. Je protège mon arbre, en revanche. Je vois qu’il a fait un fruit qui s’appelle lecture-musique, d’où le 3° chapiteau à venir, qui sera le prototype d’une fête. Je vais voir si ce fruit va donner un 2° arbre qui pourrait produire une fête de fin de saison à Talloires. En mai, la Fête du Livre et en septembre la Fête de la Gourmandise et de la Beauté. Les restaurateurs seraient dans le coup, la cuisine, les vins, les champignons puisque c’est l’automne, le gibier, les vendanges…une fête de la terre, de la beauté, de l’écologie, des livres de tous les arts gourmands et de la beauté dans la baie de Talloires jusqu’à Jean Sulpice qui est gourmand !
Au fond, tu crées de l’animation à Talloires pour ne pas t’y ennuyer.
Habiter, c’est faire, pas uniquement rentrer dans ta maison et t’asseoir sur une chaise.
J’avais acheté et retapé une maison à Noyers sur Serein avant Talloires. J’achète des maisons délabrées que je retape. À Noyers, j’avais créé avec mes potes de l’HP d’Auxerre la fête de la truffe de Bourgogne. Il faut dire qu’il y a une vigne à l’intérieur de l’HP et qu’ils font leur vin.
Tu ne t’installes pas n’importe où.
J’ai changé de vin blanc.
Tu as commencé à avoir une allergie au Chablis ?
Habiter, c’est faire. On parlait de graine. Tu prends une graine de carotte, pas plus grosse qu’un grain de sable, elle te donne un million de fois la mise en devenant une carotte, mieux qu’au casino. J’aimerais inviter des gens comme ce philosophe qui parlait de la graine de carotte. Le plus beau casino, c’est le potager.
Il faut observer et ne rien faire, c’est-à-dire ne rien contrarier une fois que tu as provoqué l’événement. S’il meurt, ne tente pas de le faire pousser de force ; sinon tu te contentes de tailler un peu une branche, tu lui donnes un peu de lumière s’il en manque.
Pour la Fête, je ne dois pas faire un groupe, il faut que le groupe se fasse seul.
C’est la même alchimie que quand tu écris un bouquin.
Une fois que le bouquin est vivant, c’est-à-dire que l’histoire et les personnages tiennent debout, je ne dois rien contrarier sinon ça va faire faux. Il faut sentir le truc et laisser filer le livre devant soi. Il faut écouter. J’entends le livre dans ma tête, un peu comme un schizophrène. Il faut devenir un autre, disparaître pour être en empathie avec les personnages. Je suis bien avec les vaches, avec les arbres, avec les pompiers, avec les flics sur une descente de police.
D’où cette capacité à conter.
Parce que j’ai vécu ce que je raconte. J’ai la sensation de le vivre. À la Fête du Livre, je vis chaque instant, je vis le chapiteau. En ce moment, je m’assois souvent pour parler de mon livre à des journalistes qui ne sont pas là pour voir si mon livre tient, s’il existe.
Je vois si ça passe. Je ne vois que les défauts et je dis « Faisons des défauts une qualité. » Puisqu’on ne peut pas faire disparaître les défauts, transformons-les.
On entend souvent parler de recherche d’excellence.
L’excellence, c’est les nazis.
On a déjà parlé d’Hitler, c’est une fixation.
Parce que le ciel est sombre en ce moment ! L’excellence a fait beaucoup de mal.
Débat sur l’orthographe, évocation du livre [ La faute de l’orthograph [e]]urlblank:http://tidd.ly/7d7cf5af , tiré de la pièce La convivialité ou quand des Belges donnent d’intelligentes leçons d’orthographe française aux francophones, évocation de Cavanna et de son amour de la grammaire, de son livre Mignonne allons voir si la rose …]
Il ne faut pas confondre l’excellence et le plaisir. Les cuisiniers, par exemple, devraient davantage parler de bonheur. Pour Bocuse, le poulet doit être bon et l’œuf est un œuf. Excellent, je ne sais pas. Il faut savoir le faire, en bon ouvrier, en bon artisan. Un écrivain est un artisan, comme un boulanger qui fait un très bon pain.
Il faut privilégier le jeu, considérer que la grammaire, l’orthographe, l’écriture sont un jeu.
Dans cet esprit de jeu et d’aventure, tu ouvres la Fête du Livre à certaines maisons d’édition.
À de Borée. Invenit viendra avec trois de ses auteurs et son patron. Je veux leur filer un coup de main. Ils seront avec des maisons d’édition prestigieuses, traités de la même manière, comme je le fais depuis le début avec les auteurs dont les noms ont tous la même taille sur les affiches. D’ailleurs tout le monde est accueilli, logé et traité de la même manière, contrairement à ce qui se fait dans les salons où certains mangent dans un grand restaurant et d’autres au self.
À Talloires, tout le monde est au self.
Au self Jean Sulpice, c’est pas mal !
Ce sont les établissements de Talloires, les chefs qui me permettent de traiter tout le monde à égalité et de faire en sorte que tous les auteurs soient ensemble, puissent discuter alors qu’ailleurs on sépare les grosses pointures des auteurs plus modestes.
Je mélange des auteurs à succès et riches avec de petits auteurs. Grâce à la bourgeoisie qui colore la baie de Talloires, je fais disparaître les classes sociales ; j’utilise la richesse pour la faire disparaître.
Hugo parlait de mettre un bonnet rouge au dictionnaire.
Il y a de ça : j’accoude tout le monde au même comptoir.
C’est un cerveau et une main. Dans le cerveau, la mémoire est proche de la vision, qui est proche de l’ouïe…tout voisine dans une petite boîte qui est le crâne. On fait de la baie de Talloires un cerveau magnifique, gigantesque et préhensible à la fois. Tout tient ensemble avec la possibilité d’inventer sans cesse des nouvelles fêtes en partant du prototype de base.
On a le crâne avec Talloires. Annecy, c’est les pieds ?
On a un corps de 35 kilomètres de tour et de 17 kilomètres de long. C’est Gulliver.
Quand j’ai eu Jean-Louis Fournier au téléphone, il m’a dit « Ah oui, c’est bien votre bins ! »
Là, il parle vraiment. C’est mieux que « Oui, je sais, c’est un grand moment d’échange… »
« C’est bien votre bins ! » T’as l’impression d’être sur un marché, ça me plaît.
Comme je suis désormais président de la Fête, les auteurs savent où ils mettent les pieds.
Tu prévois une photo officielle du président posant avec une écharpe tricolore ?
Je me cache toujours un peu sur les photos, ou bien je n’y vais pas. Chez Canal+, Chabat tenait à la main mon livre Brèves de comptoir parce que je n’allais jamais à la prise de photos. Je suis plutôt derrière à regarder que tout le monde y soit.
Tu as des noms pour la prochaine édition ?
On a parlé de Jean-Louis Fournier. Il y aura Pierre Michon, un immense poète, Isabelle Carré, Cantona, Pierre Perret, Jean Lassalle, le député qui chante en béarnais. J’imagine Jean Lassalle chanter avec Pierre Perret dans la baie de Talloires. Il y aura aussi Benoît Delépine et Gus Kervern, Olivia Ruiz, Josiane Balasko, Jean Rouault…
Le nouveau chapiteau devrait permettre des improvisations libres, festives mais il y a un parcours, un cadre assez strict qui va d’un banc de lecture situé devant l’Abbaye jusqu’au chapiteau cabaret à La Savoyarde [parcours littéraire et joyeux, parcours mental et géographique sont intimement mêlés] : de mon banc, je passe à la librairie, aux signatures dans la baie, chapiteau vert, chapiteau rouge, chapiteau cabaret, je trace le sentier des livres dans Talloires.
Il y a un immense problème qui apparaît : avec un tel programme sur deux jours, il va falloir dormir sur place.
Ce n’est pas dans l’esprit de Talloires de faire des concerts le soir. J’étais au téléphone avec Le Bolloc’h hier. Avec lui, c’est au moins trois guitares. Un vrai concert, c’est de la lumière, de la sono, une organisation. Si Le Bolloc’h vient avec sa gratte, c’est comme quelqu’un qui joue dans un bistrot.
À Talloires, tout doit être léger, à portée de main. Et donner l’impression qu’on sait tout faire. Quand on entend un écrivain, on doit avoir l’impression qu’on sait écrire des livres. Quand on entend un musicien, c’est tellement simple et sympa qu’on doit avoir l’impression de savoir jouer soi-même.
Quand tu vois un Président de la République, tu penses que tu pourrais être à sa place.
Avec ceux qu’on a, oui. Mitterrand, c’était plus difficile. De Gaulle, il fallait mesurer un mètre quatre-vingt-dix-huit.
[Pouvoir, instruction, instituteurs d’autrefois, certificat d’études, école buissonnière, temporalités imposées //rythmes naturels, écologie artificielle pour pallier ces décalages, vague verte sur le lac d’Annecy, arbres coupés pour ouvrir une piste cyclable, intelligence en arborescence… le plaisir de la conversation est tel, dans le crâne de Talloires que les sujets fusent].
Parmi tes projets, il faut parler d’une 2° phase festive à l’automne.
Au début de la Fête du Livre, c’est comme si j’avais planté un graine qui grandit, qui évolue. Au début, on était sur la place de Talloires, et puis je suis descendu et il y a eu un chapiteau, puis deux. C’est un être vivant qui se développe naturellement. Je n’essaye pas de le forcer, de le faire pousser plus vite. Je protège mon arbre, en revanche. Je vois qu’il a fait un fruit qui s’appelle lecture-musique, d’où le 3° chapiteau à venir, qui sera le prototype d’une fête. Je vais voir si ce fruit va donner un 2° arbre qui pourrait produire une fête de fin de saison à Talloires. En mai, la Fête du Livre et en septembre la Fête de la Gourmandise et de la Beauté. Les restaurateurs seraient dans le coup, la cuisine, les vins, les champignons puisque c’est l’automne, le gibier, les vendanges…une fête de la terre, de la beauté, de l’écologie, des livres de tous les arts gourmands et de la beauté dans la baie de Talloires jusqu’à Jean Sulpice qui est gourmand !
Au fond, tu crées de l’animation à Talloires pour ne pas t’y ennuyer.
Habiter, c’est faire, pas uniquement rentrer dans ta maison et t’asseoir sur une chaise.
J’avais acheté et retapé une maison à Noyers sur Serein avant Talloires. J’achète des maisons délabrées que je retape. À Noyers, j’avais créé avec mes potes de l’HP d’Auxerre la fête de la truffe de Bourgogne. Il faut dire qu’il y a une vigne à l’intérieur de l’HP et qu’ils font leur vin.
Tu ne t’installes pas n’importe où.
J’ai changé de vin blanc.
Tu as commencé à avoir une allergie au Chablis ?
Habiter, c’est faire. On parlait de graine. Tu prends une graine de carotte, pas plus grosse qu’un grain de sable, elle te donne un million de fois la mise en devenant une carotte, mieux qu’au casino. J’aimerais inviter des gens comme ce philosophe qui parlait de la graine de carotte. Le plus beau casino, c’est le potager.
Il faut observer et ne rien faire, c’est-à-dire ne rien contrarier une fois que tu as provoqué l’événement. S’il meurt, ne tente pas de le faire pousser de force ; sinon tu te contentes de tailler un peu une branche, tu lui donnes un peu de lumière s’il en manque.
Pour la Fête, je ne dois pas faire un groupe, il faut que le groupe se fasse seul.
C’est la même alchimie que quand tu écris un bouquin.
Une fois que le bouquin est vivant, c’est-à-dire que l’histoire et les personnages tiennent debout, je ne dois rien contrarier sinon ça va faire faux. Il faut sentir le truc et laisser filer le livre devant soi. Il faut écouter. J’entends le livre dans ma tête, un peu comme un schizophrène. Il faut devenir un autre, disparaître pour être en empathie avec les personnages. Je suis bien avec les vaches, avec les arbres, avec les pompiers, avec les flics sur une descente de police.
D’où cette capacité à conter.
Parce que j’ai vécu ce que je raconte. J’ai la sensation de le vivre. À la Fête du Livre, je vis chaque instant, je vis le chapiteau. En ce moment, je m’assois souvent pour parler de mon livre à des journalistes qui ne sont pas là pour voir si mon livre tient, s’il existe.
Je vois si ça passe. Je ne vois que les défauts et je dis « Faisons des défauts une qualité. » Puisqu’on ne peut pas faire disparaître les défauts, transformons-les.
On entend souvent parler de recherche d’excellence.
L’excellence, c’est les nazis.
On a déjà parlé d’Hitler, c’est une fixation.
Parce que le ciel est sombre en ce moment ! L’excellence a fait beaucoup de mal.
Débat sur l’orthographe, évocation du livre [ La faute de l’orthograph [e]]urlblank:http://tidd.ly/7d7cf5af , tiré de la pièce La convivialité ou quand des Belges donnent d’intelligentes leçons d’orthographe française aux francophones, évocation de Cavanna et de son amour de la grammaire, de son livre Mignonne allons voir si la rose …]
Il ne faut pas confondre l’excellence et le plaisir. Les cuisiniers, par exemple, devraient davantage parler de bonheur. Pour Bocuse, le poulet doit être bon et l’œuf est un œuf. Excellent, je ne sais pas. Il faut savoir le faire, en bon ouvrier, en bon artisan. Un écrivain est un artisan, comme un boulanger qui fait un très bon pain.
Il faut privilégier le jeu, considérer que la grammaire, l’orthographe, l’écriture sont un jeu.
Dans cet esprit de jeu et d’aventure, tu ouvres la Fête du Livre à certaines maisons d’édition.
À de Borée. Invenit viendra avec trois de ses auteurs et son patron. Je veux leur filer un coup de main. Ils seront avec des maisons d’édition prestigieuses, traités de la même manière, comme je le fais depuis le début avec les auteurs dont les noms ont tous la même taille sur les affiches. D’ailleurs tout le monde est accueilli, logé et traité de la même manière, contrairement à ce qui se fait dans les salons où certains mangent dans un grand restaurant et d’autres au self.
À Talloires, tout le monde est au self.
Au self Jean Sulpice, c’est pas mal !
Ce sont les établissements de Talloires, les chefs qui me permettent de traiter tout le monde à égalité et de faire en sorte que tous les auteurs soient ensemble, puissent discuter alors qu’ailleurs on sépare les grosses pointures des auteurs plus modestes.
Je mélange des auteurs à succès et riches avec de petits auteurs. Grâce à la bourgeoisie qui colore la baie de Talloires, je fais disparaître les classes sociales ; j’utilise la richesse pour la faire disparaître.
Hugo parlait de mettre un bonnet rouge au dictionnaire.
Il y a de ça : j’accoude tout le monde au même comptoir.