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Move-On Magazine

Sous Les Jupes Des Filles il y en a dans les pantalon


Interview des deux drôles de miss du spectacle Modeles : Sonia Floire et Sabrina Baldassara. Annecy, Bonlieu Scène Nationale. 9 et 10 janvier 2015


| Publié le Mardi 2 Décembre 2014 | |

Si vous deviez faire une bande-annonce de votre spectacle, que diriez-vous ?
Sonia : C’est un spectacle qui parle des femmes trentenaires, avec beaucoup d’intelligence et de choses personnelles. C’est comme un cabaret : il y a de la musique, de la danse, du chant, de la vidéo… C’est extrêmement vivant.
Sabrina : C’est un cabaret expressionniste sur la construction de l’identité féminine.
Sonia : Sabrina, elle a fait des études (rires)

Quand et comment est né ce projet ? 
Sabrina : Ce projet est né en 2010, suite à une commande du nouveau théâtre de Montreuil dirigé à l’époque par Gilbert Tsaï, qui a créé l’événement « où en sont les femmes ? ». Il s’avère que Pauline Bureau, la metteuse en scène, avait déjà quelque chose en tête de cet ordre-là, la commande a donc fait écho à un de ses projets.
Sonia : Il faut savoir qu’on a écrit ce spectacle à 10 : les 5 comédiennes  du spectacle ont écrit, une 6e qu’on ne voit que sur les vidéos, la metteuse en scène, la dramaturge, la costumière et la scénographe.

Justement, comment avez-vous géré l’écriture à 10 ?
Sabrina : C’est beaucoup de plumes, mais c’est riche ! Ce qui nous a intéressé c’est la pluralité de nos expériences, de manière à empiler des espèces de lignes de vie, qui représentent un kaléidoscope de « où en sont les femmes trentenaires aujourd’hui ».
Sonia : « Les femmes » étant un sujet très vaste, nous n’avons pas tout abordé, on est allé vers ce qui nous parle, ce qui fait partie de nos histoires. C’est un projet personnel pour chacune, très vivant et spontané.
Sabrina : Au début des répétitions,
Pauline et Benoîte Bureau, la dramaturge, ont amené une masse de textes de référents intellectuels : Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Virginie Despentes, Catherine Millet, Virginia Woolf, Pierre Bourdieu… Pauline était partie sur l’idée d’un montage de textes. Il s’est avéré qu’à la lecture de ces textes, on s’est mises à parler et ça l’a intéressée. Du coup il y a 2 matières dans ce spectacle : les écrits et nos paroles, nos inventions sur le plateau.

Le spectacle mêle de nombreuses formes d’art. Comment tout cela s’est mis en place? 
Sonia : Pauline aime travailler au plateau, donc on a fait beaucoup d’improvisation, on a aussi chanté : Cat Power, Barbara, Lilly Allen… Il y a aussi un musicien sur le plateau, Vincent Hulot, qui est batteur / guitariste / bassiste, et les comédiennes jouent également. Il y a un univers musical très fort avec des créations originales et des morceaux revisités pour une vraie homogénéité.

Le texte parle des choses intimes de la vie des femmes. Avez-vous eu peur d’un public masculin, par exemple du regard paternel ?
Ensemble : Oui ! Et puis après, non !
Sabrina : A la première, effectivement on ne savait pas à quoi s’attendre. Même si les histoires sont « fictionnées » et reconstruites de manière à ce qu’émergent des personnages, on se sentait un peu mises à nu. Mais avec l’intérêt du public, on a dépassé cette impression d’impudeur. Il y a une construction dramaturgique telle que les figures créées nous dépassent : il y a une vraie création de personnages.

Le titre fait référence à des modèles. Est-ce par dérision ? Est-ce que ce sont en fait plutôt des anti-modèles de la féminité, comme les petites filles modèles ?
Sabrina : c’est tout ça à la fois. On se construit tous sur des modèles : enfant on se construit par rapport aux adultes qui nous entourent, par imitation, et quelquefois ces constructions sont impensées, inconscientes. C’est ça qu’on a voulu faire ré-émerger dans le spectacle : des choses qui étaient ancrées en nous sans savoir à quel point. Que fait-on de ces modèles ? Est-ce qu’on doit les casser, s’y conformer ? L’idée est de les rendre saillants pour, en conscience, les affronter et choisir avec lucidité de nouveaux modèles, ou de ne pas en avoir, pour une construction autonome et indépendante.

Donnez-vous une valeur militante, engagée, à votre spectacle ? 
Sabrina : La construction du spectacle est telle qu’on s’est rendu compte que nous avions une parole politique en cours de travail. On aboutit effectivement, à la fin du spectacle, à une forme de revendication politique.
Sonia : C’est le public qui nous a apporté cet éclairage. Au fur et à mesure des représentations, ont a ressenti la visée politique à travers les retours. On s’est vraiment dit qu’il y avait un rapport réel au féminisme. Et en même temps, c’est arrivé de façon totalement naturelle, totalement simple.

Quelles sont les réactions du public ?
Sonia : Beaucoup de rires. C’est intéressant de voir que les hommes se sentent impliqués par ce qu’on exprime : finalement on parle de leur sœur, leur mère, leur femme... On aurait pu tomber dans un spectacle personnel, individuel, sans relation à l’humain et l’humanité, et c’est le contraire qui se passe: les gens expriment vraiment le fait qu’ils se retrouvent dans le spectacle. C’est vrai qu’on parle de choses très fortes, de façon très profonde et parfois très drôle, et ça fait réagir le public. On a réussi à toucher les gens dans leur propre intimité, en parlant de la nôtre.
Sabrina : Dans la mise en scène, on va dire certains textes face public, en étant très proches des spectateurs, ce qui crée une vraie proximité et donne une vraie intimité au récit. 

Dans la peau de quel artiste aimeriez-vous passer une journée, et pourquoi ? 
Sonia : Yolande Moreau incarne ce que j’ai très envie d’incarner au cinéma : totalement elle-même, libre par rapport à ses choix,  sensible, douée et intélligente. C’est une actrice remarquable, qui va vraiment chercher des choses d’elle, pour jouer juste. Elle me touche.
Sabrina : Pina Bausch ! Je trouve qu’il y a dans ses spectacles une humanité incroyable. Elle arrive à faire émerger sur le plateau des moments d’humour, de burlesque, d’émotion… Il y a une création d’un monde qui n’est pas réel à partir des éléments du monde tel qu’on le connaît. J’adorerais passer une journée en pensant comme elle.

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