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Move-On Magazine

Isabelle Vougny expose à l’Impérial Palace-Annecy du 14 au 29 août 2018


Célébration du mouvement et de la vie


| Publié le Mercredi 1 Août 2018 |

Genèse (120cmx120) ©Photo JM Gaillard
Genèse (120cmx120) ©Photo JM Gaillard
Quelques jours avant l’accrochage de l’exposition, Isabelle Vougny, artiste en mouvement permanent, les pieds sur terre, la tête dans les étoiles, reçoit Move-On chez elle, dans son atelier.
_ Voila une pièce  mouvante puisque les tables bougent, elles sont soit au milieu, soit sur les côtés. C’est la fin de parcours qui mène à l’exposition. Je termine par les petits formats. Il me faut tenir compte de l’espace d’accrochage à l’Impérial, pour faire vivre cette première partie culturelle que constitue l’exposition avant les concerts et le théâtre de ce mois d’août. Je marche chaque année sur les mains parce que c’est complexe.

Mais les contraintes poussent à innover, à créer.
C’est un exercice dans le rythme, le rythme est important dans la peinture et dans la scénographie de l’exposition. Tout a un rythme.

Il fait partie de ce qui fait vivre une œuvre et entre en accord avec le public, qui doit avoir sa place.
Cette année, je leur ai même destiné un banc. J’ai trouvé une belle planche qui ressemble à un arbre, puisque l’exposition de cette année présente beaucoup d’arbres. Les pieds laqués sont en contraste avec le bois brut et en accord de couleur avec la toile de fond. Notre travail consiste essentiellement à travailler la matière.

Vous travaillez effectivement la matière, avec aussi la relation à la terre, aux éléments.
Il est impossible de penser sans avoir les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.

Comment font les acrobates ?
Ils ont besoin d’un appui pour se propulser! Ils ont un ancrage excellent. Comme dans tous les domaines, l’ancrage est indispensable. La connaissance de la culture classique permet d’en sortir. Il faut savoir d’où l’on vient, avoir une ossature solide, qui est aussi notre corps, pour pouvoir marcher sur les mains s’il y a lieu.

Cette ossature solide permet d’être en vraie relation avec les gens.
Absolument. La communication vraie ne s’établit pas quand des êtres se béquillent l’un sur l’autre mais quand chacun dans sa verticalité se met sciemment en communication avec l’autre sans empiéter ni se faire porter. Sinon le béquillage induit des relations perverses d’hégémonie ou de dépendance, des attitudes qui ne sont pas tout à fait justes sur le plan émotionnel, sur l’autonomie de pensée, les choix vrais.

Le classicisme, la fantaisie, l’originalité peuvent se rejoindre dans une démarche personnelle.
C’est important. On ne balaie pas tout d’un revers de main. Savoir d’où l’on vient, le travailler permet de ne pas être dans un phénomène de mode éphémère, de trouver le langage juste. Le fond reste toujours le même « D’où je viens ? Où je vais ? Comment je vais mener ma vie tant que je suis vivant ? » Il est important, pour l’exprimer, d’avoir un langage qui résonne dans nos archétypes fondamentaux.
 

Joie de vivre (200cmx200). Photo JM Gaillard
Joie de vivre (200cmx200). Photo JM Gaillard
 D’où tenez-vous cette façon d’envisager l’art et la culture ?
Je pense être tombée dedans quand j’étais petite, sans le vouloir, puisque depuis trois générations maintenant, il y a des peintres dans la famille. J’ai bien essayé de ne pas nager dans le courant, mais celui-ci m’a rattrapée. J’étais très intéressée par les sciences. A l’occasion d’un déménagement j’ai dû abandonner le travail que j’exerçais à l’époque en matière d’architecture. André Poirson qui était un sculpteur sur bois et un peintre quasi autodidacte (Sa palette préside dans mon atelier) m’a dit  « Tu dois avoir une vie autonome, tu vas te remettre à peindre ! »

La peinture est un moyen de se réaliser, de trouver son identité ?
Absolument. Mon père est présent aussi dans mon atelier sous la forme d’un dessin. Ce sont mes équipiers.

Nous avons au tout début de notre discussion évoqué l’intelligence. Si nous oubliions un peu Descartes pour considérer que l’intelligence n’est pas séparée des émotions ?
Nous sommes un tout. Ça passe par un ressenti avant d’être verbalisable. Je fais et j’analyse après.

Pierre Soulages dit « C’est de que je fais qui m’apprend ce que je cherche. »
C’est exactement ça. Je travaille, je travaille et après je découvre que c’est exactement ça que je voulais.

Peut-être parce que le rythme y est vivant et rejoint un rythme qu’on a en soi.
Une pulsation. On est dans le tempo, tout va bien, les gestes s’enchaînent. Mes tubes sont triés par couleurs parce que Poirson m’avait dit « Tu comprends, quand on bosse, il faut que ça vienne tout de suite ; il ne faut pas chercher. »

C’est un instinct organisé, ce qui rejoint ce que nous disions, les séparations sont souvent artificielles, entre classicisme et fantaisie, science et culture, instinct et méthode.
Tout est relié, ce qui nous mène à la physique quantique.

Votre toile qui présente un arbre, « Genèse », est tellement dans cet esprit qui relie qu’il pourrait constituer à lui seul une psychanalyse.
Représenter un arbre, c’est aussi se représenter.

Particules de force (120cmx120) Photo JM Gaillard
Particules de force (120cmx120) Photo JM Gaillard
Celui-ci ressemble à un arbre à souhaits ou à prières ; il a une sacrée tête chevelue, une bouche rouge qui peut aussi être le cratère d’un volcan relié à la terre.
Il a une bouche, ah oui, c’est vrai ! C’est un arbre qui parle. Il fait le lien entre la terre et le ciel, c’est un mât entre le cosmos et la terre. Il fait le lien, à tous les niveaux.

Quand une œuvre nous touche, on y voit toute une richesse d’interprétations.
C’est la fameuse citation de Paul Klee « C’est celui qui regarde l’œuvre qui la finit. » Je pense qu’il vaut mieux laisser l’hyper-figuration aux photographes. En étant entre la figuration et l’abstraction, on laisse toutes les portes ouvertes. Revenir à une forme de figuration m’a permis de revenir aussi à un public qui n’a pas de grande culture artistique, de ne pas me cantonner à une démarche élitiste.

   Il ne faut pas oublier qu’au départ l’artiste est un artisan qui pouvait devenir un bon artisan et un entrepreneur ayant accès aux murs des personnes les plus riches et qui faisait travailler un grand nombre de personnes. Le temps et la reconnaissance ont fait qu’on les a appelés « artistes », avec toute l’emphase qui a accompagné ce mot au 19°siècle.

Pendant que la société s’industrialisait, se réglementait…l’art en demeurait la part libre.
Quand j’ai commencé, je disais que j’étais artisan, je n’aimais pas dire que j’étais artiste. Il faut d’abord être un bon artisan, se familiariser avec la matière, qui ne fait pas toujours ce que vous voulez ; c’est un travail humble.

Vous me présentez des grands formats, sur toile, il y en a des plus modestes…comment décidez-vous du format ?
J’aime bien peindre en grand. Je suis très heureuse quand je suis invitée dans un endroit où je peux mettre de grandes choses. On peut parfois disposer de grands formats dans des lieux petits. En peignant en grand, on a le geste libre. On revient au vrai rythme de la respiration, du corps.

Dans l’œuvre que vous me présentez, le rythme évoque la danse.
Les poissons dansent dans un flux d’eau avec des bulles d’air. Et s’ils voient nos ombres arriver, ils vont croire qu’on vient leur donner à manger.

[ Les poissons peints rejoignent ceux du bassin disposés dans le jardin d’Isabelle. Nous sommes en plein Prévert lorsqu’il nous donne le secret de l’œuvre d’art dans « Pour faire le portrait d’un oiseau », à lire ou à relire. Les toiles intitulées « Splash » et « Joie de vivre » foisonnent de poissons, de bactéries.]

   Il m’arrive d’être dans le foisonnement, ou d’être minimaliste. Suivant les années, il y a des crus, des séries. Ici, (Isabelle montre un tableau), l’œuvre s’appelle « Redonner ». Mes personnages totems redonnent la liberté à l’eau et aux poissons. Et puis il y a partout des collages. Toujours le travail de la matière, du papier que je repeins, parfois des bouts de journaux, ces papiers qui au fil du temps portent la pensée de l’homme. C’est aussi l’idée de rythme, de trouver l’équilibre dans le déséquilibre. La vie est toujours dans le mouvement, l’eau qui la symbolise est un matériau déroutant, liquide, solide, gazeux, que je représente ici sous la forme d’éclaboussures, de déséquilibre lié au vivant. Lorsque vous marchez, l’équilibre et le déséquilibre s’enchaînent. La stabilité, c’est la mort.

   Peindre sur des toiles de grand format mais qui peuvent se rouler rejoint cette notion de mouvement. Une dame m’a acheté  l’une de ces toiles qu’elle a roulée dans un sac de voyage pour repartir chez elle.

La vie du bassin (120cmx80). Photo JM Gaillard
La vie du bassin (120cmx80). Photo JM Gaillard
Quand vous réalisez une œuvre, c’est aussi un voyage. L’intérieur et l’extérieur se rejoignent par l’intermédiaire de l’inspiration. Et vos toiles voyagent ensuite vers Salt Lake City, en Hollande…le voyage continue. Le spectateur continue à créer l’œuvre.
Ça me fait énormément plaisir. Un lac d’Annecy est parti dans le sud du Portugal. Quand les clients sont vraiment contents, ils m’envoient un mot avec une photo de l’œuvre chez eux, sur un mur. Un lien s’est créé. Certains me confient« Je l’ai mise au pied de mon lit pour la voir le soir quand je me couche et le matin au réveil. »
    Je me dis que le temps que je passe sur mes toiles est une forme de méditation, un lien que j’arrive à transmettre. Je pense que c’est le sens de mon travail.
 
« ….
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Utile ancrage du corps et de l’esprit,                                                                                                  Utile partage qui nous illumine. »
 

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