Move-On Magazine rencontre, chez BD Fugue Annecy, Antoine Dompnier, nouveau président de Sevrier BD et Bannister, auteur annécien pour évoquer le salon de Sevrier et la BD en général.
Une discussion animée, passionnante et instructive.
Antoine Dompnier, vous êtes le nouveau président de Sevrier BD. Pourquoi vous lancez-vous dans cette aventure ?
J’y ai participé l’année dernière comme bénévole, pour la première fois. Philippe Pointet, l’un des pères fondateurs et président de Sevrier BD, un collègue de travail que j’appréciais beaucoup, m’a lancé dans cette voie, il m’en parlait depuis longtemps.
Maintenant que vous êtes président et que se profile le premier Festival, ça va ?
Il y a la légère angoisse qui accompagne la concrétisation de tous ces mois de réunions et, peut-être pas de travail puisqu’il s’agit d’un hobby, de préparation qui va aboutir.
Vous êtes pour l’instant dans la continuité de ce qui se pratiquait ?
Je ne sais pas, mais l’association compte beaucoup de membres qui sont là depuis un certain temps. Je ne dirige rien du tout parce que c’est un travail d’équipe.
Vous avez une passion personnelle pour la BD ?
Je suis tombé dedans quand j’étais tout petit. J’ai toujours lu de la BD.
Vous êtes cardiologue, ce qui montre qu’on peut exercer une profession à peu près sérieuse et lire de la BD en même temps.
Je suis d’abord lecteur de BD. Je suis devenu cardiologue par défaut.
(Jean-Jacques Roby, fondateur de BD Fugue, vient préciser qu’il connaît Antoine Dompnier depuis très longtemps et confirme cette passion).
Il y avait à la maison des Pilote que mon père lisait. J’ai découpé quelques numéros en cachette, j’ai relu certaines BD des milliers de fois.
Certains friment en disant qu’ils relisent Proust, vous c’est de la BD.
Ça devient difficile à cause du volume de la production actuelle, il y a sans cesse des nouveautés. Avant, l’accès à l’image n’était pas le même, internet l’a amplifié.
Justement, quel est le rôle d’un salon dans ce contexte ?
Il permet d’abord la rencontre avec les auteurs. C’est la principale valeur ajoutée d’un salon par rapport à la lecture personnelle ; le fait qu’il y ait plusieurs auteurs gomme l’intimidation qu’on peut connaître dans le face à face d’une dédicace en librairie. Un salon permet de faciliter l’approche du public qui peut d’abord observer de loin, se faire une idée, s’approcher.
D’où ce côté familial qu’on remarque à Sevrier. Chacun peut trouver son compte grâce à la diversité des auteurs.
A ceci s’ajoutent les expositions, les animations pour les enfants.
Les expositions permettent, elles aussi, un contact différent avec la BD.
Cette année, Lewis Trondheim expose des dessins originaux. Les néophytes aussi bien que les connaisseurs apprécient toujours de voir le grain du papier, les crayonnés et le dessin finalisé, ce qui permet de constater ce qui a été gardé ou non du dessin de départ, les corrections.
Bannister _ Les vibrations que l’impression ne permettent pas de garder, qu’elle aplatit. Lorsque c’est réalisé à l’encre de Chine, on peut voir la lumière se refléter sur l’encre. Il n’y a pas mieux que ce rapport physique pour s’immerger dans le travail, dans l’œuvre. On voit la manière de travailler, on comprend mieux certaines choses. Une planche de Franquin, par exemple, explose aux yeux. Même en noir et blanc.
On n’est pas dans le même type de contrastes entre un original et une impression qui enlève de la puissance. Avec un original, on prend plus de temps, on accommode de regard, on prend de la distance et on se rapproche : c’est très organique.
A.Dompnier_ C’est comme regarder un original et une reproduction de Soulages…
Qui était exposé à la Fondation Gianadda il n’y a pas longtemps.
Bannister _ Le format de l’original est souvent plus grand que celui de la reproduction, l’effet n’est pas le même.
A.Dompnier _ Mais le fait qu’on dessine de plus en plus sur tablette change cette approche.
Une discussion animée, passionnante et instructive.
Antoine Dompnier, vous êtes le nouveau président de Sevrier BD. Pourquoi vous lancez-vous dans cette aventure ?
J’y ai participé l’année dernière comme bénévole, pour la première fois. Philippe Pointet, l’un des pères fondateurs et président de Sevrier BD, un collègue de travail que j’appréciais beaucoup, m’a lancé dans cette voie, il m’en parlait depuis longtemps.
Maintenant que vous êtes président et que se profile le premier Festival, ça va ?
Il y a la légère angoisse qui accompagne la concrétisation de tous ces mois de réunions et, peut-être pas de travail puisqu’il s’agit d’un hobby, de préparation qui va aboutir.
Vous êtes pour l’instant dans la continuité de ce qui se pratiquait ?
Je ne sais pas, mais l’association compte beaucoup de membres qui sont là depuis un certain temps. Je ne dirige rien du tout parce que c’est un travail d’équipe.
Vous avez une passion personnelle pour la BD ?
Je suis tombé dedans quand j’étais tout petit. J’ai toujours lu de la BD.
Vous êtes cardiologue, ce qui montre qu’on peut exercer une profession à peu près sérieuse et lire de la BD en même temps.
Je suis d’abord lecteur de BD. Je suis devenu cardiologue par défaut.
(Jean-Jacques Roby, fondateur de BD Fugue, vient préciser qu’il connaît Antoine Dompnier depuis très longtemps et confirme cette passion).
Il y avait à la maison des Pilote que mon père lisait. J’ai découpé quelques numéros en cachette, j’ai relu certaines BD des milliers de fois.
Certains friment en disant qu’ils relisent Proust, vous c’est de la BD.
Ça devient difficile à cause du volume de la production actuelle, il y a sans cesse des nouveautés. Avant, l’accès à l’image n’était pas le même, internet l’a amplifié.
Justement, quel est le rôle d’un salon dans ce contexte ?
Il permet d’abord la rencontre avec les auteurs. C’est la principale valeur ajoutée d’un salon par rapport à la lecture personnelle ; le fait qu’il y ait plusieurs auteurs gomme l’intimidation qu’on peut connaître dans le face à face d’une dédicace en librairie. Un salon permet de faciliter l’approche du public qui peut d’abord observer de loin, se faire une idée, s’approcher.
D’où ce côté familial qu’on remarque à Sevrier. Chacun peut trouver son compte grâce à la diversité des auteurs.
A ceci s’ajoutent les expositions, les animations pour les enfants.
Les expositions permettent, elles aussi, un contact différent avec la BD.
Cette année, Lewis Trondheim expose des dessins originaux. Les néophytes aussi bien que les connaisseurs apprécient toujours de voir le grain du papier, les crayonnés et le dessin finalisé, ce qui permet de constater ce qui a été gardé ou non du dessin de départ, les corrections.
Bannister _ Les vibrations que l’impression ne permettent pas de garder, qu’elle aplatit. Lorsque c’est réalisé à l’encre de Chine, on peut voir la lumière se refléter sur l’encre. Il n’y a pas mieux que ce rapport physique pour s’immerger dans le travail, dans l’œuvre. On voit la manière de travailler, on comprend mieux certaines choses. Une planche de Franquin, par exemple, explose aux yeux. Même en noir et blanc.
On n’est pas dans le même type de contrastes entre un original et une impression qui enlève de la puissance. Avec un original, on prend plus de temps, on accommode de regard, on prend de la distance et on se rapproche : c’est très organique.
A.Dompnier_ C’est comme regarder un original et une reproduction de Soulages…
Qui était exposé à la Fondation Gianadda il n’y a pas longtemps.
Bannister _ Le format de l’original est souvent plus grand que celui de la reproduction, l’effet n’est pas le même.
A.Dompnier _ Mais le fait qu’on dessine de plus en plus sur tablette change cette approche.
Bannister, puisque nous parlons de relations, vous pouvez nous dire ce que représente une dédicace pour un auteur ?
C’est un retour sur son travail en dehors de la solitude de l’atelier. On sort, on rencontre les gens qui lisent notre histoire. Comme je travaille surtout à destination de la jeunesse, j’ai en face de moi des enfants, des préados, des familles. Il y a chez eux une vraie fascination à voir dessiner, quand le travail est rythmé il produit aussi un effet relaxant. Même moi, je suis intéressé quand je vois que le trait, finalement, naît de rien du tout.
Et puis certains arrivent à dessiner en tenant une conversation avec le public.
Je le fais en m’arrêtant de temps en temps quand la discussion l’exige, qu’elle est vraiment intéressante ; c’est là que ça devient super intéressant parce qu’il y a un vrai lien avec les gens. Mais puisqu’on parlait de rythme, j’en reste le maître et j’arrête ma dédicace au moment où je pose mon crayon après avoir signé.
A.Dompnier_ On est toujours bluffé par le dessin en train de naître. De voir d’où il part. On se dit « Tiens, moi j’aurais fait ça dans l’autre sens… » Je crois qu’il y a parfois une forme de défi comme lorsque j’ai vu André Juillard dessiner un personnage en partant du bout de la lance qu’il tenait. On voyait le bout de cette lance, puis apparaître une main et peu à peu tout le dessin.
Bannister_ Pour les dédicaces, il s’agit de dessins qu’on connaît par cœur, alors on les attaque de manières différentes. On reconnaît d’emblée les réalisations des grands dessinateurs, leur style.
Il faut noter que la relation à l’image a considérablement évolué. L’oeil humain s’affine aussi bien pour le graphisme que pour la compréhension narrative. Des codes ont été intégrés, qui évitent le recours à la redondance ; mais contrairement au cinéma où le rythme des images est toujours plus ou moins le même, en BD, c’est l’auteur qui choisit le rythme de lecture.
Sevrier BD participe cette année à l’effort de rétribution des auteurs, qui prennent sur leur temps de travail pour être présents dans les salons. Vous suivez les recommandations du Syndicat qui regroupe les auteurs (et qui compte parmi ses membres fondateurs Cyril Pedrosa, interviewé par Move On, Fabien Vehlmann rencontré récemment chez BD Fugue et Lewis Trondheim, invité d’honneur de Sevrier BD 2019).
A.Drompnier_ La recommandation est de 210 euros pour une journée, ce qui n’est pas énorme. Nous essayerons de l’atteindre cette année à Sevrier grâce à la création d’une cagnotte participative sur le site de Hello Asso.
Le public pense que, pour soutenir les auteurs de BD, il faut acheter leurs albums. Ce qui est vrai, mais ils ne savent pas que ces mêmes auteurs ne touchent que 50 centimes à un euro par vente, partagés entre le scénariste et le dessinateur. Il y a éventuellement un coloriste en plus…
Une exposition montrera sur le salon le nombre de ventes nécessaires à un auteur pour acquérir un objet, pour repasser une chemise à fleurs…c’est sur le mode de l’humour.
Est-ce que la BD est entrée dans notre système d’enseignement ?
Elle est très présente dans bibliothèques des collèges. En relation avec Sevrier BD, Brigitte Findakly et Zeina Abirached ont mené une action avec des élèves du collège de Saint-Jorioz sur des parcours de migrants et le travail qui en résulte est pris en compte dans l’évaluation du brevet des collèges.
Bannister souligne alors l’approche didactique que proposent ses albums et nous sommes d’accord sur le fait que l’image peut réconcilier le public scolaire et l’apprentissage.
Bannister_ On ne peut plus enseigner comme en 75 ! Par la culture visuelle, les gamins d’aujourd’hui sont bien plus rapides que nous. Réaliser des albums pour ce public nous permet aussi de garder notre curiosité d’enfant pour voir quels sujets peuvent les intéresser.
Nous abordons alors la nécessité de créer de la mythologie moderne, du récit commun et l’aspect sociologique de la BD. Est-ce que dans un siècle la mythologie chinoise aura envahi le monde ?
La conversation roule encore un long moment sur l’esprit français et bien d’autres thèmes.
La BD est vraiment source d’émotions, de discussion et de partage d’impressions.
A vous d’aller vivre tout ceci à Sevrier BD les 27 et 28 avril 2019.
Vous trouverez tout le programme sur WWW.SEVRIERBD.COM
Expositions : Julien Neel Le petit monde de Lou
Lewis Trondheim : Fausses couvertures
BD et Immigration : un siècle d’Histoire(s)
La charte : dans la peau d’un auteur
Et toutes les animations, ainsi que les projections au cinéma du Laudon et aux Pathé d’Annecy…
C’est un retour sur son travail en dehors de la solitude de l’atelier. On sort, on rencontre les gens qui lisent notre histoire. Comme je travaille surtout à destination de la jeunesse, j’ai en face de moi des enfants, des préados, des familles. Il y a chez eux une vraie fascination à voir dessiner, quand le travail est rythmé il produit aussi un effet relaxant. Même moi, je suis intéressé quand je vois que le trait, finalement, naît de rien du tout.
Et puis certains arrivent à dessiner en tenant une conversation avec le public.
Je le fais en m’arrêtant de temps en temps quand la discussion l’exige, qu’elle est vraiment intéressante ; c’est là que ça devient super intéressant parce qu’il y a un vrai lien avec les gens. Mais puisqu’on parlait de rythme, j’en reste le maître et j’arrête ma dédicace au moment où je pose mon crayon après avoir signé.
A.Dompnier_ On est toujours bluffé par le dessin en train de naître. De voir d’où il part. On se dit « Tiens, moi j’aurais fait ça dans l’autre sens… » Je crois qu’il y a parfois une forme de défi comme lorsque j’ai vu André Juillard dessiner un personnage en partant du bout de la lance qu’il tenait. On voyait le bout de cette lance, puis apparaître une main et peu à peu tout le dessin.
Bannister_ Pour les dédicaces, il s’agit de dessins qu’on connaît par cœur, alors on les attaque de manières différentes. On reconnaît d’emblée les réalisations des grands dessinateurs, leur style.
Il faut noter que la relation à l’image a considérablement évolué. L’oeil humain s’affine aussi bien pour le graphisme que pour la compréhension narrative. Des codes ont été intégrés, qui évitent le recours à la redondance ; mais contrairement au cinéma où le rythme des images est toujours plus ou moins le même, en BD, c’est l’auteur qui choisit le rythme de lecture.
Sevrier BD participe cette année à l’effort de rétribution des auteurs, qui prennent sur leur temps de travail pour être présents dans les salons. Vous suivez les recommandations du Syndicat qui regroupe les auteurs (et qui compte parmi ses membres fondateurs Cyril Pedrosa, interviewé par Move On, Fabien Vehlmann rencontré récemment chez BD Fugue et Lewis Trondheim, invité d’honneur de Sevrier BD 2019).
A.Drompnier_ La recommandation est de 210 euros pour une journée, ce qui n’est pas énorme. Nous essayerons de l’atteindre cette année à Sevrier grâce à la création d’une cagnotte participative sur le site de Hello Asso.
Le public pense que, pour soutenir les auteurs de BD, il faut acheter leurs albums. Ce qui est vrai, mais ils ne savent pas que ces mêmes auteurs ne touchent que 50 centimes à un euro par vente, partagés entre le scénariste et le dessinateur. Il y a éventuellement un coloriste en plus…
Une exposition montrera sur le salon le nombre de ventes nécessaires à un auteur pour acquérir un objet, pour repasser une chemise à fleurs…c’est sur le mode de l’humour.
Est-ce que la BD est entrée dans notre système d’enseignement ?
Elle est très présente dans bibliothèques des collèges. En relation avec Sevrier BD, Brigitte Findakly et Zeina Abirached ont mené une action avec des élèves du collège de Saint-Jorioz sur des parcours de migrants et le travail qui en résulte est pris en compte dans l’évaluation du brevet des collèges.
Bannister souligne alors l’approche didactique que proposent ses albums et nous sommes d’accord sur le fait que l’image peut réconcilier le public scolaire et l’apprentissage.
Bannister_ On ne peut plus enseigner comme en 75 ! Par la culture visuelle, les gamins d’aujourd’hui sont bien plus rapides que nous. Réaliser des albums pour ce public nous permet aussi de garder notre curiosité d’enfant pour voir quels sujets peuvent les intéresser.
Nous abordons alors la nécessité de créer de la mythologie moderne, du récit commun et l’aspect sociologique de la BD. Est-ce que dans un siècle la mythologie chinoise aura envahi le monde ?
La conversation roule encore un long moment sur l’esprit français et bien d’autres thèmes.
La BD est vraiment source d’émotions, de discussion et de partage d’impressions.
A vous d’aller vivre tout ceci à Sevrier BD les 27 et 28 avril 2019.
Vous trouverez tout le programme sur WWW.SEVRIERBD.COM
Expositions : Julien Neel Le petit monde de Lou
Lewis Trondheim : Fausses couvertures
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