Salon des vins et spiritueux du monde aux Trésoms Annecy

Béatrice, les Trésoms sont le centre du monde aujourd’hui ? Plusieurs continents sont représentés.
L’Europe avec la Hongrie, l’Irlande, l’Ecosse et puis il y a des provenances plus lointaines.

Le principe est de faire voyager par l’intermédiaire des produits présentés.
Avec les notions de terroirs, d’assemblages, de provenance des fûts. On joue aussi sur les provenances puisque sont proposés des vodkas françaises à base de chardonnay qui viennent de la Côte des Blancs, en Champagne….

On retrouve des produits bien connus, gin, vodka…, mais avec des démarches nouvelles.
Des choses innovantes, différentes.
Ça correspond à une autre façon d’apprécier l’alcool ?
Oui, parce que la sélection proposée ici représente des domaines qui travaillent de la manière la plus naturelle possible, parfois avec le label bio sinon de manière comparable, sans ajouts, , sans vanilline ni sucre. Tous les spiritueux présentés aujourd’hui sont des produits naturels. Voilà le lien avec les vins de petits producteurs que j’ai sélectionnés et avec lesquels je travaille déjà et ces spiritueux choisis par François Sommer qui a créé la société « L’explorateur du goût » pour mettre en avant des spiritueux dont le goût n’est  ni masqué ni trafiqué.

On retrouve cette tendance dans la gastronomie.
Aujourd’hui les gens posent des questions sur l’origine des produits, ils ont envie de comprendre, de consommer non pas une marque mais un produit qui a du sens, un goût authentique.

Le principe de ce genre de rencontres permet de tisser des liens entre les producteurs.
J’aime mettre les gens en relation, tout le monde apprend de ces rencontres.

Deux dames cavistes sont arrivées à l’instant.
Effectivement, les femmes sont encore rares dans ce milieu mais de plus en plus nombreuses. Ces amies cavistes m’ont poussée à découvrir et à représenter le domaine des spiritueux : en fait, je réponds à leur demande.

 

Comme il était impossible de rendre compte de tous les produits proposés par la dizaine d’exposants – vodka, rhums, whisky, aguardiente, vermouth, absinthe… de diverses provenances, vins hongrois, espagnols, d’Afrique du Sud… notre choix s’est porté sur les whiskies de Benjamin Kuentz :

On a l’impression, à voir les « flacons » que vous présentez, qu’il s’agit de parfum.
Il y a de ça, mon travail est comparable à celui d’un « nez » qui compose des parfums. Je suis éditeur de whiskies français.

Editeur ?
Ce mot reflète bien mon travail qui consiste à choisir les partenaires avec lesquels je vais travailler, à m’inspirer de rencontres pour écrire. Le point de départ n’est pas la distillerie mais réellement l’écriture. J’écris un whisky parce que je vais vous emmener dans un champ de céréales au printemps, avec le soleil, le soleil un peu frais, un arbre fruitier juste là, qui va nous permettre de croquer dans une poire bien juteuse, à la lisière du bois.

Ces émotions que vous voulez transmettre sont déjà là au départ de votre démarche de création ou bien est-ce qu’elles arrivent au fur et à mesure ?
Je vois le spiritueux comme un moment de plaisir, de partage. Je travaille dans ce domaine depuis quinze ans et je me suis dit que nous avons tout en France pour produire d’excellents whiskies qui fassent voyager. Je me suis demandé « Si les Français avaient inventé le whisky, quelle direction aurions-nous prise ? » J’ai fait le choix de ne pas avoir de distillerie pour être libre de travailler avec celles de mon choix suivant mes créations, en Bretagne, dans l’Est de la France…

J’écris d’abord la structure globale du whisky, puis je détaille le nez, la bouche, la finale…fruitée, florale. Je pars toujours de sensations personnelles, de mon univers. J’écris d’abord pour moi et pour partager ce que j’aime.
« Fin de Partie » est un whisky qui se prête bien à une consommation même par temps de chaleur, avant un repas. Je ne trouvais pas de whisky « printanier ».

Vous créez même des correspondances entre le whisky et la littérature !
« Fin de partie » rappelle Beckett, en effet. Mais c’est un whisky de partage, donc pas le dernier verre de la journée.
 

Finalement, Benjamin Kuentz joue avec le whisky comme d’autres avec les mots. Est-il possible de produire un jeu de whisky comme on invente un jeu de mots ? Sans doute puisque ce type de jeu consiste à associer des sens pour en créer de nouveaux, pour écrire de nouvelles histoires.

« Le Guip » de Benjamin mêle les univers des bateaux, du bois, de la terre et de la mer ;  « Aux P
articules Vines » semble très prometteur et ouvre sur tout un univers.

L’histoire printanière que raconte Benjamin  évoque immanquablement ce poème de Prévert
« …peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
 
et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été… »
 
et puis dégustez !