Avant-première aux cinémas Pathé Annecy, rencontre aux Trésoms pour évoquer cette jubilation à voler avec des oiseaux, la lenteur de nos réactions pour lutter contre les problèmes liés à la sauvegarde de la nature (et à la nôtre) et l’engagement des jeunes.
Le sujet du film "Donnes-moi des ailes" est d’actualité et dramatique, les réactions du public montrent qu’il se sent concerné.
On retrouve aussi bien dans votre roman que dans votre film l’assurance que vous êtes avant tout un conteur, aussi bien avec les mots qu’avec les images. On a dans le livre ce que vous mettez en œuvre dans le film grâce à des moyens techniques appropriés, la bonne distance aux personnages, le rythme, le point de vue…
C’est ma première expérience où j’écris en parallèle le roman et le scénario. Après le point de départ de toute cette histoire qui a été le vol effectué avec Christian Moullec et les oies, je me suis mis immédiatement à écrire en parallèle le roman et le scénario du film. L’expérience a été à la fois passionnante et efficace. Autant on ne peut pas écrire n’importe quoi dans un scénario parce que les contraintes économiques nous en empêchent et ont aussitôt des conséquences sur la réalisation du film, autant le roman vous accorde une liberté totale. J’ai l’impression que je serais passé à côté de certaines choses si je n’avais pas écrit le roman en parallèle, le scénario s’en est nourri.
On sent dans votre écriture une forme de jubilation.
C’est celle que j’ai ressentie lorsque j’ai volé avec les oiseaux. J’ai presque toujours vécu dans la nature, j’ai construit des cabanes dans les arbres pour être près du ciel et des oiseaux mais je n’avais jamais ressenti cette incroyable sensation de voler à quelques centimètres des oies dont les ailes me caressaient la joue, que je pouvais moi-même caresser, avec le regard que les oiseaux portent sur vous. On les voit venir jouer avec vous dans une relation incroyable, s’approcher comme pour voir si vous allez bien, comme ils le font entre eux. Vous êtes l’un d’eux. Comme dans une échappée du Tour de France, celle qui est en tête demande d’un regard qu’on vienne la relayer. Je me suis senti tellement proche des oiseaux ! J’espère que cela se ressent.
Le sujet du film "Donnes-moi des ailes" est d’actualité et dramatique, les réactions du public montrent qu’il se sent concerné.
On retrouve aussi bien dans votre roman que dans votre film l’assurance que vous êtes avant tout un conteur, aussi bien avec les mots qu’avec les images. On a dans le livre ce que vous mettez en œuvre dans le film grâce à des moyens techniques appropriés, la bonne distance aux personnages, le rythme, le point de vue…
C’est ma première expérience où j’écris en parallèle le roman et le scénario. Après le point de départ de toute cette histoire qui a été le vol effectué avec Christian Moullec et les oies, je me suis mis immédiatement à écrire en parallèle le roman et le scénario du film. L’expérience a été à la fois passionnante et efficace. Autant on ne peut pas écrire n’importe quoi dans un scénario parce que les contraintes économiques nous en empêchent et ont aussitôt des conséquences sur la réalisation du film, autant le roman vous accorde une liberté totale. J’ai l’impression que je serais passé à côté de certaines choses si je n’avais pas écrit le roman en parallèle, le scénario s’en est nourri.
On sent dans votre écriture une forme de jubilation.
C’est celle que j’ai ressentie lorsque j’ai volé avec les oiseaux. J’ai presque toujours vécu dans la nature, j’ai construit des cabanes dans les arbres pour être près du ciel et des oiseaux mais je n’avais jamais ressenti cette incroyable sensation de voler à quelques centimètres des oies dont les ailes me caressaient la joue, que je pouvais moi-même caresser, avec le regard que les oiseaux portent sur vous. On les voit venir jouer avec vous dans une relation incroyable, s’approcher comme pour voir si vous allez bien, comme ils le font entre eux. Vous êtes l’un d’eux. Comme dans une échappée du Tour de France, celle qui est en tête demande d’un regard qu’on vienne la relayer. Je me suis senti tellement proche des oiseaux ! J’espère que cela se ressent.
Sous prétexte d’une fiction, vous nous proposez un reportage sur l’administration et sur l’école ( à prendre au 2° degré).
Lorsque j’ai rencontré les acteurs, je ne leur ai pas parlé des personnages mais de l’aventure qu’on allait vivre. Je leur ai dit que le patron du film, ce seraient des oiseaux et qu’il faudrait avoir ce respect, cette humilité indispensables dès qu’on est dans la nature… ce n’est pas la qualité première des gens de cinéma. Le tournage a été fabuleux parce que toute l’équipe a partagé cet esprit : être au service des oiseaux qui étaient les héros du film.
En revanche il a fallu obtenir de nombreuses autorisations de tournage avec des animaux. Il en faut 40 en France là où une seule suffit dans d’autres pays et les choses sont encore plus compliquées lorsque l’on ne rentre pas dans les cases préétablies. Il a été compliqué aussi d’embarquer tout le matériel nécessaire au tournage sur un ULM, c’est-à-dire un appareil propulsé par un moteur de tondeuse à gazon. Lorsque l’on filme de très près une oie, il se produit un phénomène de stroboscopie à cause du mouvement des ailes. Un énorme travail a été nécessaire pour l’éviter.
Un autre type de problème. Un matin de lumière de rêve les oies s’envolent… et plongent pour se planquer dans les roseaux parce qu’elles ont pris notre drone pour un rapace. Faire face à ce genre de problème est passionnant pour moi.
Le choix de la fiction ?
C’est que j’aime raconter des histoires, créer des personnages, des trajectoires [à prendre à tous les sens du terme !] comme celle de cet ado d’aujourd’hui qui passe ses journées sur un écran vidéo dans un monde irréel et artificiel et qui va s’ouvrir au monde. Après avoir fait tant de documentaires j’ai un profond plaisir à réaliser des fictions.
Puisque vous parlez de l’épanouissement de votre jeune héros, vous êtes aussi engagé dans une action pédagogique auprès du public scolaire.
Un tiers des oiseaux a disparu du ciel européen, le second tiers va disparaître. La question est de savoir si on a envie de sauver le dernier tiers et de savoir si nous avons envie que dans vingt ans on puisse encore entendre des oiseaux chanter au printemps. Avec la Ligue des Oiseaux, le Museum d’Histoire Naturelle et d’autres partenaires, nous avons fabriqué un grand programme d’éducation à l’environnement accessible à tous et qui permet aux enseignants de travailler sur plusieurs matières à partir du film en identifiant les causes de la disparition des oiseaux, et au-delà des causes de trouver des solutions. Le plus énervant est que ces solutions existent, bien au-delà du problème des oiseaux : c’est une affaire de volonté qui concerne le réchauffement climatique, la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles…
Même si je n’ai pas la prétention de changer le monde avec un film, je veux rendre à la nature ce qu’elle m’a donné pendant 35 ans et le transmettre à cette génération qui est en train de se lever pour nous dire « Vous n’avez pas le droit de continuer comme ça ! » Ce programme est à la disposition de chacun, il suffit de taper reseau-canope.fr › notice › donne-moi-des-ailes
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité l’accélération de la vie est telle qu’on se trouve en décalage. Autrefois, un grand-père apprenait à son petit-fils à pêcher la grenouille et s’effectuait dans ce temps partagé un passage de valeurs, d’expérience de vie. Le film me permet de traiter le désarroi d’un père et d’un fils qui ne se comprennent plus et qui vont se retrouver grâce à quelque chose qui les dépasse. Tous les parents veulent donner des ailes à leurs enfants mais ont peur le jour où ils s’envolent.
Rencontre avec Nicolas Vanier pour "Donne-moi des ailes" - Vue des Trésoms Annecy
Articles similaires...
-
Ballerina : Ana de Armas danse avec la mort dans le spin-off de John Wick
-
Le Cinéma-Karaoké au Grand Rex de Paris : un concept de folie !
-
Festival de Deauville : Michael Douglas séjourne à l’Hôtel Barrière Le Royal Deauville
-
Insouciant Films : Quand la Jeunesse et l'Innovation Redéfinissent le Cinéma et le Théâtre
-
Le Cinéma en Plein Air à Paris : Un Hommage au Sport
Christian Moullec a vu le film ?
Bien évidemment ! Il a participé à l’ensemble des étapes du film. Il a été très ému, sa femme encore plus que lui parce qu’elle a avoué qu’elle avait eu beaucoup de mal à rester jusqu’à la fin de la première projection.Elle n’a pu profiter pleinement du film qu’à la séance suivante : il y a tellement de points communs entre le film et ce qu’elle a éprouvé lors du premier voyage, il y a vingt ans ! C’était émotionnellement trop fort. Ça m’a fait penser à la réaction de Mehdi lorsqu’il a vu pour la première fois « Belle et Sébastien » : son compliment m’a fait pleurer.
Chaque film me fait évoluer, celui-ci a changé le regard que je porte sur les oiseaux et donc sur toute la vie. J’avais l’impression qu’il existe des animaux, comme les chiens ou les chevaux, avec lesquels les relations sont possibles. Les oiseaux n’en faisaient pas partie ; ils me sont devenus très proches et cela m’a conduit à considérer que doit exister un droit à la nature. La France est le pays des Droits de l’Homme, il faudrait un Droit à la Nature. Des jeunes mènent en justice des adultes à cause de leur incompétence à régler des problèmes dont dépend leur avenir. Tout ce qui vit sur Terre doit avoir un droit. Comme tout le monde, j’ai été bouleversé lorsque j’ai vu brûler Notre Dame, mais on peut la reconstruire alors qu’on ne peut pas faire revenir une espèce en train de disparaître comme les oies naines qui sont le sujet du film.
Vous citez dans le film cette formule reprise par Saint-Exupéry « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » Le parallèle avec Saint-Exupéry est intéressant : il montre dans Le Petit Prince à quel point lois et règlements peuvent être inadaptés à l’évolution, en particulier sur la planète de l’allumeur de réverbères.
C’est peu de le dire. Il est incroyable de constater à quel point notre époque est passionnante, à quel point l’écart est important entre les avancées timides ici ou là, y compris d’un point de vue législatif et réglementaire et la nouvelle génération. Je vais rencontrer, juste après cet entretien, 200 à 300 enfants. Beaucoup d’adultes pensent qu’il va falloir vivre moins bien pour régler les grands problèmes ; je suis persuadé du contraire. J’adhère à la formule de mon ami Pierre Rabhi « Sobriété heureuse ».
Si on attend la contrainte climatique, ce sera trop tard. Dans le Grand Nord, le permafrost est en train de dégeler à cause du réchauffement climatique lié aux activités humaines. Il libère des quantités considérables de méthane qui réchauffent l’atmosphère, ce qui accélère le dégel du permafrost… ces phénomènes d’emballement risquent de tout faire disparaître à l’exception de fourmis et de rares espèces d’insectes.
J’entends trop souvent les gens dire « Ah, le gouvernement, Ah Macron… ! mais lorsqu’on demande de réduire la vitesse de dix kilomètres/heure, tout le monde gueule. C’est à chacun d’entre nous de dire au gouvernement « Nous sommes prêts à changer la bagnole ! »
Des actions formidables sont initiées par les enfants, par des associations, par des entreprises. Il faut aller vers une forme de sobriété ; nous savons que nous gaspillons 50% de ce que nous consommons et il n’est pas si difficile de régler ce problème. Malheureusement les progrès sont trop lents parce que nous ne disposons que de dix ans.
_ La discussion continue et touche à l’ensemble des questions écologiques, au Nutella, à l’Amazonie, à la réaction des jeunes générations, à la nécessaire action en milieu scolaire. Elle revient sur le film et souligne l’émotion de Christian/Jean-Paul Rouve, acteur et individu lorsqu’il voit revenir les oies. Est-ce l’acteur ou la personne qui est ému à ce point ? Les deux vraisemblablement se fondent dans cet instant qui condense tout l’esprit du film souligné plus haut par Nicolas Vanier : toute l’équipe au service de la nature, intensément.
Aussi, lire notre critique du film "Donne-moi des ailes"
Bien évidemment ! Il a participé à l’ensemble des étapes du film. Il a été très ému, sa femme encore plus que lui parce qu’elle a avoué qu’elle avait eu beaucoup de mal à rester jusqu’à la fin de la première projection.Elle n’a pu profiter pleinement du film qu’à la séance suivante : il y a tellement de points communs entre le film et ce qu’elle a éprouvé lors du premier voyage, il y a vingt ans ! C’était émotionnellement trop fort. Ça m’a fait penser à la réaction de Mehdi lorsqu’il a vu pour la première fois « Belle et Sébastien » : son compliment m’a fait pleurer.
Chaque film me fait évoluer, celui-ci a changé le regard que je porte sur les oiseaux et donc sur toute la vie. J’avais l’impression qu’il existe des animaux, comme les chiens ou les chevaux, avec lesquels les relations sont possibles. Les oiseaux n’en faisaient pas partie ; ils me sont devenus très proches et cela m’a conduit à considérer que doit exister un droit à la nature. La France est le pays des Droits de l’Homme, il faudrait un Droit à la Nature. Des jeunes mènent en justice des adultes à cause de leur incompétence à régler des problèmes dont dépend leur avenir. Tout ce qui vit sur Terre doit avoir un droit. Comme tout le monde, j’ai été bouleversé lorsque j’ai vu brûler Notre Dame, mais on peut la reconstruire alors qu’on ne peut pas faire revenir une espèce en train de disparaître comme les oies naines qui sont le sujet du film.
Vous citez dans le film cette formule reprise par Saint-Exupéry « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » Le parallèle avec Saint-Exupéry est intéressant : il montre dans Le Petit Prince à quel point lois et règlements peuvent être inadaptés à l’évolution, en particulier sur la planète de l’allumeur de réverbères.
C’est peu de le dire. Il est incroyable de constater à quel point notre époque est passionnante, à quel point l’écart est important entre les avancées timides ici ou là, y compris d’un point de vue législatif et réglementaire et la nouvelle génération. Je vais rencontrer, juste après cet entretien, 200 à 300 enfants. Beaucoup d’adultes pensent qu’il va falloir vivre moins bien pour régler les grands problèmes ; je suis persuadé du contraire. J’adhère à la formule de mon ami Pierre Rabhi « Sobriété heureuse ».
Si on attend la contrainte climatique, ce sera trop tard. Dans le Grand Nord, le permafrost est en train de dégeler à cause du réchauffement climatique lié aux activités humaines. Il libère des quantités considérables de méthane qui réchauffent l’atmosphère, ce qui accélère le dégel du permafrost… ces phénomènes d’emballement risquent de tout faire disparaître à l’exception de fourmis et de rares espèces d’insectes.
J’entends trop souvent les gens dire « Ah, le gouvernement, Ah Macron… ! mais lorsqu’on demande de réduire la vitesse de dix kilomètres/heure, tout le monde gueule. C’est à chacun d’entre nous de dire au gouvernement « Nous sommes prêts à changer la bagnole ! »
Des actions formidables sont initiées par les enfants, par des associations, par des entreprises. Il faut aller vers une forme de sobriété ; nous savons que nous gaspillons 50% de ce que nous consommons et il n’est pas si difficile de régler ce problème. Malheureusement les progrès sont trop lents parce que nous ne disposons que de dix ans.
_ La discussion continue et touche à l’ensemble des questions écologiques, au Nutella, à l’Amazonie, à la réaction des jeunes générations, à la nécessaire action en milieu scolaire. Elle revient sur le film et souligne l’émotion de Christian/Jean-Paul Rouve, acteur et individu lorsqu’il voit revenir les oies. Est-ce l’acteur ou la personne qui est ému à ce point ? Les deux vraisemblablement se fondent dans cet instant qui condense tout l’esprit du film souligné plus haut par Nicolas Vanier : toute l’équipe au service de la nature, intensément.
Aussi, lire notre critique du film "Donne-moi des ailes"