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Move-On Magazine

Entretien avec Jacques-André Bertrand, qui publie "Biographies non autorisées"


Nous comptons parmi les fidèles lecteurs d’un auteur dont le poids de la pensée est inversement proportionnel à la longueur de ses courts livres, qu’il faut savoir déguster.


| Publié le Dimanche 23 Octobre 2016 |

Jacques-André Bertrand, vous écrivez « Je ne suis personne, soit, mais je ne voudrais pas qu’on me prenne pour un autre.
C’est une boutade, une plaisanterie…

On a quand même l’impression que la question de l’identité parcourt votre œuvre.
Oui, c’est vrai. J’ai souvent l’impression que je suis quelqu’un qui revendique de parler, d’émettre des opinions et d’écrire et parfois je me pose la question d’une façon générale « Qui sommes-nous ? » Des gens nous sont très proches, on croit les connaître et c’est faux. Soi-même, si on prend le temps de s’interroger, on n’est pas sûr, on pense à Rimbaud « Je est un autre. »

N’est-il pas assez sain d’être un peu schizophrène ?
Je le crois, ainsi que certains psychologues, tous les artistes sont un peu schizophrènes. Quand elle demeure légère, la schizophrénie permet de prendre une distance par rapport aux choses du monde. Mon éditeur dit que je regarde le monde en faisant un pas de côté.

Vous utilisez volontiers le zeugme* (ou zeugma) dans vos écrits, mais ce n’est pas un simple outil technique, c’est un peu votre mode de pensée qui procède naturellement par associations.
C’est d’ailleurs pour ça que je ne fais pas partie de l’Oulipo. Pour moi il faut que les choses soient nécessaires. Je me sers suffisamment des contraintes pour ne pas y ajouter des contraintes gratuites. Si je fais un zeugme, c’est pour dire quelque chose, ce n’est pas gratuit.

Vous évoquez la musique de votre écriture, peut-être parce que vous essayez de vous exprimer au-delà des mots. Parce que vous exprimez une pensée très personnelle.
Ce que vous dites m’intéresse parce que ça correspond à quelque chose que je dis de temps en temps. Comme tous les écrivains, j’ai des carnets de notes que je prends et dont je me sers très peu en réalité. En tout cas je ne les utilise jamais comme elles sont. Quand j’utilise une idée et que j’écris, il faut qu’au bout de la phrase j’en sache un peu plus qu’au début.
 

Le prix Nobel de médecine vient d’être attribué à un Japonais pour ses travaux sur l’autophagie, vous avez écrit  Comment j’ai mangé mon estomac, mais ce que vous venez de dire fait aussi penser à l’autophagie : ingérer de la culture, des références, s’en nourrir de l’intérieur pour nourrir les lecteurs.
Mes notes sont des idées et les idées courent les rues ; elles valent par ce qu’on en fait en les transformant. Le principal du travail est là, mais il doit se faire dans une grande simplicité. Je ne suis pas spécialement sartrien mais la définition du style selon Sartre me convient « C’est une façon de dire plusieurs choses en une, ce qui n’exclut pas la simplicité, au contraire. »

On retrouve dans Biographies non autorisées le thème de la bêtise. Vous citez Bernanos « L’imbécile est d’abord d’habitudes et de parti pris. » On peut penser à ce propos à tous les fondamentalismes.
C’est ce qui plombe malheureusement la plupart de nos jours dès qu’on s’informe de ce qui se passe dans le monde et qu’on regarde autour de soi. Ernest Renan disait « Quand je veux avoir une idée de l’infini, je me penche sur la bêtise. »

Vous n’auriez pas l’idée d’écrire tout un ouvrage sur la bêtise ?
C’est un sujet qui me tente un peu, une idée que je traîne depuis longtemps sans jamais l’avoir mise en chantier. J’écrirais plutôt le livre de la haine qui me permettrait de vider ma bile, de nettoyer ma vésicule biliaire. Je suis un peu misanthrope.

Nous parlions du zeugme, mais vous usez aussi du paradoxe, de l’inversion. A propos du doute vous écrivez « Suivant consciencieusement les conseils de Friedrich Nietzsche et d’Edgard Morin, nous avons choisi de nous fier à nos incertitudes. » C’est l’idée du doute qui permet d’avancer, de créer.
Il faut respecter le mystère. Par rapport aux idées de religion, par rapport à la vie et à la mort. Bien que certains pensent avoir tout expliqué, cela reste un profond mystère. La naissance reste un mystère, tout comme la mort et je suis pour le respect du mystère.

L’écriture elle-même est un mystère.
Oui, tout à fait. Tchouang Tseu disait « Il faut travailler, travailler, travailler. On ne sait pas d’où vient le résultat, mais il n’apparaît qu’à la fin du travail. »
L’incertitude est la tolérance, elle permet de garder l’esprit ouvert et de recevoir plus d’informations que de garder l’esprit fermé sur des théories définitives.

Vous citez Giani Esposito et à son sujet me vient à l’esprit une formule , « Une tristesse joyeuse. »
J’ai été très touché par Giani Esposito. J’ai été journaliste à Télérama et je m’intéressais beaucoup à la chanson. Je tenais à rencontrer Giani Esposito. Un vendredi est tombée la nouvelle de sa mort , très jeune. J’ai fait un papier sur sa disparition, très court parce que le journal était presque bouclé. Ça a été une grande tristesse pour moi. Il avait des chansons admirables comme Paris le désert.

[On quitte Jacques-A Bertrand comme on quitte ses livres, songeur, encore dans son monde.]
 


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