Drôle d’impression quand on découvre les œuvres de Charles Le Hyaric à La Fabric, mais voila l’artiste, il va être possible d’approcher l’éternité avec lui.
Cette exposition semble être quelque chose encore en devenir.
Exactement. Mon travail se situe entre limpidité et complexité. Toutes les lignes qui font partie du thème du temps, de l’évolution de la matière s’y entrecroisent. Le lâcher prise est à la rencontre de tout ceci, dans ma façon de faire. Je pars de la matière et quand on s’intéresse à la matière, on s’intéresse à la physique et on s’intéresse naturellement au temps. Cette pièce, par exemple, s’appelle « Derrière le mur de Planck ». Derrière ce mur, ce sont les limites de ce qu’on connaît, les limites de l’univers, celles du big bang. Cette toile est de la moisissure. Je place ma toile avec des liquides, je laisse agir ; la moisissure, qui est de la bactérie donc du vivant apparaît. Ensuite je stoppe le processus dans une sorte de bidouillage culinaire. Je suis parfois plus proche d’un jardinier ou d’un cuisinier que d’un peintre. Avec de la Javel, je tue les bactéries, je retravaille avec de la peinture. Je récupère des strates au quotidien, c’est donc un travail mouvant.
On retrouve le lâcher prise, un jeu, un équilibre entre le hasard et la maîtrise.
Le titre du texte que m’a consacré Ann Hindry pour le prix Salomon est « Entre caresse et coup de poing ». Je chahute un peu la matière, qui me chahute aussi, dans un équilibre de tension et de douceur. Cette série des « Naclo » est issue d’une technique qui associe la peinture et l’eau de javel. Je fabrique mes pots avec mes densités de matière. Je verse cette matière sur les feuilles installées à l’horizontale, elle dessine des formes liquides dont j’accompagne le flux. Mon intérêt pour le temps me conduit vers le flux, vers ce mélange de nécessité et de hasard.
Le tire du livre de Monod vient de Démocrite qui faisait l’éloge du cosmos et du vivant. Il a le premier parlé d’atome et a demandé qu’à sa mort , son corps soit recouvert de miel parce qu’il adorait les abeilles. Cette œuvre rappelle Démocrite, la position allongée fait croire aux gens que je fais référence aux morts alors que, pour moi, c’est plutôt la position pour regarder les étoiles, pour avoir le lien entre la terre et les étoiles. J’ai remplacé le miel par les fleurs qui ont été butinées par les abeilles. Je les récupère dans mon jardin et les fais sécher.
Cette exposition semble être quelque chose encore en devenir.
Exactement. Mon travail se situe entre limpidité et complexité. Toutes les lignes qui font partie du thème du temps, de l’évolution de la matière s’y entrecroisent. Le lâcher prise est à la rencontre de tout ceci, dans ma façon de faire. Je pars de la matière et quand on s’intéresse à la matière, on s’intéresse à la physique et on s’intéresse naturellement au temps. Cette pièce, par exemple, s’appelle « Derrière le mur de Planck ». Derrière ce mur, ce sont les limites de ce qu’on connaît, les limites de l’univers, celles du big bang. Cette toile est de la moisissure. Je place ma toile avec des liquides, je laisse agir ; la moisissure, qui est de la bactérie donc du vivant apparaît. Ensuite je stoppe le processus dans une sorte de bidouillage culinaire. Je suis parfois plus proche d’un jardinier ou d’un cuisinier que d’un peintre. Avec de la Javel, je tue les bactéries, je retravaille avec de la peinture. Je récupère des strates au quotidien, c’est donc un travail mouvant.
On retrouve le lâcher prise, un jeu, un équilibre entre le hasard et la maîtrise.
Le titre du texte que m’a consacré Ann Hindry pour le prix Salomon est « Entre caresse et coup de poing ». Je chahute un peu la matière, qui me chahute aussi, dans un équilibre de tension et de douceur. Cette série des « Naclo » est issue d’une technique qui associe la peinture et l’eau de javel. Je fabrique mes pots avec mes densités de matière. Je verse cette matière sur les feuilles installées à l’horizontale, elle dessine des formes liquides dont j’accompagne le flux. Mon intérêt pour le temps me conduit vers le flux, vers ce mélange de nécessité et de hasard.
Le tire du livre de Monod vient de Démocrite qui faisait l’éloge du cosmos et du vivant. Il a le premier parlé d’atome et a demandé qu’à sa mort , son corps soit recouvert de miel parce qu’il adorait les abeilles. Cette œuvre rappelle Démocrite, la position allongée fait croire aux gens que je fais référence aux morts alors que, pour moi, c’est plutôt la position pour regarder les étoiles, pour avoir le lien entre la terre et les étoiles. J’ai remplacé le miel par les fleurs qui ont été butinées par les abeilles. Je les récupère dans mon jardin et les fais sécher.
Les artistes, les penseurs créent des liens au lieu de monter des murs.
Dans leur manière de penser les choses, les grands physiciens sont des artistes, dans la marge.
Kenneth White parle de son intérêt pour les marges. C’est là que tout se passe.Nous sommes dans cette nouvelle salle de La Fabric, où vous avez installé des meubles, comme ce buffet, et des branches, du bois brut.
Pour moi, ces meubles sont les endroits où l’on range les objets, les livres , et de ces livres partent ces branches qui sont une métaphore des connexions de pensée, des connexions avec la réalité.
Des synapses ?
Exactement. Les branches sont de quinze espèces de bois différents, reliées entre elles par des greffes végétales à base de cire d’abeilles, de raphia, de matières organiques de manière que le flux d’un arbre se mêle au flux d’un autre pour obtenir des cerises et des pommes sur la même essence. Le son vient compléter cette œuvre. C’est l’enregistrement des croûtes terrestres…
Dans leur manière de penser les choses, les grands physiciens sont des artistes, dans la marge.
Kenneth White parle de son intérêt pour les marges. C’est là que tout se passe.Nous sommes dans cette nouvelle salle de La Fabric, où vous avez installé des meubles, comme ce buffet, et des branches, du bois brut.
Pour moi, ces meubles sont les endroits où l’on range les objets, les livres , et de ces livres partent ces branches qui sont une métaphore des connexions de pensée, des connexions avec la réalité.
Des synapses ?
Exactement. Les branches sont de quinze espèces de bois différents, reliées entre elles par des greffes végétales à base de cire d’abeilles, de raphia, de matières organiques de manière que le flux d’un arbre se mêle au flux d’un autre pour obtenir des cerises et des pommes sur la même essence. Le son vient compléter cette œuvre. C’est l’enregistrement des croûtes terrestres…
Une force qui agit la matière…
Et qui nous dépasse. Une nécessité d’être et d’avancer. Le sens du mouvement est incertain. On ne sait pas si certains objets sont les restes de ce qu’on a enlevé ou s’ils sont en train d’apparaître.
Vous rejoignez l’intérêt de Jean-Marc Salomon pour l’hybridation.
Je l’ignorais. Il m’a donné carte blanche.
Je me rends compte que le temps est une obsession.Je laisse faire les choses. Des connexions s’installent malgré moi.
Cette notion de temps est intéressante parce que notre société cherche à la gommer : il faut aller vite, rester jeune. On a de moins en moins le temps.
Le moi dernier, j’ai participé à une exposition à Aix-en-Provence sur le thème de la contemplation, de la lenteur. Les gens pensent que les choses sont figées, mais tout évolue, vous et moi, les œuvres d’art aussi.
Dans cette salle, la disposition est faite pour une fois, c’est une véritable création.
Je me considère beaucoup comme un paysagiste. J’étudie le lieu d’exposition, qui va orienter le sens de mon travail. Je travaille aussi avec les odeurs, avec le son, les matériaux, leur rapport physique au corps quand on rentre dans le lieu d’exposition. Le rapport au réel doit être présent, les sens doivent être connectés aux œuvres, des liens doivent se créer avec le monde, avec l’imaginaire de chacun. Quelque chose de complètement onirique et de très évident et proche à la fois.
Les gens pensent que la poésie par de l’intellect alors qu’elle part des sens, du concret. Oui. Quand les gens me demandent ce que ça veut dire, je leur réponds de partir de ce qu’ils ressentent, de leur expérience personnelle, qu’il n’y a pas de clé. Sinon c’est comme expliquer de la poésie avec un dictionnaire. Devant un tableau de Bacon, de Basquiat ou de De Kooning, la force du langage plastique s’impose. On ne peut pas davantage expliquer ce qu’est l’amour !
On retrouve avec votre démarche la notion de synesthésie éminemment poétique, qui renvoie à Rimbaud et à d’autres. Et là, contre ce mur, cette semelle, c’est « un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité « ?
C’est l’une de mes chaussures. Je travaille beaucoup avec des objets, des fragments que je récupère. C’est une pièce que j’ai réalisée pour cette exposition, comme celle dont nous avons déjà parlé avec le texte de Lucrèce, la coupelle et, le morceau d’os. Ici , ce sont des pots que j’ai récupérés d’une précédente exposition. Ils s’appelaient « La part des ambres » parce qu’ils contenaient du liquide ambré qui s’est évaporé. Il en reste la trace, cette ligne d’horizon qui marque ce qui est parti, l’éther.
Et qui nous dépasse. Une nécessité d’être et d’avancer. Le sens du mouvement est incertain. On ne sait pas si certains objets sont les restes de ce qu’on a enlevé ou s’ils sont en train d’apparaître.
Vous rejoignez l’intérêt de Jean-Marc Salomon pour l’hybridation.
Je l’ignorais. Il m’a donné carte blanche.
Je me rends compte que le temps est une obsession.Je laisse faire les choses. Des connexions s’installent malgré moi.
Cette notion de temps est intéressante parce que notre société cherche à la gommer : il faut aller vite, rester jeune. On a de moins en moins le temps.
Le moi dernier, j’ai participé à une exposition à Aix-en-Provence sur le thème de la contemplation, de la lenteur. Les gens pensent que les choses sont figées, mais tout évolue, vous et moi, les œuvres d’art aussi.
Dans cette salle, la disposition est faite pour une fois, c’est une véritable création.
Je me considère beaucoup comme un paysagiste. J’étudie le lieu d’exposition, qui va orienter le sens de mon travail. Je travaille aussi avec les odeurs, avec le son, les matériaux, leur rapport physique au corps quand on rentre dans le lieu d’exposition. Le rapport au réel doit être présent, les sens doivent être connectés aux œuvres, des liens doivent se créer avec le monde, avec l’imaginaire de chacun. Quelque chose de complètement onirique et de très évident et proche à la fois.
Les gens pensent que la poésie par de l’intellect alors qu’elle part des sens, du concret. Oui. Quand les gens me demandent ce que ça veut dire, je leur réponds de partir de ce qu’ils ressentent, de leur expérience personnelle, qu’il n’y a pas de clé. Sinon c’est comme expliquer de la poésie avec un dictionnaire. Devant un tableau de Bacon, de Basquiat ou de De Kooning, la force du langage plastique s’impose. On ne peut pas davantage expliquer ce qu’est l’amour !
On retrouve avec votre démarche la notion de synesthésie éminemment poétique, qui renvoie à Rimbaud et à d’autres. Et là, contre ce mur, cette semelle, c’est « un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité « ?
C’est l’une de mes chaussures. Je travaille beaucoup avec des objets, des fragments que je récupère. C’est une pièce que j’ai réalisée pour cette exposition, comme celle dont nous avons déjà parlé avec le texte de Lucrèce, la coupelle et, le morceau d’os. Ici , ce sont des pots que j’ai récupérés d’une précédente exposition. Ils s’appelaient « La part des ambres » parce qu’ils contenaient du liquide ambré qui s’est évaporé. Il en reste la trace, cette ligne d’horizon qui marque ce qui est parti, l’éther.
Le poids de l’âme.
Oui, et ce pas que j’utilise aussi dans d’autres dessins, c’est un peu mon parcours, mon chemin. Je récupère les objets et je les travaille un peu chaque jour, comme dans des rituels.
Ce qui nous renvoie au temps.
Ce sont des strates quotidiennes qui marquent le temps. Dans la peinture, on peut arrêter les choses à n’importe quel moment.
[ La discussion roule sur les notions de hasard, et d’aventure, si chère à Pierre Soulages, pour s’attacher à une autre œuvre exposée]
Vos cartons sont déployés et comme morts mais semblent encore en devenir.
C’est un travail très délicat pour lequel j’utilise beaucoup de produits afin de créer une sorte de territoire, de ligne chronologique, une fresque qui supporte des objets très discrets. Pour cette fresque, j’ai retravaillé de vieux morceaux abandonnés dans une cave pendant des années auxquels j’en ai ajouté de nouveaux. Ceci donne une fresque qui évolue dans le temps, avec des parties qui s’entrecroisent. Il est difficile de dater les objets que j’élabore.
Parce qu’il y a une continuité.
C’est une obsession qui pourrait rendre fou parce qu’il n’y a pas de fin, ni de commencement. Les choses se déploient en permanence, d’où le titre de l’exposition « Enlacer l’éternité. » Un oxymore qui traduit l’impossibilité.
Certains artistes veulent laisser une trace. Pas moi.
Comme les skieurs.
Et après la neige repasse…Toutes les connexions deviennent de plus en plus évidentes ; Lucrèce se justifie de plus en plus. L’écologie s’inscrit dans notre petit fragment de temps alors qu’il faut la voir à une autre échelle spatiale et temporelle. L’humain n’est qu’un morceau du vivant ; ce qui m’intéresse est de dézoomer…
Oui, et ce pas que j’utilise aussi dans d’autres dessins, c’est un peu mon parcours, mon chemin. Je récupère les objets et je les travaille un peu chaque jour, comme dans des rituels.
Ce qui nous renvoie au temps.
Ce sont des strates quotidiennes qui marquent le temps. Dans la peinture, on peut arrêter les choses à n’importe quel moment.
[ La discussion roule sur les notions de hasard, et d’aventure, si chère à Pierre Soulages, pour s’attacher à une autre œuvre exposée]
Vos cartons sont déployés et comme morts mais semblent encore en devenir.
C’est un travail très délicat pour lequel j’utilise beaucoup de produits afin de créer une sorte de territoire, de ligne chronologique, une fresque qui supporte des objets très discrets. Pour cette fresque, j’ai retravaillé de vieux morceaux abandonnés dans une cave pendant des années auxquels j’en ai ajouté de nouveaux. Ceci donne une fresque qui évolue dans le temps, avec des parties qui s’entrecroisent. Il est difficile de dater les objets que j’élabore.
Parce qu’il y a une continuité.
C’est une obsession qui pourrait rendre fou parce qu’il n’y a pas de fin, ni de commencement. Les choses se déploient en permanence, d’où le titre de l’exposition « Enlacer l’éternité. » Un oxymore qui traduit l’impossibilité.
Certains artistes veulent laisser une trace. Pas moi.
Comme les skieurs.
Et après la neige repasse…Toutes les connexions deviennent de plus en plus évidentes ; Lucrèce se justifie de plus en plus. L’écologie s’inscrit dans notre petit fragment de temps alors qu’il faut la voir à une autre échelle spatiale et temporelle. L’humain n’est qu’un morceau du vivant ; ce qui m’intéresse est de dézoomer…
Physique quantique, infiniment grand, infiniment petit pascaliens, poésie, synapses, philosophie, atomes, pluie d’atomes, temps, rythme, musique..maestro, musique pour enlacer l’éternité et valser avec elle !
https://www.fondation-salomon.com/
https://www.fondation-salomon.com/
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