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Move-On Magazine

Fête du livre : La fête de la fantaisie, de la poésie, de la gastronomie avec un grain de folie


La fête du livre de Talloires (74) s'est déroulée ce week-end du 26 et 27 mai 2018. Nous sommes allés pour l'occasion à la rencontre de Jean-Baptiste Harang


| Publié le Jeudi 31 Mai 2018 |

Jean-Baptiste Harang ©Paul Rassat
Jean-Baptiste Harang ©Paul Rassat
Jean-Baptiste Harang, le but de notre entretien est de recueillir votre avis sur le pâté en croûte de Jean Sulpice, et accessoirement d’avoir votre avis sur les événements de mai 68 puisque vous avez écrit « Jours de mai ».
   Parfait. Sur le pâté en croûte, ma mémoire est fraîche, sur mai 68 ça va être un peu plus compliqué. Je l’ai apprécié hier, j’ai entendu des gens le critiquer, mal, et je me suis fâché.

Les gens n’ont plus l’habitude des préparations peu salées, sans ajouts divers.
   Avec le pâté de Jean Sulpice il y a de la gelée, des épices, des petits champignons, c’était parfait. Si je ne reviens pas pour les livres, ce sera pour le pâté en croûte.

Qui fait penser au bœuf en gelée chez Proust, métaphore de l’œuvre d’art dans laquelle chaque ingrédient garde son goût pour participer à un ensemble lié par la gelée.
   Je ne connaissais pas ce Proust, mais ça me va.

Votre livre sur mai 68 fait voyager. Vous avez écrit pour Libération une chronique au jour le jour trente ans après , et vous en faites un livre vingt ans plus tard. En le lisant , on voyage de 98 à 68, de 2018 à 98 et à 68… C’est un véritable voyage qui ouvre sur plusieurs lectures. Vous écrivez qu’il y avait 2% de chômeurs.
   Oui, chaque jour j’écrivais une chronique pour Libération, qui correspondait au même jour mais en mai 68. Les documentalistes du journal me préparaient une pile de documents avec lesquels j’écrivais une revue de presse au jour le jour. Un patchwork avec des trucs qui me semblaient rigolos, tout en racontant le fond de l’histoire.
   J’ai eu l’occasion de parler de ce livre avec une jeune historienne très savante, Ludivine Bantigny qui me disait, et ça a été repris dans une chronique du Monde par Thomas Piketti, qu’il y avait effectivement très peu de chômeurs en 68, mais que le chômage augmentait régulièrement depuis une dizaine de mois.
   J’avais 19 ans à l’époque, on était sans angoisse pour le boulot. On savait qu’on trouverait du travail même sans diplôme ni qualification. Des jobs d’étudiant, on en trouvait du jour au lendemain. J’avais passé mon permis à 18 ans et je faisais partie d’une association nommée « Les chauffeurs sans voiture » située rue d’Assas. Un nommé Paul Alain Leclerc en faisait aussi partie, qui quelques mois plus tard jouait dans Starmania sous le nom de Julien Clerc. On travaillait à la journée, à la semaine ou au mois comme chauffeurs et j’avais du boulot tous les jours.

On a l’impression qu’on redécouvre aujourd’hui plus ou moins maladroitement des choses qui existaient naturellement autrefois, comme créer du lien.
Les liens existaient, oui, mais ce n’était pas du lien électronique.

Votre manière d’écrire, nerveuse, ramassée, avec des zeugmas… Fait penser à Félix Fénéon.
Il y a de ça, comme des petites brèves juxtaposées. Je pars des citations réelles des journaux de l’époque, que je réécris. La façon de les coudre ensemble fait penser à des coqs- à-l’âne. J’ai d’ailleurs publié un livre qui s’appelle « Du coq à l’âne ».

Et personnellement, que pensez-vous de mai 68 ?
S’il n’y avait pas eu les circonstances de ce livre, je ne me serais pas posé la question. J’ai eu une conversation il y a quelques mois avec Dany Cohn Bendit et j’ai eu l’impression qu’on était des vieillards. Je suis un enfant de 68 puisque j’ai fait ma carrière professionnelle à Libération, lui est à la fois un parent et un enfant de 68, c’était un garçon fascinant. Maintenant il a fait un film avec Romain Goupil (soupir), j’ai l’impression que… Je ne sais pas si ça a été gardé, mais j’avais mis en exergue du livre « Nous avons fait mai 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus ».
 

Christophe Bourseiller. Jean-Baptiste Harang ©Paul Rassat
Christophe Bourseiller. Jean-Baptiste Harang ©Paul Rassat
Dans la foulée de cette conversation, Jean-Baptiste Harang allait servir de d’intervieweur pour la conférence que donnait Christophe Bourseiller, auteur de « Et s’ils étaient tous fous ? » (Enquête sur la face cachée des génies.)

Poser la question de la folie des autres, est-ce que ce n’est pas poser celle de sa propre folie ?
[Extraits libres de l’intervention de Christophe Bourseiller]
   C’est une façon de s’interroger sur la part de folie qu’on a tous en nous. Je n’ai jamais cessé de scruter la face B de la vie en politique, en m’intéressant aux extrémismes, à la face B des artistes, aux théories du complot, aux historiens dits fous qui osent émettre des thèses qui paraissent délirantes. L’idée d’interroger le grain de folie des créateurs allait de soi. Nous sommes tous fous, je pense que la normalité n’existe pas. Chez certains le curseur est dans le rouge et chez d’autres dans le vert.
   Il y a deux types de folie, celle qu’on pourrait appeler névrotique et, de l’autre côté, les psychotiques qui sont des fous dangereux, enfermés, qui produisent rarement des œuvres artistiques.
   Dans mon livre figure un fou qui n’est pas fou, Salvador Dali. Il a joué le fou, s’est déguisé en fou. Il conduisait une Rolls remplie de choux-fleurs, il donné une conférence à la Sorbonne déguisé en homme grenouille. Il parlait toujours de lui à la 3° personne, un peu comme Alain Delon. Mais il n’était pas fou.

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Et Christophe Bourseiller d’évoquer les tables tournantes de Victor Hugo, qui faisait parler Shakespeare (pour que celui-ci fît des compliments à Victor Hugo), Dieu et même Napoléon III encore vivant, ce qui pour Christophe Bourseiller vaudrait invention du téléphone.

Klaus Kinski ? Weinstein n’est que roupie de sansonnet à côté de cet immense acteur qui commença à violer sa propre fille en robe de communiante alors qu’elle avait huit ans.
Joan Crawford ? Elle torturait littéralement ses enfants adoptifs.
Stanley Kubrick ? Entre autres bizarreries, il demande à un photographe de photographier toutes les façades d’une des rues les plus longues de Londres.
Gérard de Nerval ? Il lui est arrivé de se promener dans  les jardins du Palais Royal en tenant en laisse un homard.
Sartre ? Il menait une vie sexuellement dissolue, buvait chaque jour des litres d’alcool, se droguait à l’extrême, avec une préférence pour la cocaïne et voyait des crabes autour de lui.

Nietzsche, Maupassant, Artaud, Glenn Gould, Kant… 35 artistes ou intellectuels sont ainsi épinglés par Christophe Bourseiller, qui nous fait ainsi accepter plus facilement la frustration de n’être pas nous-mêmes des génies.
 
Avec Jean-Michel Ribes, nous évoquons une citation de son livre « Cris écrits. »
« Nous voulons l’émerveillement des baleines devant la lune ». La veille, « Le cygne » voguait tel une baleine sur le lac d’Annecy et je partageais avec Jean-Baptiste Harang cet émerveillement pour le pâté de Jean Sulpice.
Il est question d’une « recréation » de « Palace » au théâtre qui fut co-écrite avec Jean-Marie Gourio et Roland Topor, cette fameuse série que les plus jeunes pourront ainsi découvrir.
 

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