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Move-On Magazine

La FabriC / Annecy expose Damien Deroubaix


Du 11 mai au 27 juillet 2019
Une danse macabre, joyeuse, endiablée, spirituelle, un puissant maelstrom


| Publié le Samedi 11 Mai 2019 |

Damien Deroubaix lors du vernissage à la FabriC//Salomon ©Paul Rassat
Damien Deroubaix lors du vernissage à la FabriC//Salomon ©Paul Rassat
La FabriC/ 34 avenue de Loverchy/Annecy
Fondation Salomon pour l’Art Contemporain
 
Move-On Magazine a rencontré Damien Deroubaix à La FabriC le 9 mai, veille du vernissage. L’accrochage était en cours. Ce sont des moments privilégiés, qui , si l’on considère une exposition comme une œuvre en montrent l’élaboration, la mise en place d’une discussion entre les différentes réalisations de l’artiste.

Quand on découvre l’exposition, qui est encore en cours d’accrochage, il s’en dégage un mouvement, une énergie, une foule de personnages entremêlés. Comment s’y retrouver ?
Le souhait de Jean-Marc Salomon était d’orienter l’exposition sur la gravure. J’en réalise beaucoup, avec diverses techniques, sur cuivre, sur bois, de la lithographie.

L’exposition commence avec cette petite salle qui accueille une série de vingt-quatre gravures (vingt-cinq normalement, mais la symétrie de l’accrochage a imposé un choix) que j’ai réalisées sur six mois pour une exposition à la Fondation Maeght intitulée « Picasso et moi »...

Oeuvre de Damien Deroubaix ©Paul Rassat
Oeuvre de Damien Deroubaix ©Paul Rassat
Et qu’y a-t-il entre Picasso et vous ?
Le point de départ de la découverte de l’art. Guernica m’a beaucoup marqué. Je suis parti d’une toile que j’avais réalisée en 2009, « La fin du monde » de laquelle j’ai fait une gravure qui est une reprise cachée de Guernica. J’ai ensuite développé tous les liens possibles, comme cette femme qui pleure et tient son enfant mort dans ses bras et qui devient une espèce de pin up aux bras croisés et vides. Le taureau, là le camp de concentration remplace les ruines de Guernica.

Vous vous livrez à une relecture « explosée » de Guernica.
Au point que sur certaines gravures il n’y a plus de lien direct avec Picasso, sinon à travers des recherches techniques.
Ceci a été un point de départ qui m’a permis d’associer des gravures aux tableaux ou aux nombreux collages que je réalise. Des huiles sur toiles dans lesquelles sont intégrées des gravures sur bois.

Pourquoi ces associations techniques, ces hybridations ?
Je fais toujours plein de choses. La peinture, la sculpture, le dessin me passionnent. Je travaille toujours plusieurs choses en même temps, dix tableaux, par exemple, et je trouve dans l’un les solutions pour un autre…Je pars d’esquisses, qui vont donner des bois gravés, ou autre chose.

C’est la projection de ce que vous avez dans le cerveau ?
Vous ne croyez pas si bien dire. J’ai une exposition au musée de Strasbourg. Il s’agit de têtes de deux mètres sur un mètre cinquante sur lesquelles figurent les obsessions de mon travail : une danse macabre, une autre avec le cheval de Guernica, des scènes d’un tableau de Delacroix, des pochettes de disques…le spectateur se retrouve dans une salle, entouré de ces grandes têtes.

C’est un peu comme dans cette exposition. Même si vos gravures n’occupent que deux des quatre pans de murs de cette petite salle, c’est comme si on était à l’intérieur de Guernica.
Même si on n’est pas strictement dans le thème de Guernica, qui est un point de départ.

En passant dans la grande salle, on passe à une forme d’art pariétal.
Qui m’intéresse beaucoup en ce moment. Les grands formats, je ne les ai pas tous imprimés parce que je me suis rendu compte que certaines matrices étaient devenues une œuvre. Je frotte, je gratte, je griffe et l’œuvre est là.

Oeuvre de Damien Deroubaix ©Paul Rassat
Oeuvre de Damien Deroubaix ©Paul Rassat
Le travail et l’œuvre se confondent dans ces marques bien visibles. Vous parliez d’assemblages de techniques, vous assemblez aussi les formes pour donner des monstres.
Des chimères.

Qui ont une valeur symbolique, autre ?
Je me nourris de ce que je vois régulièrement dans les musées, Goya, Picasso, les maîtres anciens, la peinture contemporaine. La chauve souris que vous voyez là est une citation directe à Goya. Deux petites gravures que j’avais accrochées au musée Goya, à Castres, sont aussi une référence à cet artiste. En fait, ce n’est pas du domaine de la citation, mais des éléments qui me nourrissent et que je ressors.

Vous avez une orientation hispanisante ?
Pas vraiment, ce sont ces artistes qui m’intéressent. J’ai vécu dix ans en Allemagne. On retrouve cette influence dans la gravure sur bois.

Ainsi qu’une énergie, une force qui évoque l’expressionnisme lié à des thèmes presque « éternels », comme ici une sorte de Vénus hottentote.
Qui était au départ un petit motif que je plaçais dans mes dessins jusqu’à ce qu’il devienne le sujet principal d’un tableau et d’une sculpture en tilleul peint et frotté avec du graphite. Tout est lié, je peins, je grave, je sculpte…Tout rebondit d’une forme à l’autre.

[Et là, deux tableaux se font face, semblent se regarder]

On passe des champignons de l’un aux yeux de l’autre, comme si l’arbre avait des yeux.
J’ai toujours dit que le rôle d’un artiste est de lever le voile pour voir la société, ce qui se cache derrière tout ça.
[La visite de l’exposition nous mène dans une 3° salle]
Après « La fin du monde », cette salle offre une sorte d’installation, « Le purgatoire. »
J’avais photographié au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris des singes écorchés, à la fois affreux et extraordinaires, ainsi qu’un tamanoir auquel on avait coupé les pattes. On aurait dit un Christ en croix. Je l’ai peint, j’ai ajouté une Marie Madeleine.
 Cette gravure est inspirée du Christ mort de Hans Holbein.

Avec un billet de un dollar dans la bouche comme l’obole qu’il fallait donner à Charon pour passer le Styx, le fleuve qui menait aux Enfers.
Quand j’ai habité New York, je disais « Dieu est dans ma poche » puisqu’il faut toujours avoir sur soi des billets de un dollar qui portent la mention « In god we trust ».

On passe ici à un hommage à la mort version mexicaine ?
Avec l’évocation de Posada, un artiste mexicain du début du 20° siècle, qui a réalisé des danses macabres, des œuvres liées à la fête des morts, très importante au Mexique.
[Durër, des symboles opposés viennent se surajouter à ce mouvement général qui prend la forme, décidément, d’une joyeuse danse macabre. Damien Deroubaix prend plaisir à associer les contrastes, les oppositions, les artistes, le contemporain plus ou moins trivial et une dimension symbolique, mythologique, spirituelle]

Sur une gravure apparaît le mot « Morale ». Que vient-elle faire ici ?
C’est toute la question !

Tout ce que vous créez serait une façon d’y répondre sans y répondre directement ?
Il faut que j’en parle à ma psy.

Etes-vous une personne tourmentée, optimiste ?
J’ai 47 ans et de viens d’avoir un enfant, ce qui oriente mon travail d’une drôle de manière. Je me dis qu’il est égoïste de donner la vie à un enfant qui va grandir dans un monde où il n’y aura plus d’éléphants, plus de rhinocéros…Ça change un peu les choses, sinon je suis plutôt optimiste.

L’art permet de faire avancer tout ça.
 

Oeuvre de Damien Deroubaix ©Paul Rassat
Oeuvre de Damien Deroubaix ©Paul Rassat

Oeuvre de Damien Deroubaix ©Paul Rassat
Oeuvre de Damien Deroubaix ©Paul Rassat


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