Installation à la Fondation Gianadda
M. Hugo Daniel nous permet de comprendre toute la portée de cette exposition qui, au-delà d’un dialogue entre les deux sculpteurs, apporte une réflexion sur la sculpture moderne ainsi que sur sa dimension philosophique.
Beaucoup de gens qui ne sont pas des spécialistes ne penseraient pas forcément à rapprocher Rodin et Giacometti alors qu’il existe des liens très forts entre eux. Ils expriment de manières apparemment différentes la notion de force.
C’est une différence au premier abord, d’ordre plastique, esthétique, entre une sculpture qui paraît solidement bâtie parce qu’elle représente des corps massifs chez Rodin alors qu’on associe Giacometti à une sorte de fragilité.
Nous les avons rapprochés parce que ce sont deux sculpteurs majeurs de la période moderne ; beaucoup de rétrospectives ont fonctionné sur ce prisme « De Rodin à Giacometti » et de nombreux points d’ancrage que Giacometti appelait des questions de sculpture les rassemblent : la question du socle, la question du modelé, celle de la stature, certains sujets de sculpture que Giacometti reprend à Rodin en les associant à d’autres références. Je pense à « L’homme qui marche », à « L’homme qui chavire » qui constitue une réflexion à partir de « L’homme qui tombe » de Rodin…
Très tôt Giacometti a été marqué par Rodin. Dans l’atelier de son père Giovanni, il fréquente les ouvrages d’art dans lesquels il découvre Rodin. Il se rend en 1922, sur les conseils de son père, à Paris pour étudier à l’Académie de la Grande Chaumière auprès de Bourdelle qui a été élève de Rodin. Celui-ci est considéré comme le représentant de la modernité parce qu’il a transcendé un certain nombre de repères, ce que fait Giacometti à son tour en redéfinissant des questions de sculpture, dont certaines que Rodin avait laissées en suspens.
Effectivement, la force peut paraître plus concentrée dans le modèle chez Giacometti, toute tendue plutôt qu’exprimée par la musculature.
Ceci dit, les deux se rencontrent dans une forme de modelé, de sensualité très visible à la surface de la sculpture ainsi que sur une interrogation très forte concernant la nature du socle, ce qui fait sa distinction d’avec la figure, la capacité ou non à l’intégrer à ce qui est représenté. L’un et l’autre remettent en cause cette base et ce socle qui ont tendance à se fondre dans le modèle.
Serait-il possible de dire que Giacometti offre une dimension philosophique plus évidente ? Plus concentrée ? Le socle constituant à la fois l’ancrage mais aussi un obstacle à l’élévation ?
On retrouve ceci aussi chez Rodin, cette réflexion sur l’existence humaine. On s’y est davantage habitué chez Giacometti à cause de la lecture phénoménologique de son œuvre à la suite de Sartre et de Merleau-Ponty qui a été constitutive de la réception du travail de Giacometti après guerre.
« La pensée » de Rodin, cette tête de Camille Claudel prise dans la masse est une réflexion sur la mélancolie, mais aussi sur la capacité créatrice qui consiste à extraire de la matière de la pensée ; elle est aussi une réflexion sur la nature même de la pensée prise dans la matière.
Même si elle s’exprime différemment, la réflexion philosophique est présente chez l’un et chez l’autre.
Giacometti. L'Homme qui marche II © Succession Giacometti 2019, Prolitteris Zurich
L’exposition que vous offrez au public à la Fondation Gianadda présente une double lecture, de Rodin à Giacometti, mais aussi de Giacometti à Rodin.
Je parlerais même de triple lecture. Elle est multiple.
Nous avons pensé le parcours en tirant parti de l’architecture très spécifique de la Fondation Gianadda pour mettre en évidence les connexions. Il ne s’agit donc pas d’un parcours linéaire, ni chronologique mais qui fonctionne par proximité, par contiguïté concernant les questions que l’un et l’autre se sont appropriées, mettant en œuvre une forme de porosité.
Ils se sont posé des questions très similaires même si le traitement qu’ils y ont apporté est différent.
Le 2ème aspect repose sur l’idée de continuité, même si les deux artistes n’ont pas pu se rencontrer. Dans ce rapprochement entre les deux, une généalogie de la sculpture moderne est possible.
Et il y a une réflexion plus large sur la sculpture à l’époque moderne, sur les questions qui émergent et qui s’appuient sur une lecture du passé qui ne constituent par uniquement un répertoire mais une matière à penser.
En fin de compte, ce ne sont pas que de petits points de connexion. Pour un public plus averti, l’exposition pourrait ne paraître que comme une vérification d’hypothèses, puisque les deux hommes ont déjà été souvent rapprochés, mais elle va bien au-delà de ces connexions thématiques ou techniques pour envisager une vraie évolution de la sculpture moderne à partir de deux œuvres majeurs.
Je parlerais même de triple lecture. Elle est multiple.
Nous avons pensé le parcours en tirant parti de l’architecture très spécifique de la Fondation Gianadda pour mettre en évidence les connexions. Il ne s’agit donc pas d’un parcours linéaire, ni chronologique mais qui fonctionne par proximité, par contiguïté concernant les questions que l’un et l’autre se sont appropriées, mettant en œuvre une forme de porosité.
Ils se sont posé des questions très similaires même si le traitement qu’ils y ont apporté est différent.
Le 2ème aspect repose sur l’idée de continuité, même si les deux artistes n’ont pas pu se rencontrer. Dans ce rapprochement entre les deux, une généalogie de la sculpture moderne est possible.
Et il y a une réflexion plus large sur la sculpture à l’époque moderne, sur les questions qui émergent et qui s’appuient sur une lecture du passé qui ne constituent par uniquement un répertoire mais une matière à penser.
En fin de compte, ce ne sont pas que de petits points de connexion. Pour un public plus averti, l’exposition pourrait ne paraître que comme une vérification d’hypothèses, puisque les deux hommes ont déjà été souvent rapprochés, mais elle va bien au-delà de ces connexions thématiques ou techniques pour envisager une vraie évolution de la sculpture moderne à partir de deux œuvres majeurs.
L'Homme qui marche ©Musée Rodin. Hervé Lewandowski
La Clairière© Succession Giacometti 2019,Prolitteris Zurich
Articles similaires...
-
Le Monde : L'exposition selon Andy Warhol à découvrir à Lyon
-
"Parlez-moi d'amour" : l'Expo Jacqueline Bouvier Kennedy à 1h de Marseille
-
Exposition Marilyn Monroe : Le Secret de l'Amérique à Toulouse
-
Chefs-d'œuvre de la collection Torlonia au Musée du Louvre
-
L'Expérience Immersive Van Gogh à Marseille : Un Voyage au Cœur du Peintre