Frédéric Beigbeder, rider de la sémantique - Avec Gaylord Pedretti organisateur du High Five Festival @HFF
Rencontre à « Anneçaï » avec Frédéric Beigbeder qui donnait une conférence de paresse, dandysme oblige, avec suite dans les idées ainsi que suite à l’Impérial Palace dans laquelle il reçoit, accompagné de Gaylord Pedretti qui précise que la présence de Frédéric permet de casser les codes et d’étonner.
FB_ Je suis épaté, je suis étonné par ce qui se passe à Annecy. En tant que snow boarder de la littérature je me sens chez moi ici. On n’arrête pas de faire des high five avec les habitants. Ils ont l’air souriant et je suis franchement épaté par le travail de Gaylord depuis neuf ans. Tu m’as dit que l’année prochaine le lac serait une patinoire ? Je suis toujours dans les endroits à la mode, c’est pour ça que je suis là. Ce n’est pas forcément bon signe, ça signifie qu’il va y avoir beaucoup de Parisiens, beaucoup de snobs qui vont débarquer.
_ Gaylord. On a l’habitude de voir des champions débarquer à Annecy, maintenant, il y a des prix littéraires.
FB_ J’ai eu des médailles, mais pas olympiques. Mon principal sport ce soir va être de boire au bar de l’Impérial Palace.
Frédéric, vous appréciez Huysmans, des Esseintes , le baron Charlus de Proust, donc une dimension décadente. « Décader », c’est tomber, et les skieurs vous rejoignent puisqu’ils descendent pour remonter en une forme de petite mort jouissive.
C’est très joli, ça .Je pensais plus à Saint François de Sales en arrivant à Annecy. L’auteur de « L’introduction à la vie dévote » était évêque d’Annecy, il est enterré à la basilique de La Visitation. Par rapport à « La vie dévote », ce soir, c’est une soirée un peu décalée. Mais on arrivera peut-être à une certaine heure vers la sainteté, je l’espère. A voir la nature qui nous entoure, il faut rendre hommage au créateur. Gaylord est partout, juste au-dessus, il y a Dieu.
Et vous ?
Moi, je suis dans la suite 302.
On connaît votre passion pour la glisse intime. D’où vient votre intérêt pour les sports de glisse ?
Je peux dire des banalités, que depuis mon enfance je connais la montagne, je suis skieur comme beaucoup de gens, mais pour reprendre la métaphore de tout à l’heure, on peut trouver des liens entre l’effort de l’écrivain qui doit gravir la montagne de l’inspiration ; celui qui a tout inventé, c’est Sisyphe qui monte son rocher en haut de la montagne et redescend, et recommence le lendemain…
Il n’avait ni forfait, ni tire-fesse…
C’était plus compliqué à l’époque, mais la plupart des films qu’on voit au High Five ont été réalisés par des gens qui vont dans des endroits où il n’y a pas de téléphérique. Il y en a quand même qui se font déposer en hélico, et certains qui se contentent de voler. Ce sont des Sisyphe modernes. J’aime beaucoup ce que dit Camus « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » Ce n’est pas forcément l’enfer, de chercher à se surpasser. C’est peut-être, au contraire, le secret du bonheur.
On peut critiquer les sports extrêmes, en disant que c’est absurde, que c’est dangereux, que c’est du spectacle, mais ces gens sont des passionnés et c’est ce qui donne un sens à leur existence et à l’existence de ceux qui viennent ici plus nombreux chaque année. Tout comme un skieur qui laisse sa trace sur une pente vierge, l’écrivain est éphémère. Il en a la conscience. On s’imagine qu’on va laisser une trace et il faut recommencer quelques mois après.
Je suis désolé, je n’ai pas mis de casquette (regard vers Gaylord). Je suis chevelu et barbu, je peux avoir un look de snowboarder…mais il manque la casquette pour être crédible. Un vieux snowboarder sur le retour.
Je pensais qu’il y aurait des questions de pro. Est-ce que je préfère les backflip ou les slide, mais je vois que vous n’y connaissez rien du tout.
FB_ Je suis épaté, je suis étonné par ce qui se passe à Annecy. En tant que snow boarder de la littérature je me sens chez moi ici. On n’arrête pas de faire des high five avec les habitants. Ils ont l’air souriant et je suis franchement épaté par le travail de Gaylord depuis neuf ans. Tu m’as dit que l’année prochaine le lac serait une patinoire ? Je suis toujours dans les endroits à la mode, c’est pour ça que je suis là. Ce n’est pas forcément bon signe, ça signifie qu’il va y avoir beaucoup de Parisiens, beaucoup de snobs qui vont débarquer.
_ Gaylord. On a l’habitude de voir des champions débarquer à Annecy, maintenant, il y a des prix littéraires.
FB_ J’ai eu des médailles, mais pas olympiques. Mon principal sport ce soir va être de boire au bar de l’Impérial Palace.
Frédéric, vous appréciez Huysmans, des Esseintes , le baron Charlus de Proust, donc une dimension décadente. « Décader », c’est tomber, et les skieurs vous rejoignent puisqu’ils descendent pour remonter en une forme de petite mort jouissive.
C’est très joli, ça .Je pensais plus à Saint François de Sales en arrivant à Annecy. L’auteur de « L’introduction à la vie dévote » était évêque d’Annecy, il est enterré à la basilique de La Visitation. Par rapport à « La vie dévote », ce soir, c’est une soirée un peu décalée. Mais on arrivera peut-être à une certaine heure vers la sainteté, je l’espère. A voir la nature qui nous entoure, il faut rendre hommage au créateur. Gaylord est partout, juste au-dessus, il y a Dieu.
Et vous ?
Moi, je suis dans la suite 302.
On connaît votre passion pour la glisse intime. D’où vient votre intérêt pour les sports de glisse ?
Je peux dire des banalités, que depuis mon enfance je connais la montagne, je suis skieur comme beaucoup de gens, mais pour reprendre la métaphore de tout à l’heure, on peut trouver des liens entre l’effort de l’écrivain qui doit gravir la montagne de l’inspiration ; celui qui a tout inventé, c’est Sisyphe qui monte son rocher en haut de la montagne et redescend, et recommence le lendemain…
Il n’avait ni forfait, ni tire-fesse…
C’était plus compliqué à l’époque, mais la plupart des films qu’on voit au High Five ont été réalisés par des gens qui vont dans des endroits où il n’y a pas de téléphérique. Il y en a quand même qui se font déposer en hélico, et certains qui se contentent de voler. Ce sont des Sisyphe modernes. J’aime beaucoup ce que dit Camus « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » Ce n’est pas forcément l’enfer, de chercher à se surpasser. C’est peut-être, au contraire, le secret du bonheur.
On peut critiquer les sports extrêmes, en disant que c’est absurde, que c’est dangereux, que c’est du spectacle, mais ces gens sont des passionnés et c’est ce qui donne un sens à leur existence et à l’existence de ceux qui viennent ici plus nombreux chaque année. Tout comme un skieur qui laisse sa trace sur une pente vierge, l’écrivain est éphémère. Il en a la conscience. On s’imagine qu’on va laisser une trace et il faut recommencer quelques mois après.
Je suis désolé, je n’ai pas mis de casquette (regard vers Gaylord). Je suis chevelu et barbu, je peux avoir un look de snowboarder…mais il manque la casquette pour être crédible. Un vieux snowboarder sur le retour.
Je pensais qu’il y aurait des questions de pro. Est-ce que je préfère les backflip ou les slide, mais je vois que vous n’y connaissez rien du tout.
Frédéric Beigbeder, rider de la sémantique - Playboy Private Party High Five Festival Impérail Palace Annecy @HFF
Si vous pouviez être quelqu’un de votre choix ou quelque chose le temps d’une journée, ce serait... ? Dieu ?
Tout écrivain se prend pour Dieu mais en général il ne le dit pas devant une caméra. Puisque je suis ici, Jean-Jacques Rousseau. C’est l’inventeur de l’autobiographie. « Les rêveries du promeneur solitaire » c’est l’idée que la marche donne de l’inspiration, un rythme plus humain qu’en calèche. Je ne suis pas encore le grand snowboarder du High Five mais me promener au bord du lac d’Annecy me convient parfaitement.
Je crois me souvenir que Françoise Sagan avait parlé su ski. Elle avait dit « C’est le contraire de la mine, au lieu de descendre dans du noir, on monte dans du blanc. »
Pour rester dans la littérature, Hemingway avait une théorie, il disait que ce qu’il y a sur la page est comme la pointe émergée d’un iceberg. Un huitième sur la page, et sept huitièmes sous l’eau… [théorie étonnante qui recourt à l’image de l’eau pour le buveur qu’était Hemingway]. C’est la situation de ces mecs qui travaillent toute leur vie pour un instant de grâce sans qu’on voie tous leurs efforts, le temps passé à s’entraîner, à gravir des montagnes, à se planter, à se blesser pour quelques secondes d’images de génie.
Mais les sportifs sont aussi des intellectuels, qui lisent, et les intellos viennent de plus en plus au sport.
Bien sûr. Antoine Blondin a écrit des pages sublimes sur le Tour de France. Il y a une curiosité réciproque. On s’admire. J’ai l’impression que cet univers de la glisse, des riders dépoussière et modernise le ski, les sports alpins et le sport en général. Ils ont une manière différente de s’habiller, ils écoutent des musiques qui déménagent .C’est au fond ce que j’essaye aussi de faire dans mon monde littéraire. En tant que critique, j’essaye de défendre des jeunes écrivains, des gens qui bousculent le langage, la syntaxe, des riders de la sémantique.[Référence à Philippe Pollet-Villard que Frédéric a édité].
En dandy entre deux mondes, celui de Proust et celui d’Andy Warhol, Frédéric Beigbeder souligne _ C’est bien que dans un endroit très classique comme l’Impérial Palace, il y ait de la place pour l’innovation, pour de la créativité.
Gaylord _ Le High Five s’est créé sur ce mélange des genres.
Frédéric _ C’est la définition du dandysme. Des gens qui s’habillent de manière très classique mais il y a toujours un petit détail qui détonne, qui est décalé.
Tout écrivain se prend pour Dieu mais en général il ne le dit pas devant une caméra. Puisque je suis ici, Jean-Jacques Rousseau. C’est l’inventeur de l’autobiographie. « Les rêveries du promeneur solitaire » c’est l’idée que la marche donne de l’inspiration, un rythme plus humain qu’en calèche. Je ne suis pas encore le grand snowboarder du High Five mais me promener au bord du lac d’Annecy me convient parfaitement.
Je crois me souvenir que Françoise Sagan avait parlé su ski. Elle avait dit « C’est le contraire de la mine, au lieu de descendre dans du noir, on monte dans du blanc. »
Pour rester dans la littérature, Hemingway avait une théorie, il disait que ce qu’il y a sur la page est comme la pointe émergée d’un iceberg. Un huitième sur la page, et sept huitièmes sous l’eau… [théorie étonnante qui recourt à l’image de l’eau pour le buveur qu’était Hemingway]. C’est la situation de ces mecs qui travaillent toute leur vie pour un instant de grâce sans qu’on voie tous leurs efforts, le temps passé à s’entraîner, à gravir des montagnes, à se planter, à se blesser pour quelques secondes d’images de génie.
Mais les sportifs sont aussi des intellectuels, qui lisent, et les intellos viennent de plus en plus au sport.
Bien sûr. Antoine Blondin a écrit des pages sublimes sur le Tour de France. Il y a une curiosité réciproque. On s’admire. J’ai l’impression que cet univers de la glisse, des riders dépoussière et modernise le ski, les sports alpins et le sport en général. Ils ont une manière différente de s’habiller, ils écoutent des musiques qui déménagent .C’est au fond ce que j’essaye aussi de faire dans mon monde littéraire. En tant que critique, j’essaye de défendre des jeunes écrivains, des gens qui bousculent le langage, la syntaxe, des riders de la sémantique.[Référence à Philippe Pollet-Villard que Frédéric a édité].
En dandy entre deux mondes, celui de Proust et celui d’Andy Warhol, Frédéric Beigbeder souligne _ C’est bien que dans un endroit très classique comme l’Impérial Palace, il y ait de la place pour l’innovation, pour de la créativité.
Gaylord _ Le High Five s’est créé sur ce mélange des genres.
Frédéric _ C’est la définition du dandysme. Des gens qui s’habillent de manière très classique mais il y a toujours un petit détail qui détonne, qui est décalé.
Frédéric Beigbeder, rider de la sémantique - Playboy Private Party High Five Festival Impérail Palace Annecy @HFF
Votre frère, Charles, avait porté la candidature d’Annecy aux JO. Ce fut un échec. Comment comptez-vous saboter l’événement plein d’avenir qu’est le High Five ?
En mixant ce soir.
Vous souvenez-vous d’Aznavour, ce petit gars tout jeune débarqué de l’Aquarius ?
J’ai l’intention ce soir de passer « Les plaisirs démodés », l’une de mes chansons préférées. Aznavour n’est pas très dansant, mais cette chanson oui. C’est une sorte de pastiche de rock psychédélique.
Est-ce que l’environnement local est une source d’inspiration littéraire ?
Évidemment, nous sommes dans un lieu éminemment littéraire. L’habit fait le moine. Être dans un lieu magnifique donne envie d’être à la hauteur de ce lieu.
Si on vous disait « Demain a neuf heures, tu mets des chaussures de marche et tu viens à la Tournette ? »
L’avantage du romancier est qu’il n’est pas obligé de vivre tout ce qu’il raconte. Il est d’abord un mythomane… bref, je suis un gros paresseux.
La paresse est justement le principal moteur de l’humanité. Quand on est paresseux, il faut écrire ou trouver d’autres voies. On a inventé le moteur à vapeur quand il a fallu remplacer l’esclavage.
J’aime beaucoup la paresse. Je suis un défenseur de l’oisiveté, de la nonchalance, mais ça demande beaucoup d’efforts. La nonchalance est un travail à plein temps…
Il faut résister à la tentation du travail.
Pour dire quelque chose de politiquement incorrect, je trouve qu’il n’est pas sain de culpabiliser les gens qui ne travaillent pas. On montre du doigt les gens au chômage alors que, peut-être, c’est une solution à long terme. Si on arrivait à organiser l’oisiveté au lieu de la stigmatiser, de culpabiliser les gens… J’aimais bien l’idée de Benoît Hamon, de revenu universel.
« Le droit à la paresse »…
Livre de Paul Lafargue, gendre de Karl Marx.
On essaye que la conversation descende dans la vodka et le stupre et ça remonte sur les cimes enneigées de la philosophie !
En mixant ce soir.
Vous souvenez-vous d’Aznavour, ce petit gars tout jeune débarqué de l’Aquarius ?
J’ai l’intention ce soir de passer « Les plaisirs démodés », l’une de mes chansons préférées. Aznavour n’est pas très dansant, mais cette chanson oui. C’est une sorte de pastiche de rock psychédélique.
Est-ce que l’environnement local est une source d’inspiration littéraire ?
Évidemment, nous sommes dans un lieu éminemment littéraire. L’habit fait le moine. Être dans un lieu magnifique donne envie d’être à la hauteur de ce lieu.
Si on vous disait « Demain a neuf heures, tu mets des chaussures de marche et tu viens à la Tournette ? »
L’avantage du romancier est qu’il n’est pas obligé de vivre tout ce qu’il raconte. Il est d’abord un mythomane… bref, je suis un gros paresseux.
La paresse est justement le principal moteur de l’humanité. Quand on est paresseux, il faut écrire ou trouver d’autres voies. On a inventé le moteur à vapeur quand il a fallu remplacer l’esclavage.
J’aime beaucoup la paresse. Je suis un défenseur de l’oisiveté, de la nonchalance, mais ça demande beaucoup d’efforts. La nonchalance est un travail à plein temps…
Il faut résister à la tentation du travail.
Pour dire quelque chose de politiquement incorrect, je trouve qu’il n’est pas sain de culpabiliser les gens qui ne travaillent pas. On montre du doigt les gens au chômage alors que, peut-être, c’est une solution à long terme. Si on arrivait à organiser l’oisiveté au lieu de la stigmatiser, de culpabiliser les gens… J’aimais bien l’idée de Benoît Hamon, de revenu universel.
« Le droit à la paresse »…
Livre de Paul Lafargue, gendre de Karl Marx.
On essaye que la conversation descende dans la vodka et le stupre et ça remonte sur les cimes enneigées de la philosophie !
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