« Un léger choc de modernité ». Orchestre des Pays de Savoie
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Au programme de ce « léger choc de modernité », le Concerto pour violoncelle n°2 en ré majeur de Joseph Haydn
De pays et d’hommes étranges (création) de Tristan Murail
Symphonie n°40 en sol mineur de Mozart
Direction d'orchestre Nicolas Chalvin
Pour nous éclairer, une interview de Thierry Saint Solieux
Thierry, votre avis sur le concert d’hier soir ?
Je n’avais pas entendu jouer de Tristan Murail depuis un certain temps. Il est le digne héritier des musiciens français Debussy, Ravel, Dutilleux. Il se situe vraiment dans cette lignée qu’on ne peut pas réduire au terme d’impressionnistes, mais d’impressions, d’atmosphère. On retrouve ce côté moderne d’une lutte entre le soliste et l’orchestre, l’individu et la foule. Même si ça ne raconte pas réellement une histoire, on perçoit des sentiments antagonistes.
Une dimension cinématographique.
Oui, j’adore la musique de films ; il y a de grands compositeurs qui font de la musique de films. Je parlais d’impressions parce que ça suscite des images, c’est la définition de l’impressionnisme en musique. J’avais l’impression d’entendre une déclinaison de « Tout un monde lointain »,concerto de Dutilleux. Une musique très séduisante et évocatrice.
Que dire du programme, Haydn, Murail, Mozart ?
Haydn parce que c’est un orchestre de chambre. Le soliste , Jean-Guihen Queyras, joue en même temps que l’orchestre. J’ai entendu Francesco Piemontesi avec l’Orchestre de la Suisse Romande. Pour la 27° de Mozart, il jouait les tutti avec l’orchestre, sans vraiment appuyer sur les cordes. Pour Haydn, c’est de la musique de chambre élargie à l’orchestre, une sorte de conversation .
D’où ce côté très lié.
Le soliste est l’émanation de l’orchestre. Queyras a fait partie de l’Ensemble Intercomtemporain fondé par Pierre Boulez. Il s’est colleté à la musique contemporaine dans ce qu’elle a de plus revêche.
Revêche ?
Oui. C’est un musicien merveilleux capable de jouer sur instrument moderne, ancien, cordes métalliques ou en boyau indifféremment. Il adore quand on lui demande après un concert sur quel instrument il a joué. Je le soupçonne même d’avoir changé d’instrument ce soir entre les concertos de Haydn et de Murail.
J’ai trouvé le Haydn très ludique et bienveillant. C’est un inventeur. On reste dans l’intimité, sans démonstration, même pour le final. Queyras a aussi fait ressortir ce côté terrien de Haydn. Tout ceci est très sophistiqué et paraît très simple.
Et le petit cadeau qu’il nous a fait en jouant du Bach ?
Ah, c’était beau ! Queyras a réalisé une intégrale des Suites pour violoncelle de Bach, l’une des plus belles versions modernes jamais réalisées !
Il y a Casals d’un côté, le grand son romantique et puis cette espèce de méditation hors d’âge. On a alors l’impression d’ouvrir une fenêtre sur un monde ancien.
Tout est très léger chez Queyras, le corps, la façon de jouer…
Il est mince, aérien. Il y a eu de violoncellistes qui avaient un grand son, Rostropovitch…(et Thierry de mimer à la fois le corps et le son). Frédéric Lodéon dit que, jeune, il était un peu sec, qu’il a pris du poids et que sa sonorité s’en est enrichie.
On devient soi-même l’instrument ?
Il y a peut-être un échange.
Comme en amour ?
Ou avec son chien de compagnie.
Et la symphonie n°40 de Mozart ?
Elle m’a fait penser à Haydn. La transparence, le côté ludique et bonhomme de Haydn. Le 2° mouvement, qui peut tourner à la rengaine, était allant. On peut jouer Mozart de façon plus théâtrale puisque le théâtre a inspiré toute sa musique. On peut le jouer de façon plus sombre, plus Don Giovanni, ou plus cosy, comme hier. J’ai eu l’impression d’entendre une hypothétique symphonie de Haydn.
C’était un programme cohérent ?
D’autant plus que le choc de la modernité n’était pas si marqué. Haydn /Mozart, c’est une époque, une continuité stylistique et le Murail s’inscrit dans une lignée de sensations très française et très claire.
C’était donc une bonne soirée.
Une excellente soirée.
De pays et d’hommes étranges (création) de Tristan Murail
Symphonie n°40 en sol mineur de Mozart
Direction d'orchestre Nicolas Chalvin
Pour nous éclairer, une interview de Thierry Saint Solieux
Thierry, votre avis sur le concert d’hier soir ?
Je n’avais pas entendu jouer de Tristan Murail depuis un certain temps. Il est le digne héritier des musiciens français Debussy, Ravel, Dutilleux. Il se situe vraiment dans cette lignée qu’on ne peut pas réduire au terme d’impressionnistes, mais d’impressions, d’atmosphère. On retrouve ce côté moderne d’une lutte entre le soliste et l’orchestre, l’individu et la foule. Même si ça ne raconte pas réellement une histoire, on perçoit des sentiments antagonistes.
Une dimension cinématographique.
Oui, j’adore la musique de films ; il y a de grands compositeurs qui font de la musique de films. Je parlais d’impressions parce que ça suscite des images, c’est la définition de l’impressionnisme en musique. J’avais l’impression d’entendre une déclinaison de « Tout un monde lointain »,concerto de Dutilleux. Une musique très séduisante et évocatrice.
Que dire du programme, Haydn, Murail, Mozart ?
Haydn parce que c’est un orchestre de chambre. Le soliste , Jean-Guihen Queyras, joue en même temps que l’orchestre. J’ai entendu Francesco Piemontesi avec l’Orchestre de la Suisse Romande. Pour la 27° de Mozart, il jouait les tutti avec l’orchestre, sans vraiment appuyer sur les cordes. Pour Haydn, c’est de la musique de chambre élargie à l’orchestre, une sorte de conversation .
D’où ce côté très lié.
Le soliste est l’émanation de l’orchestre. Queyras a fait partie de l’Ensemble Intercomtemporain fondé par Pierre Boulez. Il s’est colleté à la musique contemporaine dans ce qu’elle a de plus revêche.
Revêche ?
Oui. C’est un musicien merveilleux capable de jouer sur instrument moderne, ancien, cordes métalliques ou en boyau indifféremment. Il adore quand on lui demande après un concert sur quel instrument il a joué. Je le soupçonne même d’avoir changé d’instrument ce soir entre les concertos de Haydn et de Murail.
J’ai trouvé le Haydn très ludique et bienveillant. C’est un inventeur. On reste dans l’intimité, sans démonstration, même pour le final. Queyras a aussi fait ressortir ce côté terrien de Haydn. Tout ceci est très sophistiqué et paraît très simple.
Et le petit cadeau qu’il nous a fait en jouant du Bach ?
Ah, c’était beau ! Queyras a réalisé une intégrale des Suites pour violoncelle de Bach, l’une des plus belles versions modernes jamais réalisées !
Il y a Casals d’un côté, le grand son romantique et puis cette espèce de méditation hors d’âge. On a alors l’impression d’ouvrir une fenêtre sur un monde ancien.
Tout est très léger chez Queyras, le corps, la façon de jouer…
Il est mince, aérien. Il y a eu de violoncellistes qui avaient un grand son, Rostropovitch…(et Thierry de mimer à la fois le corps et le son). Frédéric Lodéon dit que, jeune, il était un peu sec, qu’il a pris du poids et que sa sonorité s’en est enrichie.
On devient soi-même l’instrument ?
Il y a peut-être un échange.
Comme en amour ?
Ou avec son chien de compagnie.
Et la symphonie n°40 de Mozart ?
Elle m’a fait penser à Haydn. La transparence, le côté ludique et bonhomme de Haydn. Le 2° mouvement, qui peut tourner à la rengaine, était allant. On peut jouer Mozart de façon plus théâtrale puisque le théâtre a inspiré toute sa musique. On peut le jouer de façon plus sombre, plus Don Giovanni, ou plus cosy, comme hier. J’ai eu l’impression d’entendre une hypothétique symphonie de Haydn.
C’était un programme cohérent ?
D’autant plus que le choc de la modernité n’était pas si marqué. Haydn /Mozart, c’est une époque, une continuité stylistique et le Murail s’inscrit dans une lignée de sensations très française et très claire.
C’était donc une bonne soirée.
Une excellente soirée.