Opening Night - Bonlieu Scène Nationale Annecy
_ Alors, c’était bien hier soir à Annecy ?
_ Je ne sais pas.
_ Ils ont applaudi ?
_ Oui.
_ Alors c’était bien ! Normal, la pièce est super, avec une mise en scène de Cyril, c’est du gâteau.
_ Super mais difficile. Philosophico existentielle déstructurée…
_ Oh, pousse pas, le sens de la pièce, le public s’en fiche. Il vient te voir, toi.
_ Peut-être, mais moi, je n’existe pas sans la pièce. Du moins sur scène…et même en dehors. A force de la jouer, de l’interpréter, de la vivre, je finis par me demander si l’Isabelle/Agnès de 17 ans que j’ai été n’a pas tué toutes les autres Isabelle possibles.
_ Peut-être, mais avec une forme de distanciation. Quand je t’ai vue sur scène, j’ai trouvé que, paradoxalement, les visages filmés en gros plans et les micros créent de la distance au lieu de la supprimer. Ils créent du jeu, un espace possible. On te voit à la fois maintenant et jeune fille.
_ C’est ce qui est difficile. « C’est comme si j’avais perdu la réalité de la réalité ». Sans même savoir de quelle réalité il s’agit, celle de la vie ou celle de la scène.
_ Elles ne se confondent pas ?
_ « Allez, ce n’est qu’une pièce de théâtre », pas la vie. Dans la vie, tu dois inventer ce qui t’arrive et ce qui vit de toi à chaque instant te fait mourir.
_ Alors l’idée de répéter, de répéter le texte dans une répétition de la pièce peut faire penser à « L’invention de Morel » d’Adolfo Bioy Casares ? Les mêmes scènes se répètent de jour en jour et posent le problème de la communication, de l’éternité ?
_ C’est pour lutter contre cette fatalité que la pièce commence à la fin ? Pour tricher avec le temps ?
_ Je crois, oui, je ne suis pas encore sûre. Je n’ai pas encore épuisé tous les possibles.
_ L’autre soir, à la sortie du théâtre, j’ai entendu un spectateur dire qu’au fond la vie c’est un plan séquence sans montage, de la naissance à la mort.
_ Ça doit être ça. Et la scène est le lieu où on la peaufine.
_ Et Annecy ?
_ Il pleut ce matin. Tout est gris, on ne voit ni le lac ni les montagnes.
_ Pardon ?
_ On ne voit ni le lac ni les montagnes.
_ Comment ?
_ On ne voit ni le lac ni les montagnes.
_ J’ai entendu. Arrête de répéter !
La pièce mise en scène par Cyril Teste est inspirée de celle de John Cromwell et du scénario de John Cassavetes, servie par Isabelle Adjani, bien sûr, mais aussi par un remarquable Frédéric Pierrot.
Opening Night - Bonlieu Scène Nationale Annecy
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