Rencontre avec Jean-Paul Kauffmann venu présenter son livre à Annecy, à l’initiative de la librairie La Procure d’Etincelles
On peut dire qu’à travers Venise vous partez à la recherche de vous-même.
Le livre est construit comme une sorte d’enquête policière…
Mais vous enquêtez sur vous-même autant que sur la ville.
Bien sûr, les églises fermées sont un prétexte. Il y a derrière tout ça une quête, une chasse au trésor, et c’est la chasse qui importe davantage que le but. Il est évident qu’écrire un livre est une façon de parler de soi. Je n’aurais pas pu avoir cette démarche à travers les églises de Rome ou de Naples. A Venise, le rapport aux cinq sens est particulier. Dans le catholicisme, le corps a souvent été exalté mais le catholicisme de Venise est païen, dionysiaque.
Votre enquête est consacrée à la recherche d’un « miroitement », c’est-à-dire d’un reflet changeant, c’est mince, fluctuant et cela évoque un jeu de miroirs et d’images, dans lequel est prise, par exemple, la notion de temps. Votre premier séjour à Venise est pris dans une « vacance » avant le passage à l’âge adulte. Revenir à Venise vous permet de récupérer du temps, peut-être celui de la captivité.
C’est très juste. J’ai recensé pendant ces trois années de captivité toute ma vie passée et Venise a joué un rôle important dans cette remémoration. Ce qui relie ma vie à cette ville, c’est aussi un rapport à l’Histoire. J’écris qu’il n’y a pas besoin de reconstruction du passé à Venise, il est là, il est le vif de l’histoire, au point que j’ai cru, la première fois que j’y suis venu , que les palais étaient des pastiches, qu’ils avaient été refaits. La Scuola Vecchia où le Tintoret a peint « Le paradis », le plus grand tableau paraît-il de l’histoire de la peinture, est un lieu extraordinaire en ce sens.
Pour revenir à l’idée de chasse au trésor, je préfère la quête à la conquête et à la victoire. Un chevalier errant du cycle arthurien dit « Je cherche ce que je ne puis trouver » ; mais je trouve aussi ce que je ne cherche pas, c’est ce qu’on appelle la sérendipité. Je me suis trouvé face à des lieux où il est impossible d’entrer mais qui m’ont été donnés par hasard, notamment le Jardin d’Eden, le jardin privé le plus important, qui ne se visite pas.
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Votre démarche est originale et fait appel à l’inconscient. Vous reconstituez tout un puzzle pour trouver la pièce manquante.
Il est aussi beaucoup question de Lacan, qui faisait la même chose que moi, qui tambourinait sur les portes des églises fermées.
Qui était plus décidé que vous au début de votre enquête.
Plus persuasif. Il ordonnait même aux sacristains d’apporter une échelle pour aller vérifier un détail dans un tableau !
Vous écrivez que la difficulté choisie est la preuve de votre liberté.
Ces églises fermées, je me les fais ouvrir de l’extérieur. On pense aussitôt à l’enfermement du prisonnier, mais je ne me trouve pas à l’intérieur de l’église.
Les portes ne fonctionnent pas dans le même sens.
Pas du tout. Le prisonnier enchaîné regarde quand il le peut à travers le trou de la serrure. C’est ce que je faisais à Venise, mais de l’extérieur. C’est l’homme libre qui se fait ouvrir ces sanctuaires cadenassés. On écrit toujours les mêmes livres avec les mêmes obsessions qu’on décline de façons différentes.
Il est aussi beaucoup question de Lacan, qui faisait la même chose que moi, qui tambourinait sur les portes des églises fermées.
Qui était plus décidé que vous au début de votre enquête.
Plus persuasif. Il ordonnait même aux sacristains d’apporter une échelle pour aller vérifier un détail dans un tableau !
Vous écrivez que la difficulté choisie est la preuve de votre liberté.
Ces églises fermées, je me les fais ouvrir de l’extérieur. On pense aussitôt à l’enfermement du prisonnier, mais je ne me trouve pas à l’intérieur de l’église.
Les portes ne fonctionnent pas dans le même sens.
Pas du tout. Le prisonnier enchaîné regarde quand il le peut à travers le trou de la serrure. C’est ce que je faisais à Venise, mais de l’extérieur. C’est l’homme libre qui se fait ouvrir ces sanctuaires cadenassés. On écrit toujours les mêmes livres avec les mêmes obsessions qu’on décline de façons différentes.
Ce qui nous mène à la « sprezzatura », cette mise en scène du naturel qui voisine avec le thème du temps puisqu’à Venise toutes les strates temporelles cohabitent. Et nous invitent au voyage.
J’aime beaucoup le mot « sprezzatura », cette façon nonchalante de signifier qu’il n’y a aucun effort alors qu’il y a plein de travail derrière. C’est un mot qu’utilise Castiglione dans « Le livre du courtisan ». Alma, la guide, qui parle un italien très riche me dit qu’elle n’a jamais entendu ce mot.
Cette sprezzatura peut s’appliquer à la littérature.
Quand on lit un roman, il ne faut pas voir l’effort. Il ne faut pas sentir l’huile de lampe. J’ai trouvé ce mot italien en lisant Cristina Campos.
Les Havane ont-ils réellement une saveur particulière à Venise ?
C’est un autre débat. Les Havane se dégustent à Cuba parce qu’ils sont dans leur élément. Je dis toujours « Dès qu’ils s’exportent, leur âme se raidit. » Quelque chose leur manque. C’est la même chose quand on déguste un vin.
C’est pour cette raison que vous êtes allé déguster Venise sur place.
Mon ami viticulteur y fait un très bon vin.
Vous parlez de la « translation du temps ».
Par rapport aux descentes de croix. Il n’y a que ça à Venise. Lacan trouvait obscènes les églises vénitiennes, à cause de cette exhibition de tous les corps, extatiques, suppliciés, déployés.
Mais dans un autre registre, vous parlez de l’alacrité de Venise.
Venise n’est pas une ville gaie mais euphorique, ce qui est très différent. Certaines personnes ne supportent pas cette pression, cette griserie, cette ivresse et partent au bout de quelques jours.
Vous êtes retourné à Venise depuis l’écriture de votre livre ?
Au mois d’octobre alors que je terminais mon livre parce que je devais vérifier certaines choses concernant tout le travail d’érudition, d’Histoire.
Vous aviez peur que le Grand Vicaire puisse vous faire des reproches ? (rires).
Au fond, j’aurais pu le rencontrer en octobre.
Je tiens à préciser que mon livre n’est pas un roman mais la relation de faits réels. Mon éditeur est en train de travailler un site sur tous les lieux dont je parle.
Pas des restaurants ?
Qui sont très décevants. Ils ne sont pas à la hauteur de Venise.
Pendant la lecture de « Venise à double tour » s’est imposé le parallèle avec l’Odyssée.
J’aime beaucoup l’idée de celui qui revient. Et puis Ulysse est curieux, comme moi. Les journalistes n’ont pas bonne presse, c’est pourquoi je les défends.
Le livre de Jean-Paul Kauffmann est-il un roman, un récit, un livre de philosophie ou de sagesse.. ? A vous de voir quelles portes il ouvrira en vous.
Quelques citations :
« Le rapport à nous-mêmes et au monde repose sur ce qui fait défaut. Nous désirons ce que nous ne pouvons avoir. »
« Démasquer cette image qui se cache…confondre cet objet qui se dérobe…reconnaître ce que nous connaissons déjà. »
« Mon goût pour la lecture est né de l’ignorance. »
« Mon désir d’écrire s’est déclenché d’abord par l’espoir de me voir livrer le secret de la chose ignorée ou interdite.
* Voici ce que « Le livre du courtisan dit de la sprezzatura « une sorte de nonchalance, qui permet de cacher l’artifice qui entoure nos actes, afin de faire comme s’ils avaient été accomplis de manière naturelle, sans effort et sans y penser. »
J’aime beaucoup le mot « sprezzatura », cette façon nonchalante de signifier qu’il n’y a aucun effort alors qu’il y a plein de travail derrière. C’est un mot qu’utilise Castiglione dans « Le livre du courtisan ». Alma, la guide, qui parle un italien très riche me dit qu’elle n’a jamais entendu ce mot.
Cette sprezzatura peut s’appliquer à la littérature.
Quand on lit un roman, il ne faut pas voir l’effort. Il ne faut pas sentir l’huile de lampe. J’ai trouvé ce mot italien en lisant Cristina Campos.
Les Havane ont-ils réellement une saveur particulière à Venise ?
C’est un autre débat. Les Havane se dégustent à Cuba parce qu’ils sont dans leur élément. Je dis toujours « Dès qu’ils s’exportent, leur âme se raidit. » Quelque chose leur manque. C’est la même chose quand on déguste un vin.
C’est pour cette raison que vous êtes allé déguster Venise sur place.
Mon ami viticulteur y fait un très bon vin.
Vous parlez de la « translation du temps ».
Par rapport aux descentes de croix. Il n’y a que ça à Venise. Lacan trouvait obscènes les églises vénitiennes, à cause de cette exhibition de tous les corps, extatiques, suppliciés, déployés.
Mais dans un autre registre, vous parlez de l’alacrité de Venise.
Venise n’est pas une ville gaie mais euphorique, ce qui est très différent. Certaines personnes ne supportent pas cette pression, cette griserie, cette ivresse et partent au bout de quelques jours.
Vous êtes retourné à Venise depuis l’écriture de votre livre ?
Au mois d’octobre alors que je terminais mon livre parce que je devais vérifier certaines choses concernant tout le travail d’érudition, d’Histoire.
Vous aviez peur que le Grand Vicaire puisse vous faire des reproches ? (rires).
Au fond, j’aurais pu le rencontrer en octobre.
Je tiens à préciser que mon livre n’est pas un roman mais la relation de faits réels. Mon éditeur est en train de travailler un site sur tous les lieux dont je parle.
Pas des restaurants ?
Qui sont très décevants. Ils ne sont pas à la hauteur de Venise.
Pendant la lecture de « Venise à double tour » s’est imposé le parallèle avec l’Odyssée.
J’aime beaucoup l’idée de celui qui revient. Et puis Ulysse est curieux, comme moi. Les journalistes n’ont pas bonne presse, c’est pourquoi je les défends.
Le livre de Jean-Paul Kauffmann est-il un roman, un récit, un livre de philosophie ou de sagesse.. ? A vous de voir quelles portes il ouvrira en vous.
Quelques citations :
« Le rapport à nous-mêmes et au monde repose sur ce qui fait défaut. Nous désirons ce que nous ne pouvons avoir. »
« Démasquer cette image qui se cache…confondre cet objet qui se dérobe…reconnaître ce que nous connaissons déjà. »
« Mon goût pour la lecture est né de l’ignorance. »
« Mon désir d’écrire s’est déclenché d’abord par l’espoir de me voir livrer le secret de la chose ignorée ou interdite.
* Voici ce que « Le livre du courtisan dit de la sprezzatura « une sorte de nonchalance, qui permet de cacher l’artifice qui entoure nos actes, afin de faire comme s’ils avaient été accomplis de manière naturelle, sans effort et sans y penser. »