Le 3 décembre 2019, la Compagnie « Demain dès l’Aube donnait à l’Auditorium de Seynod « La Révolte » de Villiers de L’Isle-Adam. Nous avons eu envie de rencontrer Hugo Roux, le metteur en scène.
Hugo, votre compagnie s’appelle « Demain dès l’aube », ce qui renvoie bien sûr à Victor Hugo… « Je partirai demain dès l’aube… Je partirai…Je sais que tu m’attends… »
Pourquoi ce nom ? Qu’est –ce qui vous attend ?
Je ne pensais pas au début d’une attente mais plutôt à un avenir, à un recommencement, à un lendemain, parce que je suis un jeune créateur. Nous avons créé la compagnie alors que nous avions 18 ans. Tout était à construire, alors l’idée du travail, de se lever le matin pour recommencer, être chaque jour dans la répétition, tout ça correspondait bien à notre démarche.
Comment êtes-vous venu au théâtre d’abord et ensuite à la mise en scène ?
J’ai suivi les classes à horaires aménagés pour le théâtre du collège de Seynod. Des classes très structurées, avec 4 heures de théâtre par semaine et une école du spectateur très développée avec l’Auditorium de Seynod, Bonlieu Scène Nationale. Je baigne dans le théâtre depuis la classe de 6°.
La façon dont on aborde habituellement le théâtre en milieu scolaire a plutôt tendance à en détourner les jeunes.
Oui, clairement. D’où l’intérêt de ce dispositif qui fonctionne aussi avec le soutien du Conservatoire, et comme mes parents enseignent tous les deux dans ces classes à option théâtre, ça a été une immersion totale.
Un groupe s’est constitué naturellement de la 6° à la 3° ; on était 6 au départ à qui l’option théâtre au lycée a paru évidente. Les choses sérieuses ont commencé à la fin de la terminale. Nous nous sommes alors dit tous les six que nous allions tenter les écoles de théâtre à Paris et ailleurs pour en faire notre métier. Nous voulions construire une chose qui serait soit la dernière, parce que nous n’arriverions pas à intégrer les écoles, soit la première parce que ce serait le début de l’aventure.
Ce qui colle bien avec « Demain dès l’aube. »
Oui, et le lycée a été incroyable, il nous a filé les clefs de Baudelaire pour nous permettre de répéter jusqu’à 21 heures. On mettait l’alarme et on fermait en partant. On a pu bosser tout au long de l’année. Joseph Paleni est venu nous voir à la semaine culturelle, et c’est parti avec une première date à l’Auditorium de Seynod.
La structuration de la pédagogie théâtrale sur le bassin annécien est devenue propice à l’éclosion de ce genre d’aventure. La pratique du théâtre a été importante mais l’école du spectateur a été essentielle. Je me demande si ce n’est pas la possibilité de voir autant de théâtre qui m’a donné envie d’en faire ; se confronter à des mises en scènes, les analyser même très naïvement puisque nous étions collégiens, devoir mettre des mots sur des spectacles,’en débattre, percevoir ce que ça provoque en nous, chez les gens en termes d’émotion, de réflexion.
Hugo, votre compagnie s’appelle « Demain dès l’aube », ce qui renvoie bien sûr à Victor Hugo… « Je partirai demain dès l’aube… Je partirai…Je sais que tu m’attends… »
Pourquoi ce nom ? Qu’est –ce qui vous attend ?
Je ne pensais pas au début d’une attente mais plutôt à un avenir, à un recommencement, à un lendemain, parce que je suis un jeune créateur. Nous avons créé la compagnie alors que nous avions 18 ans. Tout était à construire, alors l’idée du travail, de se lever le matin pour recommencer, être chaque jour dans la répétition, tout ça correspondait bien à notre démarche.
Comment êtes-vous venu au théâtre d’abord et ensuite à la mise en scène ?
J’ai suivi les classes à horaires aménagés pour le théâtre du collège de Seynod. Des classes très structurées, avec 4 heures de théâtre par semaine et une école du spectateur très développée avec l’Auditorium de Seynod, Bonlieu Scène Nationale. Je baigne dans le théâtre depuis la classe de 6°.
La façon dont on aborde habituellement le théâtre en milieu scolaire a plutôt tendance à en détourner les jeunes.
Oui, clairement. D’où l’intérêt de ce dispositif qui fonctionne aussi avec le soutien du Conservatoire, et comme mes parents enseignent tous les deux dans ces classes à option théâtre, ça a été une immersion totale.
Un groupe s’est constitué naturellement de la 6° à la 3° ; on était 6 au départ à qui l’option théâtre au lycée a paru évidente. Les choses sérieuses ont commencé à la fin de la terminale. Nous nous sommes alors dit tous les six que nous allions tenter les écoles de théâtre à Paris et ailleurs pour en faire notre métier. Nous voulions construire une chose qui serait soit la dernière, parce que nous n’arriverions pas à intégrer les écoles, soit la première parce que ce serait le début de l’aventure.
Ce qui colle bien avec « Demain dès l’aube. »
Oui, et le lycée a été incroyable, il nous a filé les clefs de Baudelaire pour nous permettre de répéter jusqu’à 21 heures. On mettait l’alarme et on fermait en partant. On a pu bosser tout au long de l’année. Joseph Paleni est venu nous voir à la semaine culturelle, et c’est parti avec une première date à l’Auditorium de Seynod.
La structuration de la pédagogie théâtrale sur le bassin annécien est devenue propice à l’éclosion de ce genre d’aventure. La pratique du théâtre a été importante mais l’école du spectateur a été essentielle. Je me demande si ce n’est pas la possibilité de voir autant de théâtre qui m’a donné envie d’en faire ; se confronter à des mises en scènes, les analyser même très naïvement puisque nous étions collégiens, devoir mettre des mots sur des spectacles,’en débattre, percevoir ce que ça provoque en nous, chez les gens en termes d’émotion, de réflexion.
Ce qui mène naturellement à cette question « Qu’est-ce qui se passe sur une scène de théâtre et quel est le rôle du metteur en scène ? »
Il y a de nombreuses écoles différentes pour aborder le passage au plateau.
Pour moi, il y a tout un travail solitaire qui se fait en amont autour du choix du texte, du texte lui-même, du déchiffrage pour envisager de le mettre en scène. Cette approche inclut la distribution, qui je vois pour l’interprétation.
Je n’aime pas beaucoup prévoir, certains metteurs en scène ont la maquette de leur scénographie, ils vont structurer le spectacle avant même les répétitions, ce n’est pas ma façon de procéder. J’ai bien sûr certaines idées. Pour « La Révolte », tous les moments où la comédienne est à la fenêtre pour regarder vers un ailleurs ont été pensés en même temps que la construction de l’espace mais je n’ai pas forcément décidé les choses à l’avance.
L’intérêt majeur de la pratique du théâtre réside dans le fait que des événements inattendus se produisent. Les quelques certitudes avec lesquelles on arrive en répétition sont systématiquement découpées parce qu’on travaille du vivant.
L’aventure et la découverte sont permanentes.
On ne peut pas se reposer sur des choses qu’on saurait. Il faut toujours réinventer de nouveaux moyens de faire entendre le texte.
Ceci implique une relation de confiance totale avec les acteurs.
C’est essentiel, comme l’aventure humaine qui se ressent à l’intérieur des spectacles, ce qui émane d’un groupe d’humains qui ont travaillé ensemble à la construction d’une œuvre, comme se ressentent les tensions qui ont pu exister.
Il faut pouvoir se tromper, changer d’avis, expérimenter, tenter sans avoir peur parce que l’équipe est prête à suivre dans toutes ces expérimentations.
Il faut un accord sur les enjeux du texte qui a été choisi et qu’on fait vivre.
C’est la base, ce qu’on appelle le travail à la table. Les premiers jours sont consacrés uniquement à la lecture. Lucas Wayman m’accompagne dans la lecture analytique du texte pour voir ce qu’on cherche à en dire. Pas à lui faire dire mais voir ce qu’il a à dire de lui-même. D’où la nécessité de partir de textes riches et de préciser nos enjeux pendant ce travail à la table. On avance ensuite sur cet axe pour faire vivre ces enjeux.
L’intérêt pour le public réside aussi dans le fait qu’un tableau, un spectacle… recèlent quelque chose de plus que ce qui est montré à travers une narration, une construction.
J’ai eu pas mal de discussions avec des lycéens venus voir « La Révolte ». Une jeune fille m’a dit qu’elle ne comprenait pas si le spectacle est féministe ou non. Cette excellente question m’a amusé, je n’ai pas envie d’y répondre, de donner une pensée prête-à-porter. Rien n’est jamais simple et l’intérêt est d’amener les gens à se poser de plus en plus de questions.
A propos de « La Révolte », on pourrait tirer la pièce vers le féminisme, en lien avec l’actualité mais la fin remet cette perception en question et on peut même se demander si la notion de révolte n’est pas plutôt transmise au public.
Oui, d’ailleurs les réactions de certaines personnes confirment ceci : on m’a dit « Pourquoi avez-vous gardé cette fin, c’est horrible qu’elle revienne, il faudrait que la pièce s’arrête au moment où elle part… » Je pense que le mécanisme d’écriture de l’auteur est justement d’indigner les gens grâce à cette fin insupportable. Elle revient, elle se soumet, c’est ce qui provoque un sursaut dans le public.
Il y a de nombreuses écoles différentes pour aborder le passage au plateau.
Pour moi, il y a tout un travail solitaire qui se fait en amont autour du choix du texte, du texte lui-même, du déchiffrage pour envisager de le mettre en scène. Cette approche inclut la distribution, qui je vois pour l’interprétation.
Je n’aime pas beaucoup prévoir, certains metteurs en scène ont la maquette de leur scénographie, ils vont structurer le spectacle avant même les répétitions, ce n’est pas ma façon de procéder. J’ai bien sûr certaines idées. Pour « La Révolte », tous les moments où la comédienne est à la fenêtre pour regarder vers un ailleurs ont été pensés en même temps que la construction de l’espace mais je n’ai pas forcément décidé les choses à l’avance.
L’intérêt majeur de la pratique du théâtre réside dans le fait que des événements inattendus se produisent. Les quelques certitudes avec lesquelles on arrive en répétition sont systématiquement découpées parce qu’on travaille du vivant.
L’aventure et la découverte sont permanentes.
On ne peut pas se reposer sur des choses qu’on saurait. Il faut toujours réinventer de nouveaux moyens de faire entendre le texte.
Ceci implique une relation de confiance totale avec les acteurs.
C’est essentiel, comme l’aventure humaine qui se ressent à l’intérieur des spectacles, ce qui émane d’un groupe d’humains qui ont travaillé ensemble à la construction d’une œuvre, comme se ressentent les tensions qui ont pu exister.
Il faut pouvoir se tromper, changer d’avis, expérimenter, tenter sans avoir peur parce que l’équipe est prête à suivre dans toutes ces expérimentations.
Il faut un accord sur les enjeux du texte qui a été choisi et qu’on fait vivre.
C’est la base, ce qu’on appelle le travail à la table. Les premiers jours sont consacrés uniquement à la lecture. Lucas Wayman m’accompagne dans la lecture analytique du texte pour voir ce qu’on cherche à en dire. Pas à lui faire dire mais voir ce qu’il a à dire de lui-même. D’où la nécessité de partir de textes riches et de préciser nos enjeux pendant ce travail à la table. On avance ensuite sur cet axe pour faire vivre ces enjeux.
L’intérêt pour le public réside aussi dans le fait qu’un tableau, un spectacle… recèlent quelque chose de plus que ce qui est montré à travers une narration, une construction.
J’ai eu pas mal de discussions avec des lycéens venus voir « La Révolte ». Une jeune fille m’a dit qu’elle ne comprenait pas si le spectacle est féministe ou non. Cette excellente question m’a amusé, je n’ai pas envie d’y répondre, de donner une pensée prête-à-porter. Rien n’est jamais simple et l’intérêt est d’amener les gens à se poser de plus en plus de questions.
A propos de « La Révolte », on pourrait tirer la pièce vers le féminisme, en lien avec l’actualité mais la fin remet cette perception en question et on peut même se demander si la notion de révolte n’est pas plutôt transmise au public.
Oui, d’ailleurs les réactions de certaines personnes confirment ceci : on m’a dit « Pourquoi avez-vous gardé cette fin, c’est horrible qu’elle revienne, il faudrait que la pièce s’arrête au moment où elle part… » Je pense que le mécanisme d’écriture de l’auteur est justement d’indigner les gens grâce à cette fin insupportable. Elle revient, elle se soumet, c’est ce qui provoque un sursaut dans le public.
Et le mari a lui-même vécu cette aspiration au rêve avant de revenir à la réalité sociale, à l’ordre, à l’appât du gain, aux plaisirs calculés. La pièce n’est pas manichéenne.
Elle est universelle, d’où l’intérêt d’en parler avec des lycéens. Leur âge fait qu’ils sont encore très radicaux, ils ont des engagements. Plus on avance dans la vie, plus on vit de renoncements. On renonce tous à des choses, automatiquement. Il est bon de se poser la question « A quoi on renonce ? »
Pratiquer le théâtre comme acteur ou comme metteur en scène permet peut-être de ne pas renoncer totalement, de vivre différemment certains engagements.
C’est certain, bien qu’il faille renoncer à un certain confort de vie. Il y a bien d’autres choses que j’aurais aimé faire mais le théâtre ouvre des possibles immenses, en particulier pour le metteur en scène qui peut travailler sur tous les matériaux qu’il veut, avec toutes les équipes… dans la mesure où ses moyens financiers le permettent.
On peut aborder cet aspect matériel ?
La Compagnie « Demain dès l’aube » a vu le jour à Annecy. Nous sommes maintenant soutenus par la ville d’Annecy, par le département de Haute-Savoie, par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, nous sommes en résidence à l’Auditorium de Seynod-Scène Régionale.
Tous ces soutiens ne vous font pas peur ? Il n’y a pas une exigence de résultat ?
Il y a bien sûr une certaine exigence, qui me semble normale. J’ai suivi toute ma scolarité dans des écoles publiques et j’ai toujours voulu défendre un théâtre de service public, que l’on contribue tous à payer et qui agisse au service des citoyens.
Revenons à votre activité de mise en scène. Quelles relations avez-vous avec la scénographie ?
La scénographie s’intéresse à l’espace, au décor, à ce qui va être construit. Chaque metteur en scène a ses fonctionnements. En ce qui me concerne, les premières personnes que je vais appeler sont mes concepteurs pour la lumière, le son et la scénographie. Je commence à réfléchir avec eux avant même d’appeler les acteurs. Un dialogue s’instaure avec la scénographe pour la réalisation d’une maquette.
Elle est universelle, d’où l’intérêt d’en parler avec des lycéens. Leur âge fait qu’ils sont encore très radicaux, ils ont des engagements. Plus on avance dans la vie, plus on vit de renoncements. On renonce tous à des choses, automatiquement. Il est bon de se poser la question « A quoi on renonce ? »
Pratiquer le théâtre comme acteur ou comme metteur en scène permet peut-être de ne pas renoncer totalement, de vivre différemment certains engagements.
C’est certain, bien qu’il faille renoncer à un certain confort de vie. Il y a bien d’autres choses que j’aurais aimé faire mais le théâtre ouvre des possibles immenses, en particulier pour le metteur en scène qui peut travailler sur tous les matériaux qu’il veut, avec toutes les équipes… dans la mesure où ses moyens financiers le permettent.
On peut aborder cet aspect matériel ?
La Compagnie « Demain dès l’aube » a vu le jour à Annecy. Nous sommes maintenant soutenus par la ville d’Annecy, par le département de Haute-Savoie, par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, nous sommes en résidence à l’Auditorium de Seynod-Scène Régionale.
Tous ces soutiens ne vous font pas peur ? Il n’y a pas une exigence de résultat ?
Il y a bien sûr une certaine exigence, qui me semble normale. J’ai suivi toute ma scolarité dans des écoles publiques et j’ai toujours voulu défendre un théâtre de service public, que l’on contribue tous à payer et qui agisse au service des citoyens.
Revenons à votre activité de mise en scène. Quelles relations avez-vous avec la scénographie ?
La scénographie s’intéresse à l’espace, au décor, à ce qui va être construit. Chaque metteur en scène a ses fonctionnements. En ce qui me concerne, les premières personnes que je vais appeler sont mes concepteurs pour la lumière, le son et la scénographie. Je commence à réfléchir avec eux avant même d’appeler les acteurs. Un dialogue s’instaure avec la scénographe pour la réalisation d’une maquette.
« La Révolte » traduit vraiment les tensions entre les deux personnages dans l’espace, par leur rapprochement où leur éloignement, la direction de leur regard.
Je ne sais pas si toutes nos intentions sont perçues et même si elles ont besoin de toutes l’être. Nous avons construit un appartement du 19° siècle dans lequel tout est structuré mais aussi déplacé, comme les murs sans cloisons, les tiroirs (que racontent-ils ?) avec l’intention d’évoquer les frontières qui ne sont pas réelles mais que nous bâtissons nous-mêmes et dans lesquelles nous nous enfermons. Tout le monde travaille en tout cas pour que ce soit le même sens qui circule dans l’espace scénique.
Un détail, pourquoi l’acteur est-il pieds nus toute la fin de la pièce ?
Je ne voulais pas couler le personnage de Félix, en faire un affreux capitaliste. J’ai décidé de montrer à la fin de la pièce deux personnages qui sont des morts vivants, tous les deux dans une forme de résignation pour nous questionner sur nos propres renoncements.
Ces pieds nus correspondent à la volonté de faire discuter deux humains plutôt que d’opposer deux discours allégoriques. Je voulais injecter de l’humain, de la vie et de l’intime.
C’est une façon de souligner l’opposition entre les armures, les frontières que nous avons évoquées et une sorte de mise à nu.
C’était l’idée.
On vous a demandé si la pièce est féministe ; en tout cas ce texte, alors qu’il faut être performant de nos jours, voir la réalité en face…laisse entendre au public qu’il y a une possibilité qui dépasse le clivage rêve/réalité calculée.
Notre problématique était de montrer comment un système économico-politique influe sur les comportements désirants des individus, sur ce qu’il y a de plus personnel, de plus intime en chaque être humain sans même qu’il s’en rende compte.
Après avoir travaillé ce thème précédemment à partir de deux auteurs allemands, je voulais ne pas passer par la médiation de la traduction. Le texte de Villiers de l’Isle-Adam est un OVNI en la matière. Il n’y a pas besoin de dire « Regardez comme c’est actuel, comme c’est moderne ! » C’est au public de se poser certaines questions auxquelles l’amène cette part métaphysique du texte. Il faut accepter de laisser une place au public dans l’accomplissement du spectacle. C’est lui qui vient « faire spectacle, faire représentation. »
Je ne sais pas si toutes nos intentions sont perçues et même si elles ont besoin de toutes l’être. Nous avons construit un appartement du 19° siècle dans lequel tout est structuré mais aussi déplacé, comme les murs sans cloisons, les tiroirs (que racontent-ils ?) avec l’intention d’évoquer les frontières qui ne sont pas réelles mais que nous bâtissons nous-mêmes et dans lesquelles nous nous enfermons. Tout le monde travaille en tout cas pour que ce soit le même sens qui circule dans l’espace scénique.
Un détail, pourquoi l’acteur est-il pieds nus toute la fin de la pièce ?
Je ne voulais pas couler le personnage de Félix, en faire un affreux capitaliste. J’ai décidé de montrer à la fin de la pièce deux personnages qui sont des morts vivants, tous les deux dans une forme de résignation pour nous questionner sur nos propres renoncements.
Ces pieds nus correspondent à la volonté de faire discuter deux humains plutôt que d’opposer deux discours allégoriques. Je voulais injecter de l’humain, de la vie et de l’intime.
C’est une façon de souligner l’opposition entre les armures, les frontières que nous avons évoquées et une sorte de mise à nu.
C’était l’idée.
On vous a demandé si la pièce est féministe ; en tout cas ce texte, alors qu’il faut être performant de nos jours, voir la réalité en face…laisse entendre au public qu’il y a une possibilité qui dépasse le clivage rêve/réalité calculée.
Notre problématique était de montrer comment un système économico-politique influe sur les comportements désirants des individus, sur ce qu’il y a de plus personnel, de plus intime en chaque être humain sans même qu’il s’en rende compte.
Après avoir travaillé ce thème précédemment à partir de deux auteurs allemands, je voulais ne pas passer par la médiation de la traduction. Le texte de Villiers de l’Isle-Adam est un OVNI en la matière. Il n’y a pas besoin de dire « Regardez comme c’est actuel, comme c’est moderne ! » C’est au public de se poser certaines questions auxquelles l’amène cette part métaphysique du texte. Il faut accepter de laisser une place au public dans l’accomplissement du spectacle. C’est lui qui vient « faire spectacle, faire représentation. »
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La Révolte de Villiers de L’Isle-Adam
Mise en scène Hugo Roux / Cie Demain dès l’Aube
Lucas Wayman : dramaturgie
Marion Berthet : administration
Hugo Fleurance : régie générale et lumières
Juliette Desproges : scénographie
Alex Costantino : costumes
Camille Vitté : son
Avec Lauriane Mitchell (Elisabeth) et Olivier Borle (Félix)
Mise en scène Hugo Roux / Cie Demain dès l’Aube
Lucas Wayman : dramaturgie
Marion Berthet : administration
Hugo Fleurance : régie générale et lumières
Juliette Desproges : scénographie
Alex Costantino : costumes
Camille Vitté : son
Avec Lauriane Mitchell (Elisabeth) et Olivier Borle (Félix)