Vous parvenez à faire bouger un château ?
Le château est une très belle coquille associée à deux exigences de base. Le musée existe depuis longtemps. Il était situé à l’Hôtel de Ville depuis 1854, je crois. Quelques vitrines au départ et puis une salle… il a grandi jusqu’au point qu’il a été nécessaire de le déménager au château dans les années 60. Il a donc fallu continuer à valoriser les collections de la ville en considérant que le patrimoine constitue un tout, mobilier, immobilier ; ce qui est une fausse bonne idée pour un conservateur qui doit travailler à la fois sur des collections et sur un patrimoine historique. D’autant plus que nous n’avons plus d’objets mobiliers liés à l’histoire du château !
Il faut donc veiller à ne pas créer de confusion pour les visiteurs en gérant et en exposant des collections très variées d’archéologie, d’art contemporain, de beaux arts, de cinéma d’animation dans le cadre d’un château médiéval. C’est un challenge qui permet de visiter un château et un musée et de les mettre réciproquement en valeur.
Voilà ce qui a nourri notre nouveau projet scientifique et culturel et permis de le définir pour les 5 à 10 prochaines années. L’accélération sociétale fait qu’il n’est pas pertinent de se projeter au-delà.
Il n’y a pas si longtemps, on lançait un projet culturel pour 20 ans. On considérait qu’un musée a le temps pour lui. Cette conception est désormais caduque. Même sur un territoire comme Annecy, on ne sait pas de quoi sera fait l’avenir dans 5 ans.
Cette accélération est contraignante, enthousiasmante ?
C’est enthousiasmant. Le maître mot est l’adaptabilité ; il n’y a rien de pire que la routine dans la culture. Accepter de se remettre sur l’ouvrage, c’est accepter d’être étonné, ce qui est drôlement agréable et c’est ce que demande le public. Si, en plus, on parvient à l’enchanter…Nous avons eu 140 000 visiteurs en 2018, ce qui produit un éventail de réactions très riche, associées à des cultures très éloignées de la nôtre, ce qui ouvre le champ des possibles. Le château est donc le musée des Annéciens qui accueille de plus en plus de touristes. Nous nous appuyons sur la culture locale et sur la diversité, ce qui peut agréablement surprendre le public, sur le château et des collections auxquelles certains ne s’attendent pas.
Le château est une très belle coquille associée à deux exigences de base. Le musée existe depuis longtemps. Il était situé à l’Hôtel de Ville depuis 1854, je crois. Quelques vitrines au départ et puis une salle… il a grandi jusqu’au point qu’il a été nécessaire de le déménager au château dans les années 60. Il a donc fallu continuer à valoriser les collections de la ville en considérant que le patrimoine constitue un tout, mobilier, immobilier ; ce qui est une fausse bonne idée pour un conservateur qui doit travailler à la fois sur des collections et sur un patrimoine historique. D’autant plus que nous n’avons plus d’objets mobiliers liés à l’histoire du château !
Il faut donc veiller à ne pas créer de confusion pour les visiteurs en gérant et en exposant des collections très variées d’archéologie, d’art contemporain, de beaux arts, de cinéma d’animation dans le cadre d’un château médiéval. C’est un challenge qui permet de visiter un château et un musée et de les mettre réciproquement en valeur.
Voilà ce qui a nourri notre nouveau projet scientifique et culturel et permis de le définir pour les 5 à 10 prochaines années. L’accélération sociétale fait qu’il n’est pas pertinent de se projeter au-delà.
Il n’y a pas si longtemps, on lançait un projet culturel pour 20 ans. On considérait qu’un musée a le temps pour lui. Cette conception est désormais caduque. Même sur un territoire comme Annecy, on ne sait pas de quoi sera fait l’avenir dans 5 ans.
Cette accélération est contraignante, enthousiasmante ?
C’est enthousiasmant. Le maître mot est l’adaptabilité ; il n’y a rien de pire que la routine dans la culture. Accepter de se remettre sur l’ouvrage, c’est accepter d’être étonné, ce qui est drôlement agréable et c’est ce que demande le public. Si, en plus, on parvient à l’enchanter…Nous avons eu 140 000 visiteurs en 2018, ce qui produit un éventail de réactions très riche, associées à des cultures très éloignées de la nôtre, ce qui ouvre le champ des possibles. Le château est donc le musée des Annéciens qui accueille de plus en plus de touristes. Nous nous appuyons sur la culture locale et sur la diversité, ce qui peut agréablement surprendre le public, sur le château et des collections auxquelles certains ne s’attendent pas.
A droite, Lionel François lors d'un vernissage au Palais de l'Ile, avec Fabien Ducrot et Lucie Cabanes
Un château médiéval est un lieu fermé par essence mais vous avez des satellites aux archives, bientôt au haras, au Palais de l’Ile…
Ce qui ajoute au paradoxe ! Mais le château d’Annecy dispose d’un atout, il domine la vieille ville. De ses fenêtres, on a une vision précise du territoire et, en retour, il est visible de partout.
Les relations avec les villes jumelées font aussi partie du champ des possibles, non pas pour des projets fictifs mais d’éventuels projets communs.
En deux années de fonction à Annecy, vous avez eu le temps de tout découvrir ?
Nos collections comportent environ 60 000 objets. Je m’en suis fait une idée assez précise mais j’ai heureusement avec moi mes équipes spécialisées pour chaque collection. Quelques pépites émergent de l’ensemble. Nous les exposons, les présentons de manière différente, liée à notre regard actuel, dans les expositions temporaires.
Il nous faut également définir la ligne de nos acquisitions. Priorité est donnée aux Beaux Arts pour compléter nos collections.
Le projet du haras nous a obligés à accélérer notre réflexion, ce qui nous a permis, en concertation avec d’autres structures de la Région, de l’Etat, de confrères, d’axer notre angle de travail sur la question de la représentation de l’image dans l’histoire de l’art, avec comme point d’exergue la représentation du mouvement.
C’est l’angle que nous allons adopter pour valoriser nos collections acquises mais aussi nos projets d’acquisition ou d’emprunts. Nous souhaitons proposer aux artistes contemporains de travailler dans ce sens sur des actions précises, pour une manifestation culturelle, pour une exposition temporaire, pour montrer en quoi une œuvre contemporaine peut apporter un nouveau regard sur le monde.
Il fallait un thème qui soit lié à l’ambition culturelle de la ville d’Annecy, capitale mondiale du film d’animation.
Ce qui ajoute au paradoxe ! Mais le château d’Annecy dispose d’un atout, il domine la vieille ville. De ses fenêtres, on a une vision précise du territoire et, en retour, il est visible de partout.
Les relations avec les villes jumelées font aussi partie du champ des possibles, non pas pour des projets fictifs mais d’éventuels projets communs.
En deux années de fonction à Annecy, vous avez eu le temps de tout découvrir ?
Nos collections comportent environ 60 000 objets. Je m’en suis fait une idée assez précise mais j’ai heureusement avec moi mes équipes spécialisées pour chaque collection. Quelques pépites émergent de l’ensemble. Nous les exposons, les présentons de manière différente, liée à notre regard actuel, dans les expositions temporaires.
Il nous faut également définir la ligne de nos acquisitions. Priorité est donnée aux Beaux Arts pour compléter nos collections.
Le projet du haras nous a obligés à accélérer notre réflexion, ce qui nous a permis, en concertation avec d’autres structures de la Région, de l’Etat, de confrères, d’axer notre angle de travail sur la question de la représentation de l’image dans l’histoire de l’art, avec comme point d’exergue la représentation du mouvement.
C’est l’angle que nous allons adopter pour valoriser nos collections acquises mais aussi nos projets d’acquisition ou d’emprunts. Nous souhaitons proposer aux artistes contemporains de travailler dans ce sens sur des actions précises, pour une manifestation culturelle, pour une exposition temporaire, pour montrer en quoi une œuvre contemporaine peut apporter un nouveau regard sur le monde.
Il fallait un thème qui soit lié à l’ambition culturelle de la ville d’Annecy, capitale mondiale du film d’animation.
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L’angle du mouvement permet de déplacer les évidences.
On oublie très vite les évidences, comme les questions d’environnement. Le public a accès, grâce à internet principalement, à une énorme masse d’informations et il peut se rendre compte qu’il les interprète mal, qu’il a besoin d’éléments structurants de base pour les interpréter : là, nous pouvons jouer notre rôle.
Alors que le virtuel est de plus en plus important et intéressant, il est essentiel de se trouver face à des œuvres de référence bien concrètes. Les bibliothèques, les musées, toutes les structures liées au monde de l’art et de la culture ont un rôle de plus en plus important à jouer face aux fake news, au brouillage de plus en plus prononcé des pistes.
Une bonne bibliothèque ou un bon musée peut permettre de remettre les pendules à l’heure et de rassurer des gens qui se questionnent sur divers sujets.
Vous avez évoqué la notion de temps à plusieurs reprises. Lucie Cabanes, lors des visites qu’elle organise ici, au château, souligne presque systématiquement qu’il faut du temps pour entrer dans une œuvre. Il est nécessaire d’échapper au quotidien, à la précipitation.
On s’octroie davantage de temps dans un musée. A propos de temps, le public nous fait parfois savoir qu’il aimerait voir s’allonger la durée de telle ou telle exposition temporaire, ce qui rejoint la question des prêts. L’époque est révolue où chaque musée gardait jalousement ses œuvres, celles-ci circulent mais la durée des prêts est souvent limitée à 3 mois, pour des raisons de conservation, principalement.
Aujourd’hui un conservateur doit de plus en plus être aussi un diffuseur. Cette question de la transmission a toujours existé. Elle ne se gère plus au sein d’une seule et même famille. Nous sommes des mammifères sociaux, nous avons besoin réciproquement des autres pour évoluer et transmettre au sein d’une même génération et aux générations à venir.
Dans les musées, le savoir lié aux œuvres est dynamique, toujours en discussion.
On réinterprète en permanence, parce que le regard, lié à son époque contemporaine, change en permanence. Pourquoi une énième exposition sur Léonard de Vinci, sinon pour cette raison ?
Un musée se doit aujourd’hui de mettre de l’ordre mais aussi de décloisonner afin de tenir compte de la place du public. L’interactivité est de plus en plus forte et nécessaire.
Ce qui ouvre sans doute des réflexions intéressantes.
Le public apprécie tout particulièrement les interventions de nos médiateurs et de nos guides dont nous désirons augmenter l’effectif. Rien ne remplace la présence, la présentation humaine, aucun outil, parce que celui-ci ne fait pas cas de la sensibilité de l’auditeur, de ses connaissances. Le médiateur, lui, adapte son discours en fonction de son public.
Est-ce que votre statut vous oblige à participer aux séances « Art et yoga » ? (rires). Ce sont des séances qui vont exactement dans le sens de tout ce que nous avons évoqué.
J’aimerais bien, mais les places sont limitées et je ne veux pas en occuper une aux dépens du public. » Art et Yoga » fait partie effectivement de notre ouverture d’esprit et de cette progression d’accueil du public que nous envisageons…. Il n’y avait pas de piège dans votre question ?
Nous pensons à organiser des expositions ponctuelles dans des lieux où on ne les attendrait pas forcément, ce qui va dans le sens de la relation au public et de la valorisation du patrimoine.
Nous sommes aussi partenaires de la plupart des festivals. La ville d’Annecy en compte un nombre sidérant. Nous ne souhaitons plus apparaître comme simple lieu d’accueil mais privilégions les interactions. Nous ne sommes pas un lieu de location d’espace. Notre programmation culturelle doit avoir du sens.
Parmi les Festivals, celui du Fantastique, né l’année dernière, va émerger de plus en plus.
Vous donnez l’impression d’être bien installé à Annecy.
Oui, mais un directeur se doit d’avoir l’esprit voyageur. Il ne doit pas forcément se déplacer mais avoir le recul suffisant. J’en apprends énormément en étudiant les collections.
Le rayonnement annécien n’est pas lié qu’à son lac et à ses montagnes mais à bien d’autres paramètres dont n’est pas exclue la dimension patrimoniale. Notre collection liée au cinéma d’animation est entrée dans « Les Musées de France », ce qui nous ouvre des perspectives et crée des responsabilités en nous mettant aussi en relation avec des spécialistes du monde entier.
Norman Mc Laren, qui a été un grand réalisateur du cinéma d’animation et demeure une référence, écrivait « L’animation n’est pas l’art des dessins qui bougent mais l’art des mouvements qui sont dessinés. Ce qui se passe entre chaque image est bien plus important que ce qui est sur chaque image ».
Cette citation rentre en droite ligne avec notre projet scientifique et culturel.
[Cette citation colle bien avec Annecy, ville du mouvement. Elle souligne ce qui relie le visible à l’invisible, le travail de recherche, de préparation et celui de l’exposition dans une continuité qui échappe le plus souvent au public]
On oublie très vite les évidences, comme les questions d’environnement. Le public a accès, grâce à internet principalement, à une énorme masse d’informations et il peut se rendre compte qu’il les interprète mal, qu’il a besoin d’éléments structurants de base pour les interpréter : là, nous pouvons jouer notre rôle.
Alors que le virtuel est de plus en plus important et intéressant, il est essentiel de se trouver face à des œuvres de référence bien concrètes. Les bibliothèques, les musées, toutes les structures liées au monde de l’art et de la culture ont un rôle de plus en plus important à jouer face aux fake news, au brouillage de plus en plus prononcé des pistes.
Une bonne bibliothèque ou un bon musée peut permettre de remettre les pendules à l’heure et de rassurer des gens qui se questionnent sur divers sujets.
Vous avez évoqué la notion de temps à plusieurs reprises. Lucie Cabanes, lors des visites qu’elle organise ici, au château, souligne presque systématiquement qu’il faut du temps pour entrer dans une œuvre. Il est nécessaire d’échapper au quotidien, à la précipitation.
On s’octroie davantage de temps dans un musée. A propos de temps, le public nous fait parfois savoir qu’il aimerait voir s’allonger la durée de telle ou telle exposition temporaire, ce qui rejoint la question des prêts. L’époque est révolue où chaque musée gardait jalousement ses œuvres, celles-ci circulent mais la durée des prêts est souvent limitée à 3 mois, pour des raisons de conservation, principalement.
Aujourd’hui un conservateur doit de plus en plus être aussi un diffuseur. Cette question de la transmission a toujours existé. Elle ne se gère plus au sein d’une seule et même famille. Nous sommes des mammifères sociaux, nous avons besoin réciproquement des autres pour évoluer et transmettre au sein d’une même génération et aux générations à venir.
Dans les musées, le savoir lié aux œuvres est dynamique, toujours en discussion.
On réinterprète en permanence, parce que le regard, lié à son époque contemporaine, change en permanence. Pourquoi une énième exposition sur Léonard de Vinci, sinon pour cette raison ?
Un musée se doit aujourd’hui de mettre de l’ordre mais aussi de décloisonner afin de tenir compte de la place du public. L’interactivité est de plus en plus forte et nécessaire.
Ce qui ouvre sans doute des réflexions intéressantes.
Le public apprécie tout particulièrement les interventions de nos médiateurs et de nos guides dont nous désirons augmenter l’effectif. Rien ne remplace la présence, la présentation humaine, aucun outil, parce que celui-ci ne fait pas cas de la sensibilité de l’auditeur, de ses connaissances. Le médiateur, lui, adapte son discours en fonction de son public.
Est-ce que votre statut vous oblige à participer aux séances « Art et yoga » ? (rires). Ce sont des séances qui vont exactement dans le sens de tout ce que nous avons évoqué.
J’aimerais bien, mais les places sont limitées et je ne veux pas en occuper une aux dépens du public. » Art et Yoga » fait partie effectivement de notre ouverture d’esprit et de cette progression d’accueil du public que nous envisageons…. Il n’y avait pas de piège dans votre question ?
Nous pensons à organiser des expositions ponctuelles dans des lieux où on ne les attendrait pas forcément, ce qui va dans le sens de la relation au public et de la valorisation du patrimoine.
Nous sommes aussi partenaires de la plupart des festivals. La ville d’Annecy en compte un nombre sidérant. Nous ne souhaitons plus apparaître comme simple lieu d’accueil mais privilégions les interactions. Nous ne sommes pas un lieu de location d’espace. Notre programmation culturelle doit avoir du sens.
Parmi les Festivals, celui du Fantastique, né l’année dernière, va émerger de plus en plus.
Vous donnez l’impression d’être bien installé à Annecy.
Oui, mais un directeur se doit d’avoir l’esprit voyageur. Il ne doit pas forcément se déplacer mais avoir le recul suffisant. J’en apprends énormément en étudiant les collections.
Le rayonnement annécien n’est pas lié qu’à son lac et à ses montagnes mais à bien d’autres paramètres dont n’est pas exclue la dimension patrimoniale. Notre collection liée au cinéma d’animation est entrée dans « Les Musées de France », ce qui nous ouvre des perspectives et crée des responsabilités en nous mettant aussi en relation avec des spécialistes du monde entier.
Norman Mc Laren, qui a été un grand réalisateur du cinéma d’animation et demeure une référence, écrivait « L’animation n’est pas l’art des dessins qui bougent mais l’art des mouvements qui sont dessinés. Ce qui se passe entre chaque image est bien plus important que ce qui est sur chaque image ».
Cette citation rentre en droite ligne avec notre projet scientifique et culturel.
[Cette citation colle bien avec Annecy, ville du mouvement. Elle souligne ce qui relie le visible à l’invisible, le travail de recherche, de préparation et celui de l’exposition dans une continuité qui échappe le plus souvent au public]