Rencontre avec Véronique Bruneau. Quand les odeurs nous ouvrent pleinement à nous-mêmes !

Véronique, vous êtes olfactopraticienne. Qu’est-ce que ça signifie ?
Je contribue à la rencontre entre les odeurs des huiles essentielles, le sens olfactif et le cerveau de la mémoire, des souvenirs et des émotions d’une personne, que l’on appelle le système limbique. Ceci permet de se reconnecter à soi, au moment présent ou bien aux souvenirs qui nous mettent en lien avec notre histoire.

C’est une approche très intéressante parce qu’elle permet que court-circuiter le conscient, certains blocages, pour avoir accès autrement aux souvenirs et à la mémoire.
Le mental occulte souvent beaucoup de choses et nous interdit d’avoir accès à certaines informations de notre inconscient. La rencontre entre les odeurs des huiles essentielles et notre sens olfactif ouvre cet espace et permet de se remémorer notre histoire, de bons moments, d’autres éventuellement plus désagréables qui font très vite réagir les participants à un atelier.

Dans ce cas, ce n’est pas l’odeur en elle-même qui est désagréable mais plutôt ce qu’elle évoque.
L’émotion attachée au souvenir est convoquée par l’odeur. C’est ce qui remonte avant même que le mental ne sache de quoi il s’agit. L’information voyage beaucoup plus rapidement entre le nerf olfactif et le système limbique qu’elle ne le fait pour les autres sens.
 

Il y a quelque chose de plus instinctif ?
Exactement. Instinctif et intuitif.

Ce qui permet de déconnecter de tous les conditionnements sociaux. On a vu dans l’atelier que vous venez d’animer des comportements individuels et d’autres interconnectés socialement.
Ces huiles nous reconnectent vraiment avec notre essence, elles nous permettent d’aller au-delà des masques, des apparences, de nous ouvrir à ce qui est plus grand que nous, de retrouver l’essentiel à l’intérieur de soi, comme la respiration, le moment présent. Nous pouvons ainsi faire la part des choses entre ce qui est essentiel et ce qui l’est moins.

On parle en poésie, dans l’art, de synesthésie, de mélange des sensations, c’est ce qui se passe dans vos ateliers. Une odeur évoque une couleur, une forme, un moment, un voyage…
C’est une ouverture multi-sensorielle à laquelle chaque personne réagit de façon personnelle. Certains vont être plus kinesthésiques, d’autres vont être plus sensibles aux odeurs, ou bien à la visualisation. C’est pourquoi l’atelier se déroule sur un fond musical important aussi comme vecteur d’ouverture.

 

Par cette démarche on retrouve des facultés naturelles occultées ou détériorées par l’éducation, l’histoire de chacun, parfois des maladies ou des accidents.
Notre mode de vie nous coupe beaucoup de nos ressentis et de nos sens. Nous avons misé sur notre mental. Einstein lui-même déclarait que nous avons mis le mental en exergue et avons fait de l’intuitif et du créatif un serviteur. Nous avons oublié toute cette part d’instinct, d’intuition, de créativité alors que la science nous montre que nous vieillissons mieux quand nous utilisons ces sens-là qui nous reconnectent à notre corps et au moment présent.

D’autant plus que l’âge contribue à nous déconnecter aussi de la vie sociale.
Oui, on se retrouve un peu reclus, avec une capacité physiologique moindre, parfois dégradée ; demeurent alors les souvenirs, les sensations corporelles et le lien avec les autres. Il est important de continuer à nourrir ces liens et de permettre à chacun de se rendre compte qu’il est riche de sensations.

Ce type d’atelier est profitable aux personnes âgées, mais aussi à celles qui veulent vivre un moment de reconnexion hors du stress et puis à celles qui ont subi un traumatisme.
L’hôpital de Garches comprend tout un service pour les polytraumatisés crâniens. Il utilise des huiles essentielles mais aussi des odeurs du quotidien comme celles du pain grillé, du chocolat chaud afin de leur permettre de retrouver le fil d’Ariane de leur histoire, de leur passé et de suivre ainsi une rééducation facilitée qui prend moins de temps.
Pour les enfants, le loto des odeurs développe le sens olfactif, d’autant que notre langage comporte beaucoup d’expressions qui reposent sur ce sens : « Je ne peux pas le sentir », ou bien, « Ce truc-là, je le sens bien ». Ceci montre que ce sens primitif est essentiel et que notre inconscient nous donne l’information avant notre mental.

Notre culture sociale a réprimé cet instinct parce qu’il semblait nous rapprocher de l’animal ; on redécouvre ses bienfaits.
Effectivement, le sens olfactif nous rapproche de notre instinct animal, il a été considéré comme tabou à cause de ses liens étroits avec la sexualité…

Pour pouvoir nous vendre du déodorant !
On nous vend des odeurs synthétiques pas du tout agréables/naturelles qui conditionnent et dirigent nos réactions à partir de molécules dont on a repéré qu’elles agissent sur nous.
 

En ce qui concerne la synesthésie, cette fusion des sensations  

« …Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens. »

    Correspondances. Baudelaire