Kenneth White est le hérault de la géopoétique, qu’il développe à travers plusieurs dizaines de livres, cette façon de vivre et d’envisager le monde pleinement relié aux langages et aux forces qui animent les hommes et la nature, par-delà les frontières et barrières de toutes sortes, en être libre donc totalement atypique.
Kenneth White a accepté de répondre en une page à la définition de la géopoétique que je lui proposais maladroitement et que voici « La géopoétique est ce mouvement en apparence paradoxal qui consiste à élargir le monde, se trouvant ainsi à la marge de celui-ci, entre l’intérieur et l’extérieur, éventuellement perdu, pour être davantage soi . Un mouvement, donc une conception dynamique de l’ensemble, soi malgré/avec/grâce à ce qui nous est extérieur. »
Kenneth White a accepté de répondre en une page à la définition de la géopoétique que je lui proposais maladroitement et que voici « La géopoétique est ce mouvement en apparence paradoxal qui consiste à élargir le monde, se trouvant ainsi à la marge de celui-ci, entre l’intérieur et l’extérieur, éventuellement perdu, pour être davantage soi . Un mouvement, donc une conception dynamique de l’ensemble, soi malgré/avec/grâce à ce qui nous est extérieur. »
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Message des marges
Kenneth White
[Borderland est publié par Vagamundo]
J’ai publié récemment un petit livre fou, intitulé Borderland, où, dès la préface, la question est posée : « Que faire quand on a l’impression que la politique prend de plus en plus l’allure d’un vaudeville, que la culture est un creux rempli de riens, que l’éducation est un désastre et que la langue même se délite ? »
Trop dur, trop pessimiste ?
Je dirais simplement : lucide.
À une époque où un optimisme de commande est à l’ordre du jour, une bonne dose de scepticisme, voire de pessimisme, me semble salutaire.
Mais on peut aller plus loin.
Quand on me demande dans des entretiens si je suis optimiste ou pessimiste, je réponds : ni l’un, ni l’autre – possibiliste.
Ce « possible » ne se trouve pas dans les Centres, où l’on n’entend que du bruit, et, de plus en plus, du bavardage, mais dans le silence des Marges.
C’est un mot intéressant, marge, qui comporte, caché, non seulement le latin margo, bordure, mais le germanique marka, signe, et le sanskrit marga, sentier.
La vie profonde, la pensée vive, ainsi que le grand art, se sont de tout temps développés dans les marges : marges du dehors, marges du dedans.
Celui qui sait cela, et qui essaie de développer une « pensée du dehors », afin d’ouvrir, dans une civilisation fermée, un autre espace, c’est celui que j’appelle le nomade intellectuel.
Le nomade intellectuel est un intellectuel nomade. C’est-à-dire qu’il n’est ni l’intellectuel idéaliste de Platon, qui se perd dans les Idées, ni l’intellectuel engagé de Sartre, qui s’engage trop tôt et qui, faute de connaissance du terrain, crée des situations pires que le point de départ, ni, phénomène plus récent, l’intellectuel médiatique, qui commente à la petite semaine tous les « événements » socio-politiques.
Le nomade intellectuel traverse des territoires, à la recherche de foyers de culture perdus, et entretient un contact à la fois intelligent et sensible avec notre monde terraqué, qui est autrement plus complexe que ce nous appelons, pauvrement, environnement.
J’ai consacré ma vie à ce genre de choses, à travers vents et marées.
Pour en revenir à Borderland, dans ce petit manifeste des marges, mais qui contient, en filigrane, tout mon travail, que ce soit dans le récit, l’essai ou le poème, je m’avance même à parler d’une « mouvance des marges », me disant qu’il y a de plus en plus d’individus (non pris dans les codes, non abasourdis par les discours convenus) qui pensent dans les termes que je viens d’évoquer.
Ceci est dit sans Optimisme, sans Foi, sans Espoir.
Mais qui sait ?
Salutations au monde.
Kenneth White
[Borderland est publié par Vagamundo]