«Sœurs» de Pascal Rambert avec Marina Hands et Audrey Bonnet
Quand le théâtre fait son cinéma et se donne en spectacle
Pas de narrativité. Ok. Elle est souvent absente de la poésie. Dans les années 60, déjà pour faire moderne, le Nouveau Roman déplaçait les repères et privilégiait la description qui bouffait ainsi tout le reste.
Michel Leiris écrivait « Modernité, merdonité. »
Il ne s’agit pas ici de critiquer la modernité qui, de toute façon est de chaque époque et puis passe mais de se demander si Mélanchon sur scène ne ferait pas plus sens. Lui aussi crie, agresse, prend à parti, apostrophe…mais semble bien davantage rattaché à du vivant. « Sœur » nous entraîne du côté de la télé réalité, Koh Lanta pour savoir qui survivra, chez Ruquier ou Ardisson pour savoir qui crie le plus fort.
Le propos de « Sœurs » ?
Une sœur aînée distance de trois ans sa cadette à la naissance , de quelques longueurs de bassin en natation, de quelques compliments du paternel archéologue alors que la famille vit à Barbès, monde familial qui s’élargit à l’Egypte, la Syrie…au gré des pérégrinations du père et ensuite des occupations humanitaires de l’aînée et des problèmes de réfugiés, de migrants sur fond de bonnes intentions.
La mère romancière est morte et on ne saura jamais si le SMS de l’aînée censé prévenir la cadette est parti, pas parti. Il n’est en tout cas pas arrivé, situation d’autant plus perturbante qu’on ne connaît pas l’opérateur et que l’on sait que, malheureusement, les choses n’avancent pas par la seule opération du Saint Esprit.
C’est là que je réalise, moi spectateur, que « Sœurs » est une tragédie grecque contemporaine avec (ou sans) SMS !Révélation confirmée par « Quelque chose nous est tombé sur la tête que nous n’avions pas désiré. » Fatalitas de thé, sans sucre.
Tragédie du langage aussi :
« Pourquoi l’oralité est-elle un voile jeté sur ma vie comme une porte fermée ? »
« Si je détruis ton langage, je détruis ton monde. »
« J’ai toujours aimé faire des trucs sexuels sans maîtriser la langue. »
Et même si cette langue relève du langage, elle permet une transition avec la connotation sexuelle de la tragédie :
« Tu sors du même trou, le couteau entre les dents. » (évocation de leur mère commune).
« Tout va t’exploser au visage par ma pénétration. »
Conscience collective, égoïsmes particuliers ? Le problème est posé :
« Tout est impacté, comme on dit. »
« La marche du monde, tu t’en tapes. »
« Tu signes des pétitions mais dans la vie tu es un être abject. »
Et puis , retour au langage, au destin, à la fatalité « Quelque chose te dépasse sur laquelle tu n’as aucune prise. » (si j’ai bien entendu, comme pour les répliques précédentes, prises à la volée).
Pas de narrativité. Ok. Elle est souvent absente de la poésie. Dans les années 60, déjà pour faire moderne, le Nouveau Roman déplaçait les repères et privilégiait la description qui bouffait ainsi tout le reste.
Michel Leiris écrivait « Modernité, merdonité. »
Il ne s’agit pas ici de critiquer la modernité qui, de toute façon est de chaque époque et puis passe mais de se demander si Mélanchon sur scène ne ferait pas plus sens. Lui aussi crie, agresse, prend à parti, apostrophe…mais semble bien davantage rattaché à du vivant. « Sœur » nous entraîne du côté de la télé réalité, Koh Lanta pour savoir qui survivra, chez Ruquier ou Ardisson pour savoir qui crie le plus fort.
Le propos de « Sœurs » ?
Une sœur aînée distance de trois ans sa cadette à la naissance , de quelques longueurs de bassin en natation, de quelques compliments du paternel archéologue alors que la famille vit à Barbès, monde familial qui s’élargit à l’Egypte, la Syrie…au gré des pérégrinations du père et ensuite des occupations humanitaires de l’aînée et des problèmes de réfugiés, de migrants sur fond de bonnes intentions.
La mère romancière est morte et on ne saura jamais si le SMS de l’aînée censé prévenir la cadette est parti, pas parti. Il n’est en tout cas pas arrivé, situation d’autant plus perturbante qu’on ne connaît pas l’opérateur et que l’on sait que, malheureusement, les choses n’avancent pas par la seule opération du Saint Esprit.
C’est là que je réalise, moi spectateur, que « Sœurs » est une tragédie grecque contemporaine avec (ou sans) SMS !Révélation confirmée par « Quelque chose nous est tombé sur la tête que nous n’avions pas désiré. » Fatalitas de thé, sans sucre.
Tragédie du langage aussi :
« Pourquoi l’oralité est-elle un voile jeté sur ma vie comme une porte fermée ? »
« Si je détruis ton langage, je détruis ton monde. »
« J’ai toujours aimé faire des trucs sexuels sans maîtriser la langue. »
Et même si cette langue relève du langage, elle permet une transition avec la connotation sexuelle de la tragédie :
« Tu sors du même trou, le couteau entre les dents. » (évocation de leur mère commune).
« Tout va t’exploser au visage par ma pénétration. »
Conscience collective, égoïsmes particuliers ? Le problème est posé :
« Tout est impacté, comme on dit. »
« La marche du monde, tu t’en tapes. »
« Tu signes des pétitions mais dans la vie tu es un être abject. »
Et puis , retour au langage, au destin, à la fatalité « Quelque chose te dépasse sur laquelle tu n’as aucune prise. » (si j’ai bien entendu, comme pour les répliques précédentes, prises à la volée).
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Autour de moi pendant la représentation, trois jeunes femmes se demandaient depuis le début si elles auraient le courage de quitter la salle, des têtes qui dodelinaient, des yeux fermés. Un voisin qui prend des notes. Pour un article ? Je lui fais part de mon avis sur la pièce à la fin de celle-ci, il s’éloigne, drapé dans sa dignité outragée et sa barbe de quelques jours. Il a aimé, comme une grande partie du public !
Personnellement, j’ai particulièrement apprécié un moment de silence et de répit au milieu de la représentation et j’ai eu le temps de compter à plusieurs reprises pour confirmation les 40 chaises gerbables qui composent l’essentiel du décor et d’y relever 7 couleurs.
40 comme les jours passés par Jésus dans le désert ? Comme les voleurs d’Ali Baba ? 7 comme les couleurs de l’arc-en-ciel ?
Une spectatrice m’a soufflé « 7, comme les chakras. » J’avoue que les miens sont demeurés fermés, celui du cœur en particulier.
On a opposé aussi à mes réserves le fait que la pièce dit des choses qu’on n’ose pas dire dans nos vies. Mais n’est-ce pas le propre de l’art de dire ces choses-là ?
« Levez-vous ! C’est les larmes dehors, c’est la peur, c’est horrible ! »
Cette apostrophe au public m’a fait penser à ce petit livre d’Eric Chauvier « Les mots sans les choses », comme si nous fonctionnions de plus en plus par éléments de langage, de réalité, d’émotions, de prise de conscience.
En ce sens, « Sœurs » est un succès de représentation.
Le mieux est que vous vous fassiez votre propre opinion en allant voir la prestation très tonique de Marina Hands et d’Audrey Bonnet.
Personnellement, j’ai particulièrement apprécié un moment de silence et de répit au milieu de la représentation et j’ai eu le temps de compter à plusieurs reprises pour confirmation les 40 chaises gerbables qui composent l’essentiel du décor et d’y relever 7 couleurs.
40 comme les jours passés par Jésus dans le désert ? Comme les voleurs d’Ali Baba ? 7 comme les couleurs de l’arc-en-ciel ?
Une spectatrice m’a soufflé « 7, comme les chakras. » J’avoue que les miens sont demeurés fermés, celui du cœur en particulier.
On a opposé aussi à mes réserves le fait que la pièce dit des choses qu’on n’ose pas dire dans nos vies. Mais n’est-ce pas le propre de l’art de dire ces choses-là ?
« Levez-vous ! C’est les larmes dehors, c’est la peur, c’est horrible ! »
Cette apostrophe au public m’a fait penser à ce petit livre d’Eric Chauvier « Les mots sans les choses », comme si nous fonctionnions de plus en plus par éléments de langage, de réalité, d’émotions, de prise de conscience.
En ce sens, « Sœurs » est un succès de représentation.
Le mieux est que vous vous fassiez votre propre opinion en allant voir la prestation très tonique de Marina Hands et d’Audrey Bonnet.