Philippe Graton, Sacha Fenestraz, Jean-Louis Dauger / « Michel Vaillant » Interviews de Philippe Graton / Sacha Fenestraz ©Jean-Luc Taillade
L’équipe de « Michel Vaillant » était en dédicace ce vendredi 14 décembre 2018 chez BD Fugue Annecy dont la déco faisait honneur à l’écurie et aux personnages de la célèbre BD.
Move-On en a profité pour bavarder avec Philippe Graton, scénariste et fils du créateur de Michel Vaillant et pour poser deux questions à Sacha Fenestraz, pilote originaire d’Annecy qui navigue entre la réalité et l’univers fictionnel de la BD avec le plus grand bonheur.
Philippe, la relation que vous établissez entre la réalité et la fiction enrichit l’univers de vos albums.
Ça fait partie de l’ADN de Michel Vaillant depuis sa création, depuis soixante ans. Mon père a créé Michel Vaillant en 1957 et il s’est très vite rendu compte qu’aller se documenter sur le terrain était indispensable pour la crédibilité de sa BD. S’il n’allait pas sur les circuits, s’il ne discutait pas avec les pilotes, avec les mécaniciens, s’il n’allait pas voir les lieux, les écuries, les décors, tout ce qui fait la course automobile, il tournerait très vite en rond et ne s’en sortirait pas. Chez Michel Vaillant il y a bien sûr la part de fictionnel, lui , sa famille et l’écurie Vaillante sont purement inventés mais on peut dire que tout le reste existe vraiment, le sport automobile et tout le monde automobile qui l’environne.
Le sport est plutôt le milieu oublié par la bande dessinée, à l’exception de Michel Vaillant qui raconte le sport automobile dans tous ses aspects avec cette dimension quasi journalistique ou documentaire grâce à laquelle on a pratiquement une encyclopédie de soixante ans d’histoire de la place de l’automobile dans nos vies, dans nos sociétés, dans le sport et dans la vie de tous les jours. Je pense qu’un sport n’a jamais été rendu dans une bande dessinée sous tous ses aspects, technique, psychologique, historique, design…
Même si dans ce dernier album sur Macao les choses sont encore plus flagrantes, cette relation entre la réalité et la fiction est constitutive de l’identité de Michel Vaillant.
Cette dimension fait que vos albums sont lus par les passionnés de voitures, les spécialistes mais aussi par d’autres types de lecteurs.
Mon coscénariste Denis Lapière me disait « Michel Vaillant n’est pas une bonne BD automobile mais une bonne BD. » Quand j’ai commencé à écrire les scénarios de Michel Vaillant, il y a plus de vingt ans, j’avais eu l’idée de placer des bulletins réponse dans les albums pour mieux connaître mes lecteurs. Je posais plusieurs questions, « Quel est votre personnage préféré en dehors de Michel Vaillant ? Que lisez-vous d’autre ?.. Blake et Mortimer, Largo Winch.. ? » A ma grande surprise 67% m’ont répondu « Auto Hebdo », « L’Automobile Magazine », « Sport Auto ». Ils n’ont pas pensé un instant que je parlais de bande dessinée.
Beaucoup de lecteurs de Michel Vaillant sont passionnés par le sport automobile, regardent des émissions sur cette discipline, lisent la presse spécialisée et Michel Vaillant. D’autres aiment Michel Vaillant et en particulier cette nouvelle saison pour les personnages, les relations père/fils, l’entreprise Vaillant et la saga familiale. Michel Vaillant est le seul héros de bande dessinée à être entouré depuis le tout début par une famille qui joue un vrai rôle.
Move-On en a profité pour bavarder avec Philippe Graton, scénariste et fils du créateur de Michel Vaillant et pour poser deux questions à Sacha Fenestraz, pilote originaire d’Annecy qui navigue entre la réalité et l’univers fictionnel de la BD avec le plus grand bonheur.
Philippe, la relation que vous établissez entre la réalité et la fiction enrichit l’univers de vos albums.
Ça fait partie de l’ADN de Michel Vaillant depuis sa création, depuis soixante ans. Mon père a créé Michel Vaillant en 1957 et il s’est très vite rendu compte qu’aller se documenter sur le terrain était indispensable pour la crédibilité de sa BD. S’il n’allait pas sur les circuits, s’il ne discutait pas avec les pilotes, avec les mécaniciens, s’il n’allait pas voir les lieux, les écuries, les décors, tout ce qui fait la course automobile, il tournerait très vite en rond et ne s’en sortirait pas. Chez Michel Vaillant il y a bien sûr la part de fictionnel, lui , sa famille et l’écurie Vaillante sont purement inventés mais on peut dire que tout le reste existe vraiment, le sport automobile et tout le monde automobile qui l’environne.
Le sport est plutôt le milieu oublié par la bande dessinée, à l’exception de Michel Vaillant qui raconte le sport automobile dans tous ses aspects avec cette dimension quasi journalistique ou documentaire grâce à laquelle on a pratiquement une encyclopédie de soixante ans d’histoire de la place de l’automobile dans nos vies, dans nos sociétés, dans le sport et dans la vie de tous les jours. Je pense qu’un sport n’a jamais été rendu dans une bande dessinée sous tous ses aspects, technique, psychologique, historique, design…
Même si dans ce dernier album sur Macao les choses sont encore plus flagrantes, cette relation entre la réalité et la fiction est constitutive de l’identité de Michel Vaillant.
Cette dimension fait que vos albums sont lus par les passionnés de voitures, les spécialistes mais aussi par d’autres types de lecteurs.
Mon coscénariste Denis Lapière me disait « Michel Vaillant n’est pas une bonne BD automobile mais une bonne BD. » Quand j’ai commencé à écrire les scénarios de Michel Vaillant, il y a plus de vingt ans, j’avais eu l’idée de placer des bulletins réponse dans les albums pour mieux connaître mes lecteurs. Je posais plusieurs questions, « Quel est votre personnage préféré en dehors de Michel Vaillant ? Que lisez-vous d’autre ?.. Blake et Mortimer, Largo Winch.. ? » A ma grande surprise 67% m’ont répondu « Auto Hebdo », « L’Automobile Magazine », « Sport Auto ». Ils n’ont pas pensé un instant que je parlais de bande dessinée.
Beaucoup de lecteurs de Michel Vaillant sont passionnés par le sport automobile, regardent des émissions sur cette discipline, lisent la presse spécialisée et Michel Vaillant. D’autres aiment Michel Vaillant et en particulier cette nouvelle saison pour les personnages, les relations père/fils, l’entreprise Vaillant et la saga familiale. Michel Vaillant est le seul héros de bande dessinée à être entouré depuis le tout début par une famille qui joue un vrai rôle.
Mais la saga familiale, c’est aussi la vôtre.
Oui, il y a des parallèles, c’est vrai. Michel Vaillant et moi avons le même père.
Dans cet album sur Macao plusieurs fils narratifs se rejoignent, la course automobile, la course à la justice et toutes les intrigues, la course électorale au Texas, et puis le fil qui vous fait revenir à Macao sur les traces de votre père. La couverture de l’édition Collector illustre le regard vers le passé, avec l’image du rétroviseur qui donne tout son sens à l’ensemble.
La couverture de l’album classique est un peu plus mystérieuse. « Macao, l’enfer du décor » - je suis très fier du titre (rires) - est une édition augmentée, en tirage limité qui permet de montrer tout le travail de préparation sur le terrain que nous évoquions.
Michel Vaillant véhicule des valeurs très positives.
Le terme est bien choisi !
Autrefois les sportifs étaient considérés comme des gens limités dans leur expression, ou bien ils étaient loués de manière ambiguë, comme Raymond Poulidor, toujours 2°.
C’est drôle que vous me parliez de Poulidor, je viens de l’évoquer en me rendant à BD Fugue. Quelqu’un me demandait qui , dans le monde du cyclisme, était arrivé le plus souvent 2°. J’ai répondu « Poulidor, bien sûr ». C’est en réalité Zoetemelk…et Poulidor n’est que 2° ! Là aussi, il est 2° ! Ce qui est une forme de perfection.
Autour de l’enjeu de la course, vous montrez deux univers, d’un côté la confiance, la mise en valeur des individus, de l’autre la manipulation, la menace, la soumission et ce sont les bons qui gagnent.
Michel Vaillant a été créé dans les années cinquante avec ces valeurs morales qui sont intemporelles. Tout l’enjeu est de respecter ces valeurs du sport, de la famille en les mettant à l’épreuve du monde actuel, notamment dans le monde automobile où le pognon a de plus en plus de place. Le modèle de pilotes comme Fangio est loin, ou Stirling Moss qui levaient le pied pour laisser gagner un Grand Prix à un type dont ils estimaient qu’il avait été victime d’injustice en début de saison. Il y avait cette élégance, ce côté chevaleresque.
Oui, c’est vrai que ce sont les bons qui gagnent avec Michel Vaillant. La différence de cette saison 2 avec les BD de « papa », à tous les sens du terme, c’est qu’on a creusé un peu les aspects psychologiques. Les personnages ont acquis un peu plus de profondeur et de noirceur dans certains cas. Ils ont toujours les mêmes valeurs, qui ne s’expriment plus de manière aussi manichéenne, tout blanc ou tout noir.
Au départ, les personnages n’avaient pas de défauts personnels et ne se confrontaient qu’à des obstacles externes. Les ennuis étaient dus aux méchants. Il est beaucoup plus intéressant pour la dramaturgie d’avoir aussi des obstacles internes qui viennent du héros lui-même, ce qui entraîne plus d’empathie de la part du lecteur. Certains lecteurs nous ont écrit qu’ils préféraient garder les héros dans cette insouciance des années soixante ; d’un autre côté Denis et moi, les scénaristes, souhaitons faire quelque chose de crédible. Et puis les lecteurs d’aujourd’hui ont évolué, ils ont été nourris avec des séries autrement travaillées que Thierry la Fronde. Les séries actuelles n’hésitent pas à développer des aspects plus intimistes ou plus sombres.
Oui, il y a des parallèles, c’est vrai. Michel Vaillant et moi avons le même père.
Dans cet album sur Macao plusieurs fils narratifs se rejoignent, la course automobile, la course à la justice et toutes les intrigues, la course électorale au Texas, et puis le fil qui vous fait revenir à Macao sur les traces de votre père. La couverture de l’édition Collector illustre le regard vers le passé, avec l’image du rétroviseur qui donne tout son sens à l’ensemble.
La couverture de l’album classique est un peu plus mystérieuse. « Macao, l’enfer du décor » - je suis très fier du titre (rires) - est une édition augmentée, en tirage limité qui permet de montrer tout le travail de préparation sur le terrain que nous évoquions.
Michel Vaillant véhicule des valeurs très positives.
Le terme est bien choisi !
Autrefois les sportifs étaient considérés comme des gens limités dans leur expression, ou bien ils étaient loués de manière ambiguë, comme Raymond Poulidor, toujours 2°.
C’est drôle que vous me parliez de Poulidor, je viens de l’évoquer en me rendant à BD Fugue. Quelqu’un me demandait qui , dans le monde du cyclisme, était arrivé le plus souvent 2°. J’ai répondu « Poulidor, bien sûr ». C’est en réalité Zoetemelk…et Poulidor n’est que 2° ! Là aussi, il est 2° ! Ce qui est une forme de perfection.
Autour de l’enjeu de la course, vous montrez deux univers, d’un côté la confiance, la mise en valeur des individus, de l’autre la manipulation, la menace, la soumission et ce sont les bons qui gagnent.
Michel Vaillant a été créé dans les années cinquante avec ces valeurs morales qui sont intemporelles. Tout l’enjeu est de respecter ces valeurs du sport, de la famille en les mettant à l’épreuve du monde actuel, notamment dans le monde automobile où le pognon a de plus en plus de place. Le modèle de pilotes comme Fangio est loin, ou Stirling Moss qui levaient le pied pour laisser gagner un Grand Prix à un type dont ils estimaient qu’il avait été victime d’injustice en début de saison. Il y avait cette élégance, ce côté chevaleresque.
Oui, c’est vrai que ce sont les bons qui gagnent avec Michel Vaillant. La différence de cette saison 2 avec les BD de « papa », à tous les sens du terme, c’est qu’on a creusé un peu les aspects psychologiques. Les personnages ont acquis un peu plus de profondeur et de noirceur dans certains cas. Ils ont toujours les mêmes valeurs, qui ne s’expriment plus de manière aussi manichéenne, tout blanc ou tout noir.
Au départ, les personnages n’avaient pas de défauts personnels et ne se confrontaient qu’à des obstacles externes. Les ennuis étaient dus aux méchants. Il est beaucoup plus intéressant pour la dramaturgie d’avoir aussi des obstacles internes qui viennent du héros lui-même, ce qui entraîne plus d’empathie de la part du lecteur. Certains lecteurs nous ont écrit qu’ils préféraient garder les héros dans cette insouciance des années soixante ; d’un autre côté Denis et moi, les scénaristes, souhaitons faire quelque chose de crédible. Et puis les lecteurs d’aujourd’hui ont évolué, ils ont été nourris avec des séries autrement travaillées que Thierry la Fronde. Les séries actuelles n’hésitent pas à développer des aspects plus intimistes ou plus sombres.
Sacha Fenestraz, Philippe Graton / « Michel Vaillant » Interviews de Philippe Graton / Sacha Fenestraz ©Jean-Luc Taillade
La course est un travail d’équipe, la BD aussi.
Oui, d’ailleurs j’ai l’impression d’appartenir plus au milieu du sport automobile qu’à celui de la bande dessinée, et d’être dans le monde automobile celui qui s’occupe de la bande dessinée. Les similitudes sont très fortes, elles sont concrétisées par le pilote Sacha Fenestraz qui accepte d’être au volant d’une Vaillante F3 à Macao. Comme aux 24 heures du Mans de l’année dernière, une Vaillante figure sur le podium grâce à un clin d’œil du destin.
Philippe Graton s’installe aux côtés de Sacha qui a déjà commencé la séance de dédicaces. Les lecteurs sont nombreux, nous ne lui posons que deux questions.
Sacha, la meilleure collection qu’est La Pléiade ne publie, sauf exception, que des écrivains décédés. Vous, vous n’avez que 19 ans et vous êtes déjà un personnage de BD. Ça fait quel effet ?
C’est super. Faire partie de la famille Vaillant est quelque chose d’incroyable. Un an après Macao, c’est encore un honneur et j’espère que l’avenir permettra de continuer et de renforcer ces liens.
Pour vous, pilote, c’est une motivation supplémentaire ?
Oui, bien sûr. Il faut faire de bons résultats même sans les couleurs Vaillant, mais ces couleurs apportent une dimension extraordinaire et il faut être à la hauteur. Il y a deux places d’écart entre la fiction et la réalité et il va falloir aller chercher la première place. On la veut !
Oui, d’ailleurs j’ai l’impression d’appartenir plus au milieu du sport automobile qu’à celui de la bande dessinée, et d’être dans le monde automobile celui qui s’occupe de la bande dessinée. Les similitudes sont très fortes, elles sont concrétisées par le pilote Sacha Fenestraz qui accepte d’être au volant d’une Vaillante F3 à Macao. Comme aux 24 heures du Mans de l’année dernière, une Vaillante figure sur le podium grâce à un clin d’œil du destin.
Philippe Graton s’installe aux côtés de Sacha qui a déjà commencé la séance de dédicaces. Les lecteurs sont nombreux, nous ne lui posons que deux questions.
Sacha, la meilleure collection qu’est La Pléiade ne publie, sauf exception, que des écrivains décédés. Vous, vous n’avez que 19 ans et vous êtes déjà un personnage de BD. Ça fait quel effet ?
C’est super. Faire partie de la famille Vaillant est quelque chose d’incroyable. Un an après Macao, c’est encore un honneur et j’espère que l’avenir permettra de continuer et de renforcer ces liens.
Pour vous, pilote, c’est une motivation supplémentaire ?
Oui, bien sûr. Il faut faire de bons résultats même sans les couleurs Vaillant, mais ces couleurs apportent une dimension extraordinaire et il faut être à la hauteur. Il y a deux places d’écart entre la fiction et la réalité et il va falloir aller chercher la première place. On la veut !
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