Le 13 décembre 2018, l’Orchestre des Pays de Savoie, sous la baguette de Pierre-André Valade, donnait son concert intitulé « Un léger retour vers de ciel » sur la scène et dans la salle de Bonlieu Scène Nationale, à Annecy.
C’était l’occasion de discuter avec le compositeur Samuel Sighicelli et avec Damien Pousset, administrateur général de l’Orchestre des Pays de Savoie.
Samuel Sighicelli, ce soir il ne s’agit pas de musique électroacoustique.
C’est plus instrumental, il y a l’Orchestre des Pays de Savoie qui joue.
Comment passe-t-on d’un genre à l’autre ?
Dans ma formation l’électronique et l’instrumental sont au même niveau d’intérêt. J’ai appris à pratiquer et l’écriture instrumentale pour orchestre, soliste et l’écriture électroacoustique et surtout le lien entre les deux. C’est ce qui m’intéresse. C’est toute la culture de la musique mixte qui mélange les sons électroniques et les instruments, le geste humain et la machine. Cette culture remonte aux années 80 mais je fais partie de la génération qui a eu la double formation. Désormais, avec des variantes suivant les conservatoires, les régions, tout compositeur acquiert la double formation, même si tout le monde n’a pas envie de faire de l’électronique ou de l’instrumental.
Le fait de se trouver à la rencontre des deux types de composition les enrichit réciproquement ?
Pour moi oui, j’espère que c’est aussi le cas pour l’auditeur. Il s’agit de sons tellement différents ! De gestes si différents aussi. Ce sont deux sons qui peuvent se mêler mais qui sont de natures très différentes.
On pourrait poser cette question à un peintre : pourquoi donnez-vous un titre à vos compositions électroacoustiques ?
Parce que j’ai toujours une arrière-pensée. Je suis très influencé par le cinéma, par l’image…
A vous écouter, on voyage dans « 2001 l’Odyssée de l’espace ».
Qui m’a marqué lorsque j’étais enfant.
« Stars Wars »
Un peu moins, mais pourquoi pas ? (rires). Dans le cinéma et plus particulièrement celui de science fiction, il y a tout un univers sonore particulier. Les gens sont parfois perturbés par les sons électroniques-de moins en moins d’ailleurs- mais quand on voit ce qu’ils « se prennent » dans les films, dans les séries, une quantité et une complexité de sons incroyable portées par une histoire. Alors quand on entre dans cet univers de sons électroniques on se rend compte qu’il est , d’une certaine façon, familier à beaucoup.
C’est amusant parce qu’il est possible d’écouter votre musique et d’en deviner plus ou moins les titres, en particulier dans « Etudes pour piano et sampler ».
C’est vraiment de la musique mixte inspirée du champ lexical de la préhistoire, une espèce d’anthropologie qui apporte une cohérence entre les titres, la neige, la nuit…
Est-il possible de dire qu’il y a de l’humour dans votre musique ?
Je ne cherche pas à faire de l’humour pour faire rire, mais dans le sens d’une fantaisie, oui ; dès qu’on travaille sur l’hétéroclite, quand on mélange des sons d’origines différentes, dans l’esprit s’opèrent des liens…
Dans lesquels l’imagination peut se glisser, et l’humour. Parlez-nous du concert de ce soir.
Parmi d’autres pièces, l’Orchestre des Pays de Savoie va jouer « Impulsions » qui est une commande. Ils seront vingt-six sur scène. J’avais déjà travaillé avec des élèves du Conservatoire d’Annecy sur une mise en espace musicale qui avait été jouée dans le forum de Bonlieu. Un orchestre moins figé. J’avais envie de poursuivre ce travail qui implique des déplacements de musiciens quittant la scène pour venir jouer dans la salle.
La pièce mélange les sons. Il y a un sampler, donc des sons très électroniques au début, plus naturels à la fin. Il y a une progression autour de la cohérence de l’orchestre. Je suis très attentif à l’idée qu’il forme un groupe modulable, avec des sous groupes qui se séparent, des individus… C’est presque de la sociologie avec ce groupe de musiciens qui a des gestes très communs et petit à petit se split jusqu’à éclater en individus pour se rassembler à la fin sur des éléments très simples, des individus dans l’espace mais tous connectés.
On retrouve dans vos propos une dimension sociologique mais aussi très mathématique.
La musique a, de proche ou de loin, un lien avec les mathématiques, le rythme, le découpage du temps, les groupes qui se divisent… On ne peut pas y échapper. J’ai été marqué par des compositeurs comme Xénakis qui travaillait, lui, à partir de chiffres, même si je travaille de façon plus intuitive. Il s’agit de masses qui se transforment petit à petit ; dès qu’on est dans ces choses-là, on est dans les mathématiques.
On peut faire le parallèle avec la littérature, en particulier avec Pérec, Queneau et l’Oulipo. Les mathématiques sont géniales quand on en sort un peu.
Tout à fait. C’est bien d’avoir un système pour gommer dedans et tourner autour.
C’était l’occasion de discuter avec le compositeur Samuel Sighicelli et avec Damien Pousset, administrateur général de l’Orchestre des Pays de Savoie.
Samuel Sighicelli, ce soir il ne s’agit pas de musique électroacoustique.
C’est plus instrumental, il y a l’Orchestre des Pays de Savoie qui joue.
Comment passe-t-on d’un genre à l’autre ?
Dans ma formation l’électronique et l’instrumental sont au même niveau d’intérêt. J’ai appris à pratiquer et l’écriture instrumentale pour orchestre, soliste et l’écriture électroacoustique et surtout le lien entre les deux. C’est ce qui m’intéresse. C’est toute la culture de la musique mixte qui mélange les sons électroniques et les instruments, le geste humain et la machine. Cette culture remonte aux années 80 mais je fais partie de la génération qui a eu la double formation. Désormais, avec des variantes suivant les conservatoires, les régions, tout compositeur acquiert la double formation, même si tout le monde n’a pas envie de faire de l’électronique ou de l’instrumental.
Le fait de se trouver à la rencontre des deux types de composition les enrichit réciproquement ?
Pour moi oui, j’espère que c’est aussi le cas pour l’auditeur. Il s’agit de sons tellement différents ! De gestes si différents aussi. Ce sont deux sons qui peuvent se mêler mais qui sont de natures très différentes.
On pourrait poser cette question à un peintre : pourquoi donnez-vous un titre à vos compositions électroacoustiques ?
Parce que j’ai toujours une arrière-pensée. Je suis très influencé par le cinéma, par l’image…
A vous écouter, on voyage dans « 2001 l’Odyssée de l’espace ».
Qui m’a marqué lorsque j’étais enfant.
« Stars Wars »
Un peu moins, mais pourquoi pas ? (rires). Dans le cinéma et plus particulièrement celui de science fiction, il y a tout un univers sonore particulier. Les gens sont parfois perturbés par les sons électroniques-de moins en moins d’ailleurs- mais quand on voit ce qu’ils « se prennent » dans les films, dans les séries, une quantité et une complexité de sons incroyable portées par une histoire. Alors quand on entre dans cet univers de sons électroniques on se rend compte qu’il est , d’une certaine façon, familier à beaucoup.
C’est amusant parce qu’il est possible d’écouter votre musique et d’en deviner plus ou moins les titres, en particulier dans « Etudes pour piano et sampler ».
C’est vraiment de la musique mixte inspirée du champ lexical de la préhistoire, une espèce d’anthropologie qui apporte une cohérence entre les titres, la neige, la nuit…
Est-il possible de dire qu’il y a de l’humour dans votre musique ?
Je ne cherche pas à faire de l’humour pour faire rire, mais dans le sens d’une fantaisie, oui ; dès qu’on travaille sur l’hétéroclite, quand on mélange des sons d’origines différentes, dans l’esprit s’opèrent des liens…
Dans lesquels l’imagination peut se glisser, et l’humour. Parlez-nous du concert de ce soir.
Parmi d’autres pièces, l’Orchestre des Pays de Savoie va jouer « Impulsions » qui est une commande. Ils seront vingt-six sur scène. J’avais déjà travaillé avec des élèves du Conservatoire d’Annecy sur une mise en espace musicale qui avait été jouée dans le forum de Bonlieu. Un orchestre moins figé. J’avais envie de poursuivre ce travail qui implique des déplacements de musiciens quittant la scène pour venir jouer dans la salle.
La pièce mélange les sons. Il y a un sampler, donc des sons très électroniques au début, plus naturels à la fin. Il y a une progression autour de la cohérence de l’orchestre. Je suis très attentif à l’idée qu’il forme un groupe modulable, avec des sous groupes qui se séparent, des individus… C’est presque de la sociologie avec ce groupe de musiciens qui a des gestes très communs et petit à petit se split jusqu’à éclater en individus pour se rassembler à la fin sur des éléments très simples, des individus dans l’espace mais tous connectés.
On retrouve dans vos propos une dimension sociologique mais aussi très mathématique.
La musique a, de proche ou de loin, un lien avec les mathématiques, le rythme, le découpage du temps, les groupes qui se divisent… On ne peut pas y échapper. J’ai été marqué par des compositeurs comme Xénakis qui travaillait, lui, à partir de chiffres, même si je travaille de façon plus intuitive. Il s’agit de masses qui se transforment petit à petit ; dès qu’on est dans ces choses-là, on est dans les mathématiques.
On peut faire le parallèle avec la littérature, en particulier avec Pérec, Queneau et l’Oulipo. Les mathématiques sont géniales quand on en sort un peu.
Tout à fait. C’est bien d’avoir un système pour gommer dedans et tourner autour.
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Damien Pousset, l’un des objectifs de l’Orchestre des Pays de Savoie est de rendre accessible à tous la musique classique mais aussi contemporaine.
Le programme de ce soir est très exigeant. Comme Samuel Sighicelli le dit, c’est une musique très écrite, avec des proportions, des rythmes, des rapports d’harmonie complexes, des sons très travaillés, des timbres sophistiqués. Cette soirée est un paysage sonore qui nous fait voyager à travers des textures de sons, un peu comme si on pouvait entrer dans la matière d’un tableau en une relation très physique.
Lorsque Samuel fait circuler les musiciens parmi le public, on a une sensation d’immersion, d’éclatement de la matière .Les sons crépitent, nous caressent, nous agressent…
Nous essayons de rendre accessible au public cette musique très exigeante en variant les formats. On part d’une impulsion avec la pièce de Samuel Sighicelli, mais l’idée d’origine de ce concert est la dernière pièce qui sera donnée ce soir, intitulée « La chute ». La musique est de Daniele Ghisi et le film de Boris Labbé, un cinéaste qui a remporté un prix lors du dernier Festival du Film d’Animation d’Annecy et qui ont travaillé conjointement à cette réalisation.
Le thème est inspiré du Livre d’Enoch, de « La chute des anges rebelles » de Pieter Brueghel l’Ancien, dans lequel on retrouve l’inspiration de Jérôme Bosch. Dans un monde paradisiaque, les anges approchent de trop près les plaisirs et vont choir dans l’Enfer. La première partie du film est plutôt lyrique, la deuxième très sombre, et peut renvoyer à la période de violences que nous vivons actuellement.
La chute des anges comporte l’idée du mouvement, du tourbillon et finalement l’ensemble du concert est conçu pour nous faire tourbillonner. La soirée donne du plaisir parce qu’elle environne le public de musique, mais elle pose aussi des questions. Intercalées entre les pièces que nous venons d’évoquer, deux œuvres de Carlo Gesualdo plus « paisibles », même si elles traitent de la mort et du ciel qui nous attend, et entre elles deux ce moment d’introspection que nous apporte l’adagio de Samuel Barber.
Musique, philosophie, spiritualité, sensualité, mouvement, tout y est.
Une programmation de concert est forcément un peu tout ça, avec en plus l’obligation pour l’ensemble de l’Orchestre des Pays de Savoie de ne pas décrocher de la société dans laquelle nous vivons. Les mutations technologiques que nous vivons ont profondément changé notre mode d’écoute.
Écouter de la musique de manière « contemplative » est devenu une sorte d’acte de militantisme forcené. Il faut trouver du temps, ne pas prendre son téléphone, entrer dans un espace un peu parallèle. C’est une forme de résistance au morcellement du temps auquel nous invitent les outils technologiques.