Voltaire et Rousseau mis en pièce par Jean-Luc Moreau !

Assister à cette représentation était d'abord l'occasion de retrouver Jean-Luc Moreau et Jean-Paul Farré qui me révélèrent ce qu'est le théâtre après des années d'ennui scolaire à analyser les pièces classiques.
 
Il y a pas mal d'années, à Bonlieu Annecy, j'ai découvert L'Avare mis en scène par Jean-Luc Moreau et joué par Jean-Paul Farré et me suis dit « Ah, c'est ça, le théâtre ! Enfin ! »
 
On retrouve dans Voltaire Rousseau une longue complicité entre les deux hommes, tous deux acteurs cette fois-ci. Pas d'effets, ça roule et paraît presque trop simple, mais c'est naturel et naturellement au service du texte brillant, incisif, drôle, érudit, parcouru de vacheries, de piques… écrit par Jean-François Prévand.
 
Si, historiquement, la rencontre entre Voltaire et Rousseau ne semble pas avoir eu lieu, il fallait que leurs pensées se rencontrent (pour ne pas écrire « se rencontrassent »), car l'esprit français est l'héritier de ces deux sources, la raison et le sentiment, le romanesque et le romantique ,la propriété et le bien commun, la société et la nature... Eternel débat, éternelles oppositions dont Voltaire et Rousseau constituent les deux approches complémentaires et indissociables.

Aux interrogations de Rousseau, Voltaire répond clairement : la vertu se mesure à l'utilité publique de chacun de nos actes. Etre philosophe, c'est assumer tous ses actes.
 
Politique, religion, société, racisme, place de la femme dans la société, pouvoir... tous les grands thèmes sont là, sur scène, dans un huis clos qui déborde jusque sur la scène politique actuelle.

 

A la suite de la représentation, Jean-Luc Moreau a pu nous accorder quelques instants avant de filer vers un autre théâtre.

Jean-Luc Moreau, au-delà de l'antagonisme Voltaire /Rousseau on sent la complicité, l'amitié qui vous lient à Jean-Paul Farré. Cette reprise de Voltaire Rousseau est un moyen de les prolonger sur scène ?
 

Oui, nous sommes amis dans la vie, mais ce qui m'a excité, c'est d'approfondir encore, d'aller plus loin. La pièce apporte des phrases nécessaires à entendre, même si elle ne donne pas de réponses, ça fait du bien d'entendre des gens qui ont un esprit clair.

 
Ils parlent de thèmes éternels, donc toujours d'actualité.
 

Toujours, oui; et on ne peut pas penser autrement que comme Voltaire ou Rousseau ,il n'y a pas de 3° voie. Tous les politiques, Mélenchon...jusqu'à Le Pen avec ses extrémismes, tout comme le Rousseau que j'incarne, tout le monde est impliqué dans ce discours, c'est ça qui est fort.

 
Face aux doutes, aux interrogations de Rousseau, Voltaire apparaît comme un bulldozer de la raison et semble l'emporter mais à la fin de la pièce, Rousseau comble son retard.
 

 Je le pense aussi, mais ça dépend des convictions philosophiques et humaines de chacun.

 
La répartition des rôles s'est faite naturellement ? Vous vous sentez plus rousseauiste que voltairien ? 

 Oui, mais Jean-Paul est proche de Rousseau lui aussi.

 
[Et en bon rousseauiste, Jean-Luc Moreau enfourche son vélo pour circuler dans Paris.]