LE FILS, Une "pièce" importante dans le puzzle social, religieux, politique / Rumilly - Quai des Arts le 18 décembre 2018. ©Thierry Laporte
David Gauchard, le sujet de la pièce que vous mettez en scène est l’intégrisme catholique
Il y a en fait plusieurs sujets. On peut la lire sous cet angle mais il y en a bien d’autres possibles suivant qui on est, qui on a envie de défendre ou même d’attaquer.
« Le fils » est l’histoire d’une femme qui rencontre des personnes et celles-ci vont insensiblement la faire glisser dans la manif pour tous, vers une idéologie qui n’est pas la sienne mais qu’elle va épouser : le militantisme contre le mariage pour tous.
Elle ne s’aperçoit pas que l’un de ses fils se radicalise et devient violent et que l’autre est homosexuel.
Vous dites qu’il y a plusieurs lectures, on peut donc penser que d’autres intégrismes sont évoqués ?
Bien sûr. La pièce a été écrite dans un contexte d’intégrisme jihadiste. Le radicalisme n’a pas qu’une couleur. Mais la question est aussi de savoir comment on dévie, comment on glisse tout doucement vers certaines idéologies qui se radicalisent ; comment on passe en une dizaine d’années de Chirac à Sarkozy et à Marine le Pen.
Parler de la loi concernant le mariage pour tous est intéressant, tout comme voir comment on s’engage dans le militantisme. Ce qu’ont été les manifs de droite, les revendications de ces gens qui n’ont pas l’habitude de manifester et qui se sont rassemblés au slogan de « Un papa, une maman »…
Le point de départ du spectacle est une anecdote de ma vie personnelle. Un jour à Rennes, je vais chercher ma fille à l’école maternelle qui se trouve en face du théâtre national de Bretagne. La rue est bloquée par des catholiques intégristes allongés en croix sur la route pour dénoncer le spectacle qui a lieu le soir, « Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Romeo Castellucci. Pendant cette période beaucoup de spectacles ont été interdits ou perturbés par des manifestations.
C’est donc vous qui avez eu l’idée du spectacle et Marine Bachelot Nguyen qui en a écrit le texte.
Je savais qu’elle est une autrice très militante. Elle est engagée sur la parité hommes/femmes chez HF, sur la déracisation des arts, chez LGBT parce qu’elle est lesbienne. Je savais qu’elle serait la bonne personne pour écrire sur ce sujet.
Cette histoire qu’elle a écrite et que je mets en scène est faite de plein d’histoires vraies.
Vous donnez davantage à réfléchir et à comprendre que vous ne jugez les choses et les gens ?
Oui, c’est l’idée. Il ne s’agit pas d’un pamphlet politique. Les choses ne sont pas blanches ou noires. Nous posons beaucoup de questions à partir de situations vraies, vécues pour que les spectateurs entrent en empathie avec le personnage qui est dans une perte de relation à la réalité de sa famille. Ce n’est pas un spectacle destiné à remettre de l’huile sur le feu mais à toucher le public dans une sorte de réconciliation. Il faut comprendre ensemble ce qui s’est passé, sans généraliser, sans caricaturer mais en partant de consultations, de documents.
Le sujet n’est d’ailleurs pas totalement derrière nous, il resurgit de temps à autre.
Au-delà de nos frontières, au Brésil ou ailleurs. Au moment où j’ai créé la pièce, on ne savait pas si François Fillon serait élu. Du mandat Hollande on peut dire qu’il restera la loi Taubira.
Vous mettez en scène un seul personnage, joué par une actrice.
La pièce s’appelle « Le fils » mais c’est la mère qui s’incarne dans un seule en scène car c’est elle qui se raconte, au présent, mais aussi comme si elle avait pris du recul sur ce qui s’est passé. Emmanuelle Hiron joue tous les personnages, ses fils, son mari, des amis. Ce parti pris l’isole mais dramatise davantage la situation et lui donne plus de puissance. Toute l’énergie du texte est concentrée dans son interprétation qui permet une relation très frontale, face public auquel elle pose des questions insidieuses. : « Et vous, vous avez un fils…vous allez à la messe.. ? »
Chacun peut y trouver matière à réfléchir.
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