Jean Gilli ©PaulGrandsard
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Nous avions fixé ce rendez-vous avant que n’éclate la polémique sur l’avenir du festival du cinéma italien d’Annecy. Notre idée était de rencontrer celui qu’Ettore Scola présentait encore, le samedi précédent, sur la scène de Bonlieu, comme le meilleur spécialiste du cinéma italien au monde. Ajoutons à cette connaissance approfondie, une passion évidente.
Est-ce que l’essentiel d’un festival est de remettre des récompenses ?
Quand le festival est né, en 1983, il n’y a pas eu de compétition pendant deux ans. Et puis il a été décidé de donner plus de surface médiatique au Festival d’Annecy. Il est apparu que la compétition s’imposait, parce qu’il y aurait un prix mais aussi un jury, bon moyen d’attirer davantage de monde. La venue de Sergio Leone en 87 en est l’exemple le plus marquant. Elle a donné une image au Festival, tout comme la présence d’Alessandro Barrico. Dans tous les Festivals, il y a toujours une approche du cinéma italien qui est patrimonial - on peut d’ailleurs reprocher aux critiques, aussi bien italiens que français, de toujours comparer le cinéma italien contemporain avec celui du passé - avec ce poids des grandes figures qui pèse sur les épaules des cinéastes, même si, côté italien, on essaie davantage de mettre en valeur la production contemporaine. À Annecy, il s’agit donc tous les ans de ne pas perdre de vue cette dimension patrimoniale, à travers l’hommage à Philippe Noiret, par exemple, à Francesco Rosi, à des régions d’Italie. Mais depuis une quinzaine d’années surtout, depuis la fin d’une période de crise où il était plus difficile de trouver un nombre suffisant de films pour la compétition, nous mettons aussi l’accent sur les films contemporains ; depuis une sorte de renouveau du cinéma italien avec la palme d’or de Nanni Moretti en 2000 au Festival de Cannes, qui a aussi ramené l’attention du public. Ceci nous permet d’établir un équilibre.
D’où viennent ces affinités entre le cinéma italien et le cinéma français ?
Il y a eu une volonté politique, économique et idéologique, à partir de 1945, à la suite de la seconde guerre mondiale, de rapprocher l’Italie et la France, d’où des coproductions. Quand l’Italie était alliée de l’Allemagne, l’aspect culturel n’a jamais fonctionné, alors que les affinités entre l’Italie et la France ont permis aux coproductions de « prendre », notamment grâce à une réglementation appropriée mise en place côté français par le CNC. Il y a eu, ainsi, une tradition de coproduction jusqu’aux années 80. En 2013, a été signé à Cannes un accord qui essaie de relancer ces rapprochements. Beaucoup de Français sont allés travailler en Italie parce que là-bas, on ne faisait pas de prise en son direct, ce qui permettait aux acteurs français de jouer des personnages italiens qu’on doublait après. Delon, Belmondo, Blier, Noiret… En France, la prise de son était directe, alors les acteurs italiens jouaient des personnages italiens ou d’origine italienne.
Est-ce que l’essentiel d’un festival est de remettre des récompenses ?
Quand le festival est né, en 1983, il n’y a pas eu de compétition pendant deux ans. Et puis il a été décidé de donner plus de surface médiatique au Festival d’Annecy. Il est apparu que la compétition s’imposait, parce qu’il y aurait un prix mais aussi un jury, bon moyen d’attirer davantage de monde. La venue de Sergio Leone en 87 en est l’exemple le plus marquant. Elle a donné une image au Festival, tout comme la présence d’Alessandro Barrico. Dans tous les Festivals, il y a toujours une approche du cinéma italien qui est patrimonial - on peut d’ailleurs reprocher aux critiques, aussi bien italiens que français, de toujours comparer le cinéma italien contemporain avec celui du passé - avec ce poids des grandes figures qui pèse sur les épaules des cinéastes, même si, côté italien, on essaie davantage de mettre en valeur la production contemporaine. À Annecy, il s’agit donc tous les ans de ne pas perdre de vue cette dimension patrimoniale, à travers l’hommage à Philippe Noiret, par exemple, à Francesco Rosi, à des régions d’Italie. Mais depuis une quinzaine d’années surtout, depuis la fin d’une période de crise où il était plus difficile de trouver un nombre suffisant de films pour la compétition, nous mettons aussi l’accent sur les films contemporains ; depuis une sorte de renouveau du cinéma italien avec la palme d’or de Nanni Moretti en 2000 au Festival de Cannes, qui a aussi ramené l’attention du public. Ceci nous permet d’établir un équilibre.
D’où viennent ces affinités entre le cinéma italien et le cinéma français ?
Il y a eu une volonté politique, économique et idéologique, à partir de 1945, à la suite de la seconde guerre mondiale, de rapprocher l’Italie et la France, d’où des coproductions. Quand l’Italie était alliée de l’Allemagne, l’aspect culturel n’a jamais fonctionné, alors que les affinités entre l’Italie et la France ont permis aux coproductions de « prendre », notamment grâce à une réglementation appropriée mise en place côté français par le CNC. Il y a eu, ainsi, une tradition de coproduction jusqu’aux années 80. En 2013, a été signé à Cannes un accord qui essaie de relancer ces rapprochements. Beaucoup de Français sont allés travailler en Italie parce que là-bas, on ne faisait pas de prise en son direct, ce qui permettait aux acteurs français de jouer des personnages italiens qu’on doublait après. Delon, Belmondo, Blier, Noiret… En France, la prise de son était directe, alors les acteurs italiens jouaient des personnages italiens ou d’origine italienne.
On gardera un souvenir poignant de la soirée de clôture avec Ettore Scola, qui a évoqué la mémoire de Sergio Leone et qui a fait ses adieux au public, et peut-être à la vie…
Cette soirée a été particulièrement émouvante. Scola a accompagné le festival depuis les années 90, année où, avec Pierre Todeschini, nous avons organisé un hommage à Scola qui est venu. Nos liens d’amitié se sont renforcés et s’est imposée l’idée de faire de lui le Président d’Honneur du Festival. Il a cru, au début, que ce serait pour une année… Nous lui avons expliqué qu’il serait Président tant qu’il le souhaiterait. Pendant une longue période, il est venu presque tous les ans avec sa femme, ses filles. Il aimait Annecy. Le contexte était presque plus amical que professionnel. Il est venu l’année de l’hommage à Trintignant, qu’il voulait rencontrer. Cela a été très émouvant. Cette année, nous devions avoir un documentaire que les filles de Scola ont fait sur lui, mais ça n’a pas pu se faire ; cependant Scola m’a dit avoir « une certaine nostalgie d’Annecy ». Il est finalement venu, malgré une grande fatigue, ce qui constitue une preuve très touchante d’amitié. Je signale qu’il est citoyen d’honneur de la ville d’Annecy et que le titre n’est pas galvaudé puisque, depuis 1945 que ce titre existe, il n’a guère été attribué plus d’une dizaine de fois. Scola est un témoin, il a pris une position de retrait, il assume une fonction tutélaire parce qu’il n’est plus en activité.
On sentait bien autour de lui un esprit d’équipe, côté italien, pendant le festival d’Annecy.
Absolument ! Parce qu’en plus, c’est un type éminemment sympathique qui a su faire un cinéma engagé et consensuel à la fois, ce qui lui confère une position d’autorité morale. Quand un jeune cinéaste a terminé un film, il n’a de cesse que d’essayer de le lui montrer et d’avoir son sentiment, comme ce film sur le G8 de Gênes que Scola m’avait invité à voir avec lui dans une salle privée, lors d’un de mes passages en Italie.
Pourquoi le cinéma italien nous touche-t-il autant ?
Parce que nous vivons aussi des problématiques très proches des leurs, et aussi parce que les Italiens ont su trouver une sorte de communicabilité immédiate avec leurs grands acteurs, Gassman, Tognazzi, Volontè… Aujourd’hui, Sergio Castellitto est l’un des rares de sa génération à être connu en France. C’est le problème. Le déficit d’image actuel du cinéma italien est lié à l’absence de grands noms autour desquels pouvaient se bâtir des campagnes publicitaires.
Vous avez écrit beaucoup d’ouvrages sur le cinéma italien. À qui consacreriez-vous un livre aujourd’hui ?
J’ai un livre en chantier sur Vittorio de Sica, qui ne demanderait que quelques mois pour être terminé. De Sica est un très grand cinéaste un peu oublié aujourd’hui. Il était aussi un grand acteur… Mon autre projet porte sur Mastroianni. On commémorera l’an prochain la vingtième année de sa disparition.
Alors que notre entretien touche à sa fin, on vient chercher Jean Gili « parce qu’il y a une émeute en bas », dans la salle où il doit présenter un film. Pas étonnant.
NDLR : À l’heure où nous imprimons ces pages, l‘avenir du Festival du film italien, en mode annuel ou biannuel, est encore en suspens. Une pétition, qui a recueilli plus de 1500 signatures, continue de tourner afin de maintenir la manifestation tous les ans. Ce qui est certain, c’est que le Festival du film italien fait définitivement parti du paysage culturel annécien et qu’à l’heure où la pérennité des festival est menacée quelque soit le domaine (musique, cinéma, théâtre, etc.), l’objectif est de le faire vivre, dans les meilleures conditions possibles.
> Toutes les informations sur le Festival du Film Italien d'Annecy sur http://www.annecycinemaitalien.com/
Cette soirée a été particulièrement émouvante. Scola a accompagné le festival depuis les années 90, année où, avec Pierre Todeschini, nous avons organisé un hommage à Scola qui est venu. Nos liens d’amitié se sont renforcés et s’est imposée l’idée de faire de lui le Président d’Honneur du Festival. Il a cru, au début, que ce serait pour une année… Nous lui avons expliqué qu’il serait Président tant qu’il le souhaiterait. Pendant une longue période, il est venu presque tous les ans avec sa femme, ses filles. Il aimait Annecy. Le contexte était presque plus amical que professionnel. Il est venu l’année de l’hommage à Trintignant, qu’il voulait rencontrer. Cela a été très émouvant. Cette année, nous devions avoir un documentaire que les filles de Scola ont fait sur lui, mais ça n’a pas pu se faire ; cependant Scola m’a dit avoir « une certaine nostalgie d’Annecy ». Il est finalement venu, malgré une grande fatigue, ce qui constitue une preuve très touchante d’amitié. Je signale qu’il est citoyen d’honneur de la ville d’Annecy et que le titre n’est pas galvaudé puisque, depuis 1945 que ce titre existe, il n’a guère été attribué plus d’une dizaine de fois. Scola est un témoin, il a pris une position de retrait, il assume une fonction tutélaire parce qu’il n’est plus en activité.
On sentait bien autour de lui un esprit d’équipe, côté italien, pendant le festival d’Annecy.
Absolument ! Parce qu’en plus, c’est un type éminemment sympathique qui a su faire un cinéma engagé et consensuel à la fois, ce qui lui confère une position d’autorité morale. Quand un jeune cinéaste a terminé un film, il n’a de cesse que d’essayer de le lui montrer et d’avoir son sentiment, comme ce film sur le G8 de Gênes que Scola m’avait invité à voir avec lui dans une salle privée, lors d’un de mes passages en Italie.
Pourquoi le cinéma italien nous touche-t-il autant ?
Parce que nous vivons aussi des problématiques très proches des leurs, et aussi parce que les Italiens ont su trouver une sorte de communicabilité immédiate avec leurs grands acteurs, Gassman, Tognazzi, Volontè… Aujourd’hui, Sergio Castellitto est l’un des rares de sa génération à être connu en France. C’est le problème. Le déficit d’image actuel du cinéma italien est lié à l’absence de grands noms autour desquels pouvaient se bâtir des campagnes publicitaires.
Vous avez écrit beaucoup d’ouvrages sur le cinéma italien. À qui consacreriez-vous un livre aujourd’hui ?
J’ai un livre en chantier sur Vittorio de Sica, qui ne demanderait que quelques mois pour être terminé. De Sica est un très grand cinéaste un peu oublié aujourd’hui. Il était aussi un grand acteur… Mon autre projet porte sur Mastroianni. On commémorera l’an prochain la vingtième année de sa disparition.
Alors que notre entretien touche à sa fin, on vient chercher Jean Gili « parce qu’il y a une émeute en bas », dans la salle où il doit présenter un film. Pas étonnant.
NDLR : À l’heure où nous imprimons ces pages, l‘avenir du Festival du film italien, en mode annuel ou biannuel, est encore en suspens. Une pétition, qui a recueilli plus de 1500 signatures, continue de tourner afin de maintenir la manifestation tous les ans. Ce qui est certain, c’est que le Festival du film italien fait définitivement parti du paysage culturel annécien et qu’à l’heure où la pérennité des festival est menacée quelque soit le domaine (musique, cinéma, théâtre, etc.), l’objectif est de le faire vivre, dans les meilleures conditions possibles.
> Toutes les informations sur le Festival du Film Italien d'Annecy sur http://www.annecycinemaitalien.com/